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2008

Hommage national aux poilus de la Grande guerre

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publié le 17/03/2008

Les obsèques de Lazare Ponticelli, dernier poilu, décédé mercredi à l'âge de 110 ans, se déroulent ce lundi, en l'église Saint-Louis des Invalides, en présence du président Nicolas Sarkozy, qui va rendre un hommage national aux combattants de la Première Guerre mondiale, sous le dôme de l'Hôtel des Invalides - prélude en quelque sorte aux manifestations qui marqueront le 90e anniversaire de la fin de la « Grande guerre ».

C'est la Légion étrangère, dans laquelle ce fils d'Italie s'était engagé, devenant Français par le sang versé, qui rendra les honneurs militaires à Lazare Ponticelli. Mais les obsèques de celui qui aura été le dernier des combattants français vivants de la Première Guerre mondiale resteront « privées », comme il en avait exprimé le voeu - notamment l'inhumation dans son cimetière familial. Pas question donc de devenir une « relique nationale », comme l'est par exemple le « soldat inconnu », sous l'Arc de Triomphe de l'Etoile.

Photographies de poilus lors de la bataille de Verdun (Octobre 1916)Photographies par les soldats Gilbert et Louault.© BnF, département des Estampes et de la photographie.

Photographies de poilus lors de la bataille de Verdun (Octobre 1916)
Photographies par les soldats Gilbert et Louault.© BnF, département des Estampes et de la photographie.

Estimant être « passé au travers d'une guerre injuste et horrible », Lazare Ponticelli avait finalement accepté ces derniers mois la perspective d'un hommage national, pourvu qu'il soit rendu par le président de la République aux 1 400 000 morts français de la « Grande guerre » – « grande » par son ampleur, par la violence des combats, par les souffrances endurées et l'héroïsme de combattants venus souvent d'au-delà des mers, ou par son immense cohorte de mutilés et autres « gueules cassées ».

Partisan d'un « réveil de la mémoire », le président Sarkozy a chargé deux commissions de proposer des mesures pour « dépoussiérer » les commémorations patriotiques. Il souhaite « européaniser » le 90e anniversaire de l'armistice, qui sera célébré avec faste  le 11 novembre prochain.


L'hommage de Sarkozy aux Poilus

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Publié le 17.03.2008

Le président de la République Nicolas Sarkozy et son prédécesseur Jacques Chirac se sont retrouvés côte à côte lundi aux Invalides à Paris pour rendre hommage à Lazare Ponticelli, le dernier poilu décédé mercredi à l'âge de 110 ans.
Le président de la République Nicolas Sarkozy et son prédécesseur Jacques Chirac se sont retrouvés côte à côte lundi

 

aux Invalides à Paris pour rendre hommage à Lazare Ponticelli, le dernier poilu décédé mercredi à l'âge de 110 ans. - Eric Feferberg AFP

Hommage à Lazare Ponticelli, dernier poilu décédé le 12 mars. Ce lundi matin, Max Gallo a rendu hommage au dernier poilu, cet après-midi, c'est Nicolas Sarkozy qui se rend aux Invalides pour saluer tous les combattants de la Grande Guerre. Suivez la manifestation en live.

16h13 Sarkozy salue tout le gouvernement, les 150 membres de la famille avant de se rendre auprès des responsables d'associations et des anciens combattants. Juste avant de partir, il va serrer la main d'un dernier militaire en chaise roulante.

16h11 Le Président regagne sa place au côté de Fillon alors que le choeur de l'armée française entonne la version de Berlioz de la Marseillaise.

16h10 Fin du discours
«Et par delà le silence de la mort, ils nous parlent encore au nom de ce qu’ils ont enduré. Ils nous disent que la compréhension, le respect et la solidarité humaine sont les seuls remparts contre la barbarie qui, à chaque instant, si nous n’y prenons pas garde, peut menacer à nouveau de submerger le monde.

Nous ne les oublierons jamais.»

