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Edmonde Charles-Roux, trente ans de Goncourt!

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Par Marianne Payot,publié le 01/11/2013

Succession: Edmonde Charles-Roux est à la tête de l'académie Goncourt depuis 2002, date à laquelle François Nourissier a passé la main (ici à Aix en Provence en janvier 2007).

Succession: Edmonde Charles-Roux est à la tête de l'académie Goncourt depuis 2002,

date à laquelle François Nourissier a passé la main (ici à Aix en Provence en janvier 2007).

A 93 ans, Edmonde Charles-Roux préside une nouvelle fois le jury du plus prestigieux prix littéraire français. Y renoncer? Pas vraiment le genre de la maîtresse de céans. Retour sur le parcours d'une combattante.

Un 14 juillet, dans les jardins de l'Elysée, Edmonde Charles-Roux s'avance vers Charles de Gaulle: "Vous votez mal, mais vous écrivez bien", lui glisse celui-ci, qui avait beaucoup aimé son Oublier Palerme. Hasard de la vie, elle ira de nouveau, en décembre 2013, à l'Elysée, pour recevoir des mains de François Hollande les insignes de grand officier de la Légion d'honneur... Mais la fille de l'ambassadeur François Charles-Roux ne fait pas que hanter les palaces du pouvoir, elle est aussi, depuis 1983, l'un des plus fidèles couverts (le 2e) de chez Drouant. Lundi 4 novembre, la présidente et doyenne de l'académie Goncourt votera, à 93 ans, pour "son 30e" lauréat et le 111e du plus célèbre prix littéraire français. 

Il y a un mystère Charles-Roux: comment expliquer que cette grande bourgeoise, amie des légionnaires et des intellectuels, l'âme combative et le coeur à gauche, à la fois autodidacte et lettrée, suscite tant de bienveillance? Ou de déférence? Prononcer son nom est un sésame, les téléphones se décrochent pour dire, toujours, la même admiration, sans un mot discordant, comme si le temps et le respect dévolu à l'âge biffaient les aspérités: "Gaie, dynamique", louange Bernard Pivot, son compère du Goncourt. "Ardente, batailleuse, guerrière", pour Bernard-Henri Lévy, qui la côtoie depuis 1975. "Elégante, pudique, talentueuse", selon Pierre Bergé, qui annonce, dans un mouvement de fierté, la connaître depuis soixante ans. 

C'est en off que certains membres de l'auguste académie s'interrogent, en sous-entendant qu'il serait peut-être temps qu'elle passe la main de la présidence... François Nourissier, son prédécesseur, atteint, il est vrai, par la maladie de Parkinson, n'avait-il pas décidé, deux heures à peine après s'être assoupi lors d'un déjeuner, en 2002, de céder la magistrature suprême à son amie Edmonde? A son âge, Edmonde est exceptionnelle, entend-on de toutes parts. Mais l'ouïe, la concentration, la capacité à encaisser les coups baissent, inéluctablement, dit-on en aparté. Or l'enjeu, on le sait, est primordial, le Goncourt assurant, selon les millésimes, de 250 000 à plus de 800 000 exemplaires. Pas une année ou presque sans que le monde de l'édition et la presse crient aux magouilles, à la corruption, aux mauvais choix, comme le rappelle Pierre Assouline dans son délicieux Du côté de chez Drouant (Gallimard). Scandale, en 1998, quand Paule Constant décroche le Graal alors que Houellebecq signe ses Particules élémentaires. Doutes, en 2002, lorsque, avec François Nourissier, Edmonde met tout son poids dans la balance pour couronner Pascal Quignard. Malaise, en 2004, lorsqu'une enquête de Canal+ piège les académiciens, et notamment Edmonde, qui qualifie ses amis jurés de "vieux anars insolents et vachards". Polémique, en 2007, quand un responsable des éditions Albin Michel envoie à la présidente une missive plaidoyer (provocante et maladroite) pour Ni d'Eve ni d'Adam, d'Amélie Nothomb... 

