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Trois défaites emblématiques

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Mémoire. Sidi Brahim, Camerone, Bazeilles…Le sang des morts nourrit l’esprit des vivants.

 

Trois défaites emblématiques


“En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes.” (Renan.) Trois défaites édifiantes devenues symboles du sacrifice du soldat.

Chaque année, le 30 avril, la main artificielle du capitaine Danjou, mort en 1863 à Camerone, au Mexique,est sortie de la salle d’honneur du musée de la Légion étrangère, à Aubagne, puis portée jusqu’au monument érigé à la mémoire des légionnaires tombés au combat.Les chasseurs à pied,eux,commémorent la bataille de Sidi Brahim qui les opposa, en septembre 1845, aux cavaliers de l’émir Abd el-Kader. Quant à l’infanterie de marine,elle commémore rituellement la bataille de Bazeilles au cours de laquelle, le 1er septembre 1870, elle ne succomba, submergée par le nombre, qu’après l’épuisement de ses dernières cartouches.

Comme le rappelle un ouvrage tout récent, le Sacrifice du soldat, c’est tardivement que ces combats devinrent le fait d’armes emblématique des troupes concernées.Napoléon III fit inscrire le nom de Camerone sur le drapeau de la Légion étrangère. Un monument du souvenir fut élevé en 1892 à Camarón, la bourgade mexicaine dont le nom a été francisé. La main articulée du capitaine Danjou avait été auparavant achetée par deux officiers autrichiens à un paysan mexicain et envoyée à Sidi Bel-Abbès, en Algérie, où se trouvait alors la maison mère de la Légion.

Mais ce n’est qu’en 1906 qu’intervint la première célébration “officielle”du combat de Camerone. Elle eut lieu au Tonkin, dans le poste de Ta-Lung, à l’initiative du lieutenant Léon qui commandait 120 légionnaires.Et c’est en 1931 que le général Rollet, commandant la Légion étrangère, choisit le 30 avril pour célébrer la fête de cette arme, de préférence au 10 mars, date de sa création en 1831.

De la même manière, c’est seulement en 1878, trente-trois ans après la bataille de Sidi Brahim, que les chasseurs à pied décidèrent que leur fête serait célébrée le 23 septembre. Quant à la bataille de Bazeilles, elle valut en 1900 à ce village des Ardennes, proche de Sedan, de recevoir la croix de la Légion d’honneur. Mais ce n’est qu’en 1952 que la date anniversaire de ce fait d’armes devint la fête de l’infanterie de marine.

Paradoxalement,qu’il s’agisse de Sidi Brahim, de Camerone ou de Bazeilles, toutes ces batailles se sont soldées par des défaites de nos armes.

Le 21 septembre 1845, le colonel de Montagnac – que l’historien militaire Jacques Garnier a pu comparer, pour ce qui est de l’impétuosité, au général Custer, le vaincu de la bataille de Little Big Horn – apprenait qu’Abd el-Kader et ses cavaliers se trouvaient sur la frontière du Maroc. Il entreprit de les affronter avec 350 hommes du 8e bataillon de chasseurs et 60 hussards, en laissant une partie de sa troupe au bivouac près du marabout de Sidi Brahim. Ce fut un désastre, partagé par une colonne expédiée en renfort. De même, à Camerone, la compagnie de légionnaires du capitaine Danjou fut-elle anéantie par les Mexicains. À Bazeilles, une division de l’infanterie de marine succomba sous les coups de trois divisions allemandes, cette défaite préfigurant celle de l’armée française tout entière dans la cuvette de Sedan et la reddition de l’empereur.

Mais la particularité de ces défaites, c’est qu’elles furent héroïques. Des hommes prouvèrent alors que les mots courage, honneur, devoir avaient un sens. Ainsi leurs actes prirent-ils valeur d’exemples.

À Sidi Brahim, le colonel de Montagnac ayant été tué au début du combat, le capitaine Dutertre, venu avec la colonne de renfort, fut fait prisonnier ainsi que beaucoup de soldats. Le capitaine de Géreaux se retrancha dans le marabout. Abd el- Kader le somma de se rendre. Trois jours de harcèlement, trois refus. L’émir fit amener devant les retranchements le capitaine Dutertre, chargé de convaincre les Français de l’inutilité de leur combat. L’officier cria : « Camarades, défendez-vous jusqu’à la mort ! » et fut aussitôt décapité. Finalement, faute de renforts et de munitions, le caporal Lavayssière organisa une sortie à l’aube du 26 septembre. Son groupe, au sein duquel il avait fait placer les blessés, s’élança vers la plaine. Lorsqu’il fut recueilli, il ne comptait que seize survivants.

À Camerone, même scénario. L’armée française assiégeait Puebla.Averti qu’un convoi transportant 3millions baen numéraire, du matériel de siège et des munitions était en route pour le rejoindre, le colonel Jeanningros désigna la 3e compagnie du régiment étranger pour aller à sa rencontre. À sa tête : le capitaine Danjou, assisté par les sous-lieutenants Maudet et Vilain. Apparurent les Mexicains, au nombre de 2000. Danjou, tout en combattant, se replia vers l’auberge de Camerone, dont la cour était ceinte d’un haut mur. Un officier mexicain le somma de se rendre. Danjou refusa, jura de se défendre jusqu’à la mort et fit prêter le même serment à ses légionnaires.