16h08 Après Guy Môquet (et sa lettre de résistant lors de la Deuxième Guerre mondiale), Sarkozy cite Apollinaire
Un autre immigré, engagé volontaire en 1914, avait écrit en partant à la guerre à celle qu’il aimait :
« Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour et puis mon souvenir s’éteindrait
Si je meurs là bas souvenir qu’on oublie
Souviens t’en quelquefois (…) »


16h04 Sarkozy continue de raconter l'histoire du dernier poilu et sa volonté de témoigner
«Comme le visage du caporal Peugeot au moment de sa mort préfigure les visages des millions de morts qui allaient venir, celui de Lazare Ponticelli à son dernier instant les résume tous.
Avant que ne meure l’avant-dernier survivant, il ne savait pas que le destin lui réservait ce rôle de dernier témoin. Mais toute sa vie jusqu’à la fin, il n’a cessé de vouloir témoigner.»

16h Sarkozy relate l'enfance de Lazare Ponticelli, dernier poilu, puis évoque son souvenir de la guerre
Il a 16 ans quand la guerre éclate. Il s’engage dans la légion étrangère en trichant sur son âge. « J’étais Italien, dira-t-il, mais je voulais défendre la France qui m’avait accueilli. C’était une manière de dire merci ».
Il participe aux terribles combats dans la forêt d’Argonne, entre l’Aisne et la Meuse, où les positions françaises et allemandes s’enchevêtrent les unes dans les autres, dans la boue argileuse, entre les étangs et les marécages.
Au premier engagement son régiment perd 161 hommes en dix minutes, dont 30 tués, 114 blessés et 17 disparus. Un témoin de ces combats appellera l’Argonne « la mangeuse d’hommes ».

Avant l’assaut on distribue du rhum aux soldats. Après l’assaut les survivants entendent dans les tranchées les hurlements des blessés abandonnés entre les lignes et que l’on ne peut secourir qu’une fois la nuit tombée.
Un jour Lazare rampe jusqu’à un de ces blessés dont la jambe a été arrachée par un éclat d’obus et le tire derrière les lignes françaises. Il n’a jamais su ce qu’il était devenu. Il n’a jamais cherché. Il avait juste fait ce qu’il avait dû. Il ne demandait aucune reconnaissance. Cet homme à qui il avait sauvé la vie en risquant la sienne l’avait pris dans ses bras et lui avait dit : « Merci pour mes quatre enfants ». Cela lui avait suffi.

En 1915 l’Italie réclame ses ressortissants pour défendre son sol. Lazare refuse de quitter la France et ses camarades de combat. Après ce qu’il vient de vivre, il se considère comme Français. Il faudra que deux gendarmes viennent le chercher pour l’amener de force à Turin où il est incorporé fin 1915 au 3e régiment de chasseurs alpins. Il est envoyé au Tyrol se battre contre les Autrichiens.

Il se bat bien. Il est blessé d’un éclat d’obus à la jambe gauche. Rétabli, il repart au front. Son comportement au feu lui vaut une citation à l’ordre de l’armée et la plus haute distinction militaire italienne.

Après l’armistice, il ne veut pas être démobilisé comme soldat italien. Il veut être libéré de ses obligations militaires par la France où il veut retourner. Il se rend au consulat de France à Milan, montre son livret militaire et se fait reconnaître comme soldat français. Libéré, il rentre à Paris et reprend son travail de ramoneur.

15h58 L'hommage de Sarkozy, suite
Ils ne connurent pas les nuits de pluie, l’hiver, dans les tranchées, « l’attente silencieuse et grelottante, les minutes longues comme des heures ».
Ils ne croisèrent pas les colonnes qui revenaient du feu « avec leurs plaies, leur sang, leur masque de souffrance » et leurs yeux qui semblaient dire à ceux de la relève : « N’y allez pas ! »
Ils ne se battirent pas sans relâche contre la boue, contre les rats, contre les poux, contre la nuit, contre le froid, contre la peur.
Ils n’eurent pas à vivre pendant des années avec le souvenir de tant de douleurs, avec la pensée de tant de vies foudroyées à côté d’eux et des corps qu’il fallait enjamber pour monter à l’assaut.

