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Zinovi Pechkoff, légionnaire

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Le Courrier de Russie

Publié le 28 juin 2012

 

 

Curieusement, personne n’a encore eu l’idée de faire un roman de la vie de Zinovi Pechkoff – frère du révolutionnaire Yakov Sverdlov, protégé de Maxime Gorky, conseiller de Wrangel, combattant des deux guerres mondiales, ami de Charles de Gaulle et ambassadeur de France à Tokyo. Ce n’est pourtant pas la matière qui fait défaut. Né en 1884 dans une famille juive de Nijniï Novgorod, celui qui est encore Zalman Sverdlov passe ses journées dans l’atelier de gravure de son père – qui, à ses heures perdues, imprime encore des tracts révolutionnaires.

Zalman, impliqué, est arrêté, et croise en cellule le futur grand écrivain soviétique Maxim Gorki. Les deux hommes se lient rapidement d’amitié. Zalman a 18 ans à l’époque, Maxim en a 34. À sa sortie de prison, Zalman suit Gorki en exil à Arzamas où, lors d’une soirée littéraire, il s’amuse à lire à haute voix un fragment de la pièce de son ami, Les Bas-fonds. Il se trouve que rôde aussi dans les parages Vladimir Nemirovitch-Danchenko, metteur en scène éminent. Le fondateur du Théâtre d’art de Moscou, décelant chez Zalman un don artistique, l’invite à rejoindre sa troupe. Zalman est ravi. Mais il est Juif – et ne peut accepter. Sa religion et la loi russe s’accordent au-moins là-dessus : les Juifs n’ont pas le droit de jouer dans les théâtres russes. Gorki insiste, pousse le jeune homme et lui vient en aide – il devient son parrain et le fait baptiser. Désormais, toutes les portes peuvent s’ouvrir à… Zinovi. Zalman n’existe plus.

Le geste du jeune homme est, dit-on, très peu apprécié de son géniteur – qui le maudit. Mais c’est le genre de bagatelles qui ne peuvent arrêter l’ambitieux Zinovi. Il s’en va brûler les planches – qui cèdent sous ses pieds. Sur scène, Zinovi, pris d’une timidité maladive, ne peut prononcer une parole. Il ne se laisse pas abattre : les contrées lointaines l’attirent irrésistiblement et le jeune homme se lance dans un périple à travers le Canada, les États-Unis et la Nouvelle Zélande. Totalement démuni, il gagne sa croûte en travaillant comme ouvrier et couche dans des asiles pour miséreux. En 1907, il débarque sur l’île de Capri, où s’est installé son père adoptif. Zinovi passe quatre ans chez Gorki, où il croise tous les futurs membres du gouvernement bolchévique, dont Lénine. En 1911, Zinovi tombe amoureux de Lidia Bourago, fille d’un riche industriel russe également installé en Italie. Cinq jours après s’être aperçus pour la première fois, les jeunes gens se marient. La même année naîtra Elizaveta Pechkova, fille unique de Zinovi. Elizaveta épousera par la suite un espion soviétique et viendra vivre en URSS – où son mari sera fusillé et où elle fera 19 années de camp. Libérée en 1956, elle ira vivre à Sotchi où elle épousera un camionneur et travaillera comme surveillante de plage. Elizaveta ne reverra jamais son père – offensé par son évasion, il aura laissé toutes ses lettres sans réponse.

Mais nous ne sommes qu’en 1911. Zinovi voyage aux États-Unis, puis accoste en France, où la Grande guerre le surprend. Il s’engage immédiatement. Le 9 mai 1915, il est gravement blessé lors d’un combat près d’Arras. Les infirmiers, le jugeant condamné, refusent de l’évacuer du champ de bataille : un jeune lieutenant s’en mêle et ordonne aux brancardiers d’emporter malgré tout ce soldat agonisant. Le lieutenant – son nom est Charles de Gaulle – rend visite à Zinovi à l’hôpital. Ce dernier y laisse un bras mais en retire une médaille, la nationalité française et l’amitié du plus grand homme français du XXème siècle. Dès lors, sa carrière connaît un essor vertigineux. Zinovi devient diplomate. En 1917, il se rend en Russie dans le cadre d’une mission diplomatique française. La légende veut qu’il ait rencontré à Moscou son frère Yakov, révolutionnaire ardent – un des futurs initiateurs de la fusillade de la famille impériale. L’un des deux frères aurait refusé de serrer la main de l’autre – mais on ne sait toujours pas qui l’a tendue le premier.

Les bolcheviques ayant pris le pouvoir, la guerre civile éclate – et Zinovi rejoint Koltchak en Sibérie, puis Wrangel en Crimée. En 1919, il fait parvenir à son frère « rouge » ce télégramme : « Yachka, quand nous aurons pris Moscou, pour tout ce que vous avez fait de la Russie, le premier que nous pendrons sera Lénine ; et tu seras le deuxième. » Mais Moscou ne sera jamais prise et Zinovi rejoindra la France dans le dernier navire au départ de la Crimée. Pendant l’entre-deux-guerres, Zinovi se met au service de sa deuxième patrie en intégrant la légion étrangère, au Maroc ; lorsque la Deuxième guerre éclate, il est condamné à mort par le régime de Vichy pour refus d’obéissance. En attendant d’être fusillé dans sa cellule, Zinovi réussit à convaincre un geôlier de lui fournir, en échange de sa montre en or, une grenade.

Déjà en position face au peloton d’exécution, Zinovi prend en otage un commandant à qui il ordonne qu’on le conduise à l’aérodrome le plus proche. Le premier avion qui décolle l’emmène à Gibraltar où il retrouve de Gaulle… À l’issue de la guerre, Zinovi, promu général, poursuit une brillante carrière diplomatique : ambassadeur de France en Chine, puis au Japon. Zinovi Pechkoff meurt en 1966 à l’âge de 82 ans. C’est un régiment français qui a porté son cercueil en terre. Sur la pierre tombale, conformément à la volonté du défunt, une seule inscription : Zinovi Pechkoff, légionnaire.

Inna Doulkina


Traduction

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