Ceux-ci se battirent toute la journée, sans eau ni nourriture, par une chaleur extrême. Danjou fut tué à midi, Vilain deux heures plus tard. En fin d’après-midi, face aux Mexicains ayant réussi à envahir la cour, il ne restait plus que cinq hommes autour de Maudet. À son tour, celui-ci tomba, ainsi que deux légionnaires.Les trois survivants allaient être massacrés quand un officier mexicain leur offrit de se rendre. Réponse du caporal Maine : « Nous nous rendrons si vous nous promettez de relever et de soigner nos blessés et si vous nous laissez nos armes. » « On ne refuse rien à des hommes tels que vous ! » répliqua l’officier.Bilan de la journée : une compagnie de la Légion anéantie mais, en face, 300 morts et autant de blessés.

À Camerone, les légionnaires ne se sacrifièrent pas que pour l’honneur. En retenant l’ennemi pendant une journée entière, ils permirent au convoi en route pour Puebla de parvenir à destination.

De même, aux Thermopyles, Léonidas et ses Spartiates, qui attendaient les Perses entre mer et montagne, ne purent empêcher ceux-ci de déferler finalement sur la Grèce, mais les retinrent suffisamment pour permettre à l’infanterie du Péloponnèse de faire retraite avant d’affronter ultérieurement l’ennemi.

Plus près de nous, en se faisant tuer avec ses hommes, après la bataille de Torfou, pour interdire aux Vendéens victorieux le pont de Boussay sur la Sèvre nantaise, le chef de bataillon Chevardin permit en 1793 à Kléber et à ses Mayençais de se replier sur Nantes et d’y préparer leur revanche. De même, les défenseurs d’El Alamo, en se faisant massacrer jusqu’au dernier, laissèrent au général Sam Houston du temps pour mobiliser ses Texans contre les Mexicains de Santa Anna. Quelques exemples parmi d’autres.

La bataille de Bazeilles (illustrée dès 1873 par un tableau d’Alphonse de Neuville, les Dernières Cartouches) ne put, quant à elle, empêcher la défaite de l’armée impériale à Sedan. Du moins témoigne-t-elle que, comme à Sidi Brahim et Camerone, ni le courage ni le sens du devoir ne manquèrent aux troupes françaises. Le 31 août 1870, la division de marine, dite aussi division Bleue, commandée par le général de Vassoigne, reçut l’ordre de reprendre le village de Bazeilles conquis par l’ennemi. Ce fut chose faite à la tombée de la nuit. Mais, dès l’aube, le 4e corps d’armée bavarois contre-attaquait. Les marsouins le repoussèrent à deux reprises. Vers 16 heures, les munitions manquèrent, tandis que le flot ennemi grossissait. Quelques officiers et une trentaine de soldats, blessés pour la plupart, se retranchèrent dans une auberge, la maison Bourgerie. Ils tinrent bon pendant quatre heures, jusqu’à l’épuisement de leurs cartouches. La division Bleue avait perdu 2 600 hommes dans la bataille.

Si la main du capitaine Danjou est pieusement préservée à Aubagne, les cendres des combattants tués à Sidi Brahim sont conservées au mausolée aménagé au château de Vincennes, qui abrita pendant longtemps une garnison de chasseurs et où leurs représentants se réunissent chaque année. La terre de Bazeilles, elle, est enfermée dans une urne au musée des Troupes de marine à Fréjus.

Une autre défaite, celle de Diên Biên Phù, s’inscrit dans cette même tradition d’héroïsme. Elle a donné son nom à une promotion de Saint-Cyr.Deux autres promotions de cette école d’officiers ont reçu les noms de combattants illustres de cette bataille :“Lieutenantcolonel- Gaucher”(1983),“Lieutenant- Brunbrouck” (2004). Quatorze promotions de l’école des sous-officiers d’active de Saint-Maixent ont pareillement reçu le nom d’un sous-officier tué à Diên Biên Phù.

Tout a été dit sur la décision qui conduisit les meilleures unités de l’armée française à se trouver piégées dans cette cuvette au nord-ouest du Viêtnam. En 1952,le Viêt-minh s’était cassé les dents sur le camp retranché de Na San. Le haut commandement français lui promettait le même sort à Diên Biên Phù. Ce fut l’inverse, grâce à l’artillerie installée par l’ennemi autour de la cuvette, sous le couvert de la jungle. Mais, pas plus que la présomption du colonel de Montagnac n’entache la mémoire des chasseurs de Sidi Brahim, l’échec de l’expédition du Mexique celle des légionnaires de Camerone ou la défaite de Sedan celle des marsouins de Bazeilles, l’erreur du commandement français à Diên Biên Phù ne peut gommer la somme des souffrances et des sacrifices consentis par les dixsept bataillons engagés dans la bataille.

Les chiffres témoignent de la violence de celle-ci. Au moment de l’assaut final, après 57 jours de combats ininterrompus,la garnison se réduisait à 10 300 hommes, parmi lesquels 4 436 blessés, dont près de 3 400 dans un état grave. Les survivants furent conduits dans des camps où la mortalité atteignit 60 %. Ainsi, seulement 3 290 des combattants du camp retranché furent libérés après la signature des accords de Genève.

À propos de ces faits d’armes, le lieutenant-colonel Gilles Aubagnac,aujourd’hui conservateur du musée de l’Artillerie, parle de « défaites sublimées ». Plus que les victoires, ce sont elles, en effet, qui fournissent les images les plus fortes. La victoire de Vercingétorix à Gergovie émeut moins que sa reddition à Alésia, la conquête du plateau du Pratzen à Austerlitz exalte moins que l’anéantissement du dernier carré de la Garde à Waterloo.Ernest Renan, prononçant son discours célèbre sur le thème : “Qu’est-ce qu’une nation ?”, affirmait : « La souffrance en commun unit plus que la joie. En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort en commun. »


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