Lazare Ponticelli fut de ceux qui survécurent après avoir connu toutes les souffrances et toutes les horreurs de cette guerre la plus terrible peut-être que le monde ait connu. La mort l’épargna miraculeusement, comme si elle avait choisi de le sauver pour qu’il puisse témoigner, pour qu’il fût un jour le dernier témoin. Et quel témoin !

15h56 Le discours de Sarkozy suite
«Ces deux morts de 20 ans ne virent pas la suite effroyable de ce qu’ils avaient commencé, ces millions de morts tombés face contre terre fauchés par les mitrailleuses, noyés dans la boue des tranchées, déchiquetés par les obus, ni l’immense foule de ces millions de blessés, paralysés, défigurés, gazés, qui vécurent avec le cauchemar de la guerre gravé dans leur chair.
Ils ne virent pas les parents qui pleuraient leurs fils, les veuves qui pleuraient leurs maris, les enfants qui pleuraient leurs pères.
Ils n’éprouvèrent pas la souffrance du soldat qui fume cigarette sur cigarette « pour vaincre l’odeur des morts abandonnés par les leurs qui n’ont même pas eu le temps de jeter sur eux quelques mottes de terre, pour qu’on ne les vît pas pourrir ». »


15h54 Le discours de Sarkozy est placé sous signe de l'émotion
«Le Français a 21 ans à peine. Il est instituteur. Il s’appelle Jules-André Peugeot.
L’Allemand est Alsacien, natif de la région de Mulhouse. Il a tout juste 20 ans. Il s’appelle Camille Mayer.
Ils aimaient la vie comme on l’aime à 20 ans. Ils n’avaient pas de vengeance ni de haine à assouvir.
Ils avaient 20 ans, les mêmes rêves d’amour, la même ardeur, le même courage.
Ils avaient 20 ans, le sentiment que le monde était à eux.
Ils avaient 20 ans, ils croyaient au bonheur.
Ils sortaient à peine de l’enfance et ils ne voulaient pas mourir.
Ils sont morts tous les deux par un beau matin d’été, en plein soleil, l’un d’une balle à l’épaule, l’autre d’une balle en plein ventre, premiers acteurs inconscients d’une même tragédie dont le destin aveugle et la folie des hommes avaient depuis longtemps tissé secrètement la trame sinistre qui allait prendre dans ses fils une jeunesse héroïque pour la conduire au sacrifice.»

15h52 Sarkozy commence son discours
«Le dernier survivant vient de rejoindre le premier mort de la plus atroce des guerres.
Qui se souvient de ce premier mort ?
Il était caporal. Le 2 août 1914, en poste dans le village de Joncheray au sud-est du Territoire de Belfort, il s’oppose à une patrouille allemande qui a violé la frontière. Il fait les sommations d’usage. En réponse, l’officier qui commande la patrouille sort son revolver et tire. Il est mortellement touché. Avant de mourir il a le temps de riposter et de blesser mortellement à son tour celui qui vient de lui ôter la vie...»


15h46 Sept drapeaux sortent de l'église, pour sept régiments prestigieux de la Grande Guerre. L'histoire et les hauts faits d'arme de chaque régiment est rappelé, chacun symbolisant l'un des 3.000 corps présents lors de la Première Guerre mondiale.

15h41 Le président ressort et rejoint les autres membres de l'Etat. Il salue Lionel Jospin, au deuxième rang de la manifestation.

15h36 Nicolas Sarkozy pénètre seul sous les voûtes majestueuses du monument bati sous Louis XIV - aujourd'hui nécropole militaire - dans un silence impressionnant au milieu de la garde républicaine.

