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Les tatouages sont Légion

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25 juin 2013

grand angle Ancien «képi blanc», Victor Ferreira a photographié pendant deux ans et demi ses compagnons d’armes. Ces portraits de tatoués sont exposés cet été à Aubagne.

Par CHRISTOPHE FORCARI

«Des durs, des vrais, des tatoués», dit la chanson. Les voilà, ces marlous, ces hommes en rupture qui livrent leur vie à fleur de peau. Des légionnaires dont la légende siffle toujours qu’ils sont des hommes «sans nom» parce que l’institution, où ils entrent comme dans un ordre, leur offre la possibilité de changer d’identité à leur convenance, en même temps qu’ils coiffent le képi blanc.

Sans nom, mais pas sans passé, pas sans souvenirs, pas sans histoires. Tous ces types semblent sortis tout droit des romans de Mac Orlan - lui-même ancien légionnaire au temps des sables coloniaux, des escarmouches contre lesrezzous, et auteur d’un petit livre à leur gloire. Au moment de tourner la page, ils en ouvrent souvent une autre. Sur leurs corps, pour ne pas tout oublier, pour garder des traces de leur vie d’avant. «Un homme, un tatouage, une histoire et un regard, résume, lapidaire, le photographe Victor Ferreira, qui fut durant vingt-trois ans un de leurs compagnons d’armes. Même quand je les prends de dos, leur regard me parle.»

«Sans pose, sans artifice»

Ancien adjudant-chef de la Légion étrangère, engagé à 21 ans à peine, Victor Ferreira a photographié pendant plus de deux ans et demi près de 250 légionnaires «sur leurs lieux de travail», dans leur unité, au retour d’une manœuvre, lors du nettoyage des armes, dans des moments de pause. De ce projet de longue haleine, il a tiré une série de portraits qui fera l’objet d’un livre à paraître en octobre aux Editions de l’Officine. Une quarantaine sont exposés jusqu’au 1er septembre au musée de la Légion à Aubagne (Bouches-du-Rhône), qui vient d’être entièrement repensé et rénové.

Victor Ferreira donne à voir des destinées, des itinéraires, des parcours secrets inscrits sur des parchemins burinés, pris sur le vif. «Sans pose, dit-il, sans aucun artifice. Dans la lumière des lieux. Je ne suis pas un mathématicien de la photographie, pas un technicien. Je ne leur ai rien demandé. Ils ont fait les gestes qui leur sont habituels. A ces types, vous ne pouvez pas demander de faire semblant.» Un brin cabots, les légionnaires ont néanmoins le sens de leur propre mise en scène, telle cette jeune recrue dont un avant-bras est tatoué «Honneur» et l’autre «Fidélité» et qui les superpose pour donner à lire en entier la devise de la Légion.

Comme ses sujets, Victor Ferreira fonctionne à l’instinct. Un moment de discussion avec un légionnaire, puis il lui demande s’il a un tatouage, sort son appareil et fixe un dessin plus ou moins réussi «mais qui a toujours quelque chose à dire». Ainsi ce capitaine du 2e REP (régiment étranger de parachutistes) de Calvi (Haute-Corse) qui ouvre son treillis pour montrer l’insigne de sa compagnie, tatoué sur la poitrine, juste avant d’embarquer pour un saut. Ou ces deux légionnaires d’origine britannique, pris torse nu, de dos, un jour de permission à Toulon (Var). «Il faisait à peine 4 degrés. L’un des deux venait juste de se faire inscrire au bas du dos "Made in England", le jour même où il avait obtenu la nationalité française.»

«Faire lire des histoires»

L’idée de cette série de portraits lui est venue en voyant un énorme Christ tatoué sur la poitrine d’un caporal-chef avec cette légende : «Comme toi j’ai souffert.» «J’ai revu le même tatouage bien plus tard sur un autre légionnaire au fond de la jungle guyanaise. Je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire. Deux hommes, deux lieux différents, mais avec le même symbole sur la poitrine. J’ai essayé de faire lire des histoires.» Mission accomplie, à entendre le général Christophe de Saint-Chamas, commandant la Légion étrangère : «Victor Ferreira lit le légionnaire comme personne, explique-t-il. Avec les tatouages, c’est toujours une part d’intime que l’on dévoile. Ces dessins témoignent de non-dits, expriment parfois des rejets ou des résolutions. Les légionnaires n’ont que deux choses de personnel : leur armoire et leur corps.»

Victor Ferreira se défend pourtant d’être «le photographe des légionnaires», même si ses clichés contribuent à forger un peu plus le mythe de cette troupe pas comme les autres au sein de l’armée française. Au début de sa carrière, son appareil photo prend naturellement place dans son paquetage. Pour nourrir les souvenirs. Puis le photographe de chambrée se fait témoin de ce qu’il voit, comme en Bosnie en 1995, un passage au milieu de cette guerre qu’il évoque avec retenue. En juin 2006, il est nommé aide de camp du général Lecerf pendant l’opération «Licorne» en Côte-d’Ivoire. «Il m’a juste dit de faire mon job et de ne pas oublier mon appareil. Je ne suis pas parti pour faire des photos, mais je suis revenu en m’attachant à des photos.» Il en tirera une série intitulée «La paix, c’est un comportement», comme le proclamait un slogan peint sur un mur.

Aguerri au sein des compagnies de combat, ayant participé à presque toutes les opérations extérieures de la France depuis son engagement, Ferreira a saisi également les mouvements d’un jeune danseur contemporain, Mehdi Mojahid, travaillant aux antipodes de son ancien univers, imbu de virilité. «Ce qui n’est pas donné ou partagé est perdu», répond sans plus d’explications le photographe. Son prochain travail : «Mettre en images la poésie.» Il y réfléchit. La Légion étrangère a aussi compté dans ses rangs quelques poètes, comme Cendrars.

La Légion dans la peau Jusqu’au 1er septembre, musée de la Légion étrangère, route de la Thuilière (13400). Rens. : 04 42 18 12 41.


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