Après Michel Le Bris, qui voulait nous faire croire que les ses "Etonnants voyageurs"ont réussi à tenir la ligne que les pionniers de la Nouvelle Revue Française n'ont pas eu le cran de suivre, voici autre chose. Rospetchat (déjà, ça ne s'invente pas, on se croirait dans la cacanie de Musil !), l'agence fédérale pour la presse et les medias en Russie, en partenariat avec CulturesFrance ont invité quinze écrivains français et deux photographes à traverser la Russie à bord du Transsibérien. Ils sont partis avant-hier et rentreront dans quinze jours. Ils se rendront à la rencontre de leurs lecteurs de Moscou à Vladivostock en passant par Kazan et Novossibirsk, participeront à des débats et visiteront les monuments nationaux. Tous ne sont pas traduits en russe. On compensera par une anthologie de leurs textes éditée pour l'occasion. Mais Transsibérien, Transsibérien... Ca vous rappelle quelque chose ? Tout juste ! La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913) du plus écrivain des manchots de la légion étrangère, Blaise Cendrars. Celui qui signait :"ma main amie". Le périple se déroule sous son aile, et pourquoi pas. Le hic, c'est cette phrase dans le communiqué et la présentation des organisateurs :
"Jamais depuis André Gide et ses compagnons de voyage en 1936, une délégation d'écrivains français ne se sera aventurée si profondément en Russie."
Loin de moi l'idée de suggérer que Patrick Deville, Géraldine Dunbar, Jean Echenoz, Mathias Enard, Dominique Fernandez, Sylvie Germain, Guy Gofette, Minh Tran Huy, Maylis de Kerangal, Kris, Wilfried N'Sondé, Jean-Noël Pancrazi, Olivier Rolin, Danièle Sallenave et Eugène Savistkaya ne sont pas de la qualité d'André Gide, Eugène Dabit, Louis Guilloux, Pierre Herbart, Jef Last et Jacques Schiffrin. Mais leurs entreprises n'ont rien à voir. Les enjeux ne sont pas les mêmes. A l'été 1936, il s'agissait d'un voyage politique sur invitation des services de propagande du Kremlin. Compagnons de route ou "idiots utiles", ils sont avant tout des intellectuels antifascistes engagés dans un climat tendu. Leur
Et puis quoi, quelle idée d'associer le périple 2010 à un voyage politique qui vit la mort tragique sur place de l'un des participants (Eugène Dabit hospitalisé à Sébastopol d'une scarlatine toxique) ! Ce n'est pas bon signe... Quant au patronage de Cendrars, sans vouloir embêter personne, nous rappellerons que, à son ami Pierre Lazareff qui lui demandait en privé s'il avait vraiment pris le Transsibérien une fois dans sa vie, l'écrivain répondit dans un sourire :"Mais enfin Pierre, quelle importance puisque je vous l'ai fait prendre à tous..."
(L'édition sur simili-Japon aux éditions des Hommes nouveaux du Transsibérien de Cendrars illustrée par Sonia Delaunay en 1913; "Gide aux obsèques de Dabit au Père-Lachaise" photo Marcel Cerf)