Il est accompagné de deux lycéens de l'Essonne, du lycée Alphonse-Daudet. Avec eux, il se recueillle devant une plaque commémorative installée aujourd'hui à quelques mètres de la tombe de l'empereur Napoléon. «Alors que disparaît le dernier combattant français de la Première Guerre Mondiale...» peut-on lire. La Sonnerie aux morts, inspirée des sonneries aux morts américaine et anglaise, retentit à l'intérieur comme à l'extérieur du bâtiment.

15h34 - Le président arrive sur place au son de la Marseillaise.


Sarkozy et Chirac côte à côte pour l'hommage aux Invalides au dernier poilu

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Publié le 17/03/2008

Sarkozy devant le cercueil de Lazare Ponticelli lors de ses obsèques aux Invalides - Eric Feferberg AFP
Sarkozy devant le cercueil de Lazare Ponticelli lors de ses obsèques aux Invalides Eric Feferberg AFP
Le président de la République Nicolas Sarkozy et son prédécesseur Jacques Chirac se sont retrouvés côte à côte lundi aux Invalides à Paris pour rendre hommage à Lazare Ponticell i, le dernier poilu décédé mercredi à l'âge de 110 ans.

Porté par onze légionnaires, le cercueil du dernier combattant français de la Grande guerre a pénétré à 11h00 en l'église Saint-Louis des Invalides pour les obsèques religieuses nationales de M. Ponticelli.

Au même moment, une minute de silence a été observée dans les administrations alors que les drapeaux étaient mis en berne pour la journée sur les bâtiments publics. 1,4 million de poilus furent tués en Champagne, dans les tranchées de l'Argonne ou de Verdun et sur le Chemin des Dames pendant la Première guerre mondiale.

L'hommage solennel au dernier soldat de la Grande guerre et à ses 8,5 millions de camarades mobilisés a débuté dans ce haut lieu de l'histoire et de la mémoire des armées françaises par une messe à laquelle assistaient la plupart des membres du gouvernement dont le Premier ministre François Fillon et le ministre de la Défense Hervé Morin. Le ministre italien de la Défense Arturo Parisi assistait également à l'office du dernier des poilus, Italien arrivé en France avant la guerre à l'âge de neuf ans.

A l'issue de la cérémonie religieuse, le président Sarkozy et M. Chirac ont passé en revue ensemble les troupes dans la cour d'honneur des Invalides après avoir eu un échange relativement long. Les deux hommes ont été accompagnés par M. Fillon et le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants Alain Marleix.

Après avoir refusé à plusieurs reprises toute cérémonie officielle, Lazare Ponticelli en avait finalement accepté le principe, le 24 janvier. Il avait donné son accord à des "obsèques nationales sans tapage, ni grand défilé" et accepté "une messe aux Invalides en hommage à (ses) camarades morts dans cette horreur de la guerre et auxquels (il a) promis de ne jamais les oublier". Son cercueil devait ensuite être acheminé au cimetière d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) pour être inhumé dans le caveau familial.

Le jeune Italien avait servi d'août 1914 à mai 1915 au 4e régiment de marche du 1er Etranger, une unité de la Légion étrangère composée en grande majorité de Garibaldiens.

Il avait participé aux combats meurtriers en forêt d'Argonne en décembre 1914 avec son régiment et il avait ensuite rejoint, à son corps défendant, un régiment de chasseurs alpins italiens jusqu'à la fin du conflit. A 15h30, une seconde cérémonie devait se dérouler, cette fois-ci dans la cour du Dôme de l'Hôtel national des Invalides où M. Sarkozy devait dévoiler une plaque en hommage aux 8,5 millions de poilus posée à quelques mètres du tombeau du maréchal Ferdinand Foch, généralissime des armées alliées à la fin de la Grande guerre.

L'hommage à Ponticelli honore tous les poilus

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Publié le 17/03/2008

 

Nicolas Sarkozy entend donner une importance particulière aux obsèques du dernier combattant de la Grande Guerre.