En 1950, "contrebandière" à la tête de Vogue

Dans son appartement, près de la Seine, niché au dernier étage d'un hôtel particulier où vécut le chef de la police de l'Empire, Joseph Fouché, Edmonde Charles-Roux, toujours tirée à quatre épingles -tailleur Chanel de rigueur-, est pensive. Comment quitter Paris? Comment cesser cette navette perpétuelle, certes épuisante mais vitale, entre la Seine et sa maison au pied de la montagne Sainte-Victoire ("votre Machu Picchu à vous", lui dit le président chilien Allende, hôte d'un jour), près d'Aix-en-Provence? A Paris, les rendez-vous, les déjeuners du Goncourt chez Drouant; dans le Sud, l'écriture, les amis et la notoriété! Cette notoriété acquise au fil des années de mandat municipal de son mari, Gaston Defferre. C'est au prix Goncourt, d'ailleurs, qu'elle doit d'avoir rencontré en 1966 son "génie", futur ministre de l'Intérieur de Mitterrand. Zoom arrière: nommée rédactrice en chef de Vogue en 1950, l'amie d'Aragon ("mon maître à penser ") accueille dans les pages du célèbre magazine tous les artistes de l'époque, y compris les plus sulfureux aux yeux du propriétaire américain: "Elle passait le plus clair de son temps à faire de la contrebande", signale Nourissier dans le long portrait qu'il lui consacre en 2000 dans A défaut de génie (Folio). "Un auteur soviétique, une photo d'Elsa, un sujet subversif." Jusqu'à cette top-modèle noire en couverture, un jour de 1966. La goutte d'eau... Le chômage sera de courte durée. Son premier roman, Oublier Palerme (Grasset), obtient le Goncourt le 21novembre 1966. "Une belle petite vengeance après sa mise à pied", note Pierre Bergé. Gaston Defferre fait citoyenne d'honneur cette fille d'industriels de Marseille. Dès le lendemain, à son retour à Paris, elle reçoit un télégramme du maire: "J'arrive." Cavalier, mais efficace. 

En 1973, Edmonde part vivre dans la cité phocéenne. "A l'enterrement de Gaston, en 1986, le chagrin d'Edmonde était bouleversant, raconte Bernard-Henri Lévy. Indifférente au cérémonial -toute la France politique était là-, c'était une femme blessée qui accompagnait le cercueil." Blessée, mais toujours debout. La dame aux pommettes hautes et à l'éternel chignon -"Ne changez pas de coiffure", lui conseilla un jour Aragon- publie, après sa biographie de Coco Chanel, en 1974, une longue enquête sur Isabelle Eberhardt, en 1988, avant de célébrer son Homme de Marseille, en 2001. Longtemps perçue comme une faiseuse de roi (les années Vigouroux), elle dit avoir pris ses distances avec les affaires marseillaises, mais pas avec la gauche, que cette amie de Chevènement célèbre chaque année, les pieds dans la boue, à la Fête de L'Humanité. C'est avec un même naturel que la présidente de l'académie Goncourt arpentait l'année dernière la corniche d'un Beyrouth sous haute surveillance militaire. Alors que le report du voyage était évoqué, Edmonde fut formelle: "On leur a dit oui, on ne se décommande pas." Et d'annoncer ici, lors de la 20e édition du Salon du livre francophone, la troisième sélection du prix Goncourt, puis de donner un coup de chapeau aux jeunes du Moyen-Orient, qui désignent, comme les lycéens de France, leur lauréat. 

Enquête au long cours sur le fils adoptif de Gorki

Cette personnalité cosmopolite dans l'âme et polyglotte assurée aime les voyages et les jeunes romanciers, qu'il lui arrive encore de défendre avec une belle ardeur, nourrie par des années d'influence et de présence à divers jurys. Mais comment mener de front aujourd'hui des dizaines de lectures et son propre travail? Car Edmonde s'est embarquée dans une enquête au long cours, la biographie touffue d'un homme remuant, Zinovi Pechkoff (1884-1966), fils adoptif de Gorki et agent secret de De Gaulle, aux pérégrinations les plus dantesques, de la Russie des tsars à la Chine populaire, en passant par les tranchées de Picardie. Du coup, difficile de mettre le mot "fin" à cette oeuvre attendue depuis longtemps par Grasset. A moins de la publier en deux tomes, comme elle y songe actuellement. 

Cette année encore, les neuf de chez Drouant formeront un bloc protecteur autour d'Edmonde, lorsque la horde sauvage des photographes et cameramen s'engouffrera, lundi, dans le salon du restaurant de la place Gaillon -l'émeute médiatique lors de l'arrivée de Michel Houellebecq, en 2010, reste dans les mémoires. Mais l'année prochaine? Edmonde, dont la locomotion est de plus en plus hésitante, aura-t-elle, à 94 ans, l'énergie suffisante pour garder la présidence? Ou bien recevra-t-elle les jurés du Goncourt chez elle, comme Colette (la première femme présidente) le fit en 1953 au Palais-Royal? Nul ne le sait. Cette blessée de guerre et résistante de la première heure, nommée caporal honoraire de la Légion étrangère, n'est pas du genre à tomber les armes, ni à oublier le Goncourt... 

Afp


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