Les funérailles, lundi, de Lazare Ponticelli, le dernier combattant de la guerre de 14-18 décédé mercredi à l'âge de 110 ans, permettront également de rendre un hommage solennel aux quelque 8,5 millions de poilus. Un événement auquel le président de la République attache une importance toute particulière. Après avoir refusé à plusieurs reprises toute cérémonie officielle, Lazare Ponticelli avait finalement accepté le principe «d'obsèques nationales sans tapage ni grand défilé au nom de tous ceux qui sont morts, hommes et femmes».

Trois cérémonies se succéderont tout au long de la journée. Les obsèques religieuses et les honneurs militaires se dérouleront ce matin à partir de 11h30 en l'église Saint-Louis des Invalides, puis dans la cour d'honneur de l'hôtel des Invalides. À cette occasion, l'académicien Max Gallo prononcera l'éloge funèbre après la lecture d'une lettre par un lycéen. L'ensemble des administrations publiques devront respecter une minute de silence. Les drapeaux seront mis en berne sur les bâtiments et édifices publics.

Le cercueil sera porté par des pionniers de la Légion étrangère. Italien d'origine, Lazare Ponticelli, qui s'était engagé à l'âge de 16 ans, avait servi d'août 1914 à mai 1915 dans une unité de la Légion composée en majorité de garibaldiens. Il avait ensuite rejoint un régiment de chasseurs alpins italiens. À l'issue de cette cérémonie qui sera retransmise sur France 2 et à laquelle devrait assister Arturo Parisi, ministre italien de la Défense nationale, le cercueil quittera les Invalides pour la commune d'Ivry-sur-Seine où le dernier poilu sera inhumé dans l'intimité, dans le caveau familial.

À 15h30, une deuxième cérémonie se déroulera dans la cour du dôme de l'hôtel national des Invalides. Nicolas Sarkozy déposera une gerbe devant une toute nouvelle plaque réalisée en l'honneur de l'ensemble des combattants de la Grande Guerre. Il y est écrit : «Alors que disparaît le dernier combattant français de la Première Guerre mondiale, la nation témoigne sa reconnaissance envers ceux qui ont servi sous ces drapeaux en 1914-1918. La France conserve précieusement le souvenir de ceux qui restent dans l'histoire comme les poilus de la Grande Guerre.» Le chef de l'État prononcera ensuite une allocution à l'extérieur du bâtiment en présence de l'ensemble du gouvernement avant de quitter les Invalides.


Lazare Ponticelli, le dernier poilu

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Publié le 17-03-2008

Lazare Ponticelli, le dernier poilu survivant de la première guerre mondiale, est mort à l'âge de 110 ans. Portrait.

Le 11 novembre dernier, Lazare Ponticelli a, comme tous les ans, rendu hommage à ses camarades morts en 14-18 lors de la commémoration de l'Armistice au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), près de Paris.
-Né le 7 décembre 1897, ce Franco-Italien, dont la vie s'apparente à un roman, a toujours tenu à participer à ce qu'il considère comme un devoir: "Pendant la guerre, un camarade m'a dit 'Si je meurs, vous penserez à moi', et je n'ai jamais oublié".

Fier de son histoire

Soucieux de témoigner - ce qu'il a fait en racontant la guerre de 1914-1918 dans les écoles -, Lazare Ponticelli est fier de son parcours. Celui d'un petit Italien parti tout seul de son village natal, près de Bettola (nord de l'Italie), à 9 ans et demi, pour fuir la misère et gagner le "paradis" - la France. Il vit avec sa mère et ses frères à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), où réside à l'époque une importante communauté italienne.

"C'est complètement idiot la guerre"

En 1914, il a 16 ans quand il s'engage dans les rangs du 1er Régiment de marche de Sidi-Bel-Abbès (Légion étrangère). Un mois de classes et le voilà au front, "à Soissons, en deuxième ligne", puis en Argonne.
C'est là, en 1915, au fond des tranchées, qu'il sera rattrapé par l'Italie. Comme tous les Italiens engagés dans l'armée française, il doit partir combattre sous le drapeau transalpin après l'entrée en guerre de l'Italie au côté de la France.De l'autre côté de la frontière, qu'il poursuit la guerre, se battant contre les Autrichiens. De ce long conflit, dont il sort indemne excepté une blessure à la joue, il a retenu une chose: "Vous tirez sur des pères de famille, c'est complètement idiot la guerre".

Refus des funérailles nationales


Démobilisé en 1916, il rentre en France en 1921 et lance avec deux de ses frères une entreprise de montage et d'entretien de cheminées d'usine, dont les activités vont s'étendre au secteur du raffinage du pétrole. La société Ponticelli Frères existe toujours et compte 2.000 salariés.
Il est naturalisé Français seulement en 1939. Comme Louis de Cazenave, Lazare Ponticelli a refusé les funérailles nationales promises en 2005 par l'ancien président Jacques Chirac pour le dernier des 8,5 millions de poilus. "Si c'est moi le dernier, je dis non. Ce serait un affront pour les gens qui sont morts sans considération".


Hommage solennel lundi aux Invalides à Lazare Ponticelli et aux poilus

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Publié le 16/03/2008

Lazare Ponticelli participe, , à l'inauguration de l'espace consacré à la mémoire orale, au musée national de l'Histoire de l'Immigration à Paris - Pierre Verdy AFP/Archives
Lazare Ponticelli participe, , à l'inauguration de l'espace consacré à la mémoire orale, au musée national de l'Histoire de l'Immigration à Paris Pierre Verdy AFP/Archives

La France rendra lundi un hommage solennel à Lazare Ponticelli, le dernier des poilus décédé mercredi à l'âge de 110 ans, ainsi qu'à ses 8,5 millions de camarades de la Grande guerre en présence du président Nicolas Sarkozy, lors de deux cérémonies distinctes.

Les obsèques religieuses et les honneurs militaires se dérouleront de 11h30 à 13h00 en l'église Saint-Louis des Invalides, dite "Eglise des soldats" puis dans la cour d'honneur de l'Hôtel des Invalides, lieu traditionnel des cérémonies militaires.

Après avoir refusé à plusieurs reprises toute cérémonie officielle, Lazare Ponticelli avait finalement accepté le principe d'une cérémonie, le 24 janvier, quatre jours après le décès de l'avant-dernier survivant des poilus, Louis de Cazenave, à l'âge de 110 ans.

Lazare Ponticelli avait donné son accord à des "obsèques nationales sans tapage, ni grand défilé" au nom de "tous ceux qui sont morts, hommes et femmes". Il avait également accepté "une messe aux Invalides en hommage à (ses) camarades morts dans cette horreur de la guerre et auxquels (il a) promis de ne jamais les oublier".

L'académicien Max Gallo devrait, selon le programme transmis à l'AFP, prononcer l'éloge funèbre du dernier poilu, soit dans l'église, soit dans la cour d'honneur après la lecture d'une lettre par un lycéen.

Le cercueil de Lazare Ponticelli sera porté par des pionniers de la Légion étrangère. Le jeune Italien avait servi d'août 1914 à mai 1915, en s'engageant à l'âge de 16 ans, au 4e régiment de marche du 1er Etranger, une unité de la Légion étrangère composé en grande majorité de Garibaldiens.

Il avait participé aux combats meurtriers en forêt d'Argonne en décembre 1914 avec son régiment et il avait ensuite rejoint, à son corps défendant, un régiment de chasseurs alpins italiens jusqu'à la fin du conflit.

A l'issue de la cérémonie, le cercueil de Lazare Ponticelli quittera les Invalides pour rejoindre le caveau familial d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) où il sera inhumé dans l'intimité, conformément à ses dernières volontés.

A 15h30, une seconde cérémonie se déroulera, cette fois-ci dans la cour du Dôme de l'Hôtel national des Invalides. M. Sarkozy se rendra d'abord sous le Dôme qui abrite le tombeau de Napoléon et celui du maréchal Ferdinand Foch, généralissime des armées alliées à la fin de la Grande guerre.

Près du tombeau du maréchal de France, de Grande-Bretagne et de Pologne, M. Sarkozy déposera une gerbe devant une plaque en hommage aux 8,5 millions de poilus qui vient d'être confectionnée.

La plaque porte ces mots: "Alors que disparaît le dernier combattant français de la première guerre mondiale, la nation témoigne sa reconnaissance envers ceux qui ont servi sous ses drapeaux en 1914-1918. La France conserve précieusement le souvenir de ceux qui restent dans l'Histoire comme les Poilus de la Grande guerre".

Le chef de l'Etat prononcera ensuite une allocution à l'extérieur de l'édificie avant de quitter les Invalides.

A 18h00, la municipalité du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), où vivait Lazare Ponticelli, lui rendra un dernier hommage ainsi qu'à tous ses camarades "morts pour la France", lors d'une cérémonie identique à celles auxquelles le dernier poilu tenait à participer chaque année le 11 Novembre.

L'Historial de la Grande Guerre de Péronne (Somme) ouvrira gratuitement ses portes lundi aux visiteurs.


Tombeau pour le légionnaire Ponticelli

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16/03/2008

Un légionnaire est mort.

Il était étranger. Il s'était engagé à 16 ans, trichant sur son âge. Combien de ses frères d'armes, en tous points semblables avons-nous connu ! Ils partageaient le goût de l'aventure et l'envie de servir. Ils avaient quitté leur pays, leur famille, leur passé pour renaître sous l'uniforme de la Légion. Un sang étranger coulait dans leurs veines, mais ils étaient prêts à le verser pour la France.

Un légionnaire est mort.

Je me souviens de ces enterrements de légionnaires en Indochine, perdus dans la montagne. Un Pater, un Ave, quelques chants légionnaires et nous portions notre camarade en terre… Les légionnaires meurent rarement entourés de leur famille. Certains n'ont pas de sépulture. Leur nom s'est effacé de la surface de la Terre, mais pas des cœurs de leurs camarades.

Un légionnaire est mort.

Il a combattu durant la Grande Guerre, la der des der. Pour les générations de soldats qui l'ont suivi, les guerres se sont succédé. Guerre de l'ombre, d'Afrique ou des côtes de Normandie, guerre orphelines en Indochine ou dans le djebel algérien… Aujourd'hui en Afrique ou en Afghanistan, la Légion est aux avant-postes. Elle a été meurtrie, déchirée, mais elle est toujours là.

Un légionnaire est mort.

Dernière sentinelle d'un monde disparu, il s'est éteint. La nation aux Invalides, à travers lui, rend hommage aux combattants de 1914-1918, ces générations fauchées, décimées, qui ont tout donné. Nous serons quelques-uns à ajouter à cette célébration, dans la prière et le souvenir, d'autres noms imprononçables, français par le sang versé, ses cadets, ses frères d'armes.

Par Hélie de Saint Marc, écrivain.


Des obsèques nationales lundi aux Invalides

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Publié le 13/03/2008

L'hommage au dernier poilu sera rendu lundi matin en la cathédrale Saint-Louis des Invalides à Paris.

L'hommage national au dernier «poilu» de la Grande Guerre, qu'il fut jadis question de célébrer sur le Mont-Valérien ou au Panthéon, se déroulera en fait aux Invalides. Le «canevas» de la cérémonie, qui aura lieu lundi, devait être validé hier soir lors d'une réunion organisée à l'Élysée avant d'être soumis à la famille de Lazare Ponticelli. Sauf contrordre, il devrait s'organiser en trois temps.

Le matin, les obsèques devraient d'abord être célébrées en la cathédrale Saint-Louis des Invalides par l'évêque aux armées, Mgr Patrick Le Gal qui, en visite en Nouvelle-Calédonie, a été prévenu hier sitôt le décès de Lazare Ponticelli connu. Il devrait, selon son entourage, dire une messe «classique» devant un public qui, à la demande des services de sécurité, n'excédera pas 550 personnes quoique la cathédrale puisse normalement en accueillir 800. Par ailleurs, des écrans géants pourraient être disposés dans la Cour d'honneur.

Ensuite, c'est vraisemblablement dans l'église du Dôme, qui occupe l'autre partie du même édifice et où se trouve le tombeau de l'empereur Napoléon, que l'hommage national à proprement parler se tiendra en présence du chef de l'État, chef des armées. Des représentants de la Légion étrangère y assisteront.

Inhumé dans le caveau familial

À cette occasion, une plaque rendant hommage aux poilus sera posée, vraisemblablement dans la chapelle où se trouvent les cendres du maréchal Foch. Cette pièce, dont la confection n'est pas terminée, comportera un court texte saluant la mémoire des 8 410 000 soldats qui ont combattu pour la France durant la Première Guerre mondiale. «Il existe trois textes possibles, entre lesquels nous devons encore arbitrer», confiait-on hier soir dans l'entourage du secrétaire d'État aux Anciens Combattants, Alain Marleix.

À l'issue de cette cérémonie, c'est enfin dans l'intimité que le corps de Lazare Ponticelli sera inhumé dans le caveau familial, au cimetière d'Ivry (Val-de-Marne). «La famille a exprimé le souhait que l'hommage national soit dissocié des obsèques à proprement parler», précise la même source. Après avoir longtemps laissé entendre qu'il ne souhaitait pas que sa disparition soit saluée par une cérémonie officielle, Lazare Ponticelli avait changé d'avis il y a quelques semaines, acceptant qu'un hommage à tous les poilus soit rendu à cette occasion. Le 13 février, sa fille avait d'ailleurs été reçue par Alain Marleix afin d'évoquer le principe de cette célébration. Hier, le secrétaire d'État s'est rendu au funérarium de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre afin de porter aux parents du dernier poilu une lettre dans laquelle Nicolas Sarkozy, faisant état de sa «très vive émotion», leur présente ses «condoléances attristées».


La France dit adieu au dernier «poilu»

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Publié le 13/03/2008

Doyen des Légionnaires, Lazare Ponticelli incarnait les 8,5 millions de soldats français engagés dans la Grande Guerre. Après le conflit, il avait créé avec ses deux frères une entreprise qui emploie aujourd'hui encore 4 000 salariés.

 

Lazare Ponticelli, l'ultime combattant français de la guerre de 1914-1918, s'est éteint mercredi à l'âge de 110 ans.

Il était le représentant des 8,4 millions de «poilus», mais aussi de 5,25 millions de soldats italiens.

Il était le «der des ders», l'ultime héros français de cette Grande Guerre qui décima la jeunesse du continent européen au début du XX e siècle. Lazare Ponticelli est décédé, mercredi à 12 h 45, au domicile de sa fille au Kremlin-Bicêtre, près de Paris. Lui, l'immigré italien engagé dans la Légion étrangère en août 1914 en «trichant sur son âge» il avait alors 16 ans s'en est allé à l'âge de 110 ans. Un hommage national lui sera rendu lundi aux Invalides. Avec son décès, c'est une page d'Histoire de France qui se referme.

Quel destin que celui du dernier des «Poilus», ultime combattant à avoir respiré l'odeur âcre de la poudre et du gaz dans les tranchées de l'Argonne et de Verdun. Mille fois célébré, mille fois raconté, Lazare Ponticelli n'en finissait pas de témoigner de son passage sur les champs de bataille d'un des conflits les plus meurtriers de l'Histoire. «Au nom de mes camarades morts dans cette horreur de la guerre et auxquels j'ai promis de ne jamais les oublier», expliquait-il encore à l'occasion de la célébration de ses 110 ans en décembre à la Cité de l'immigration. Une tâche qui s'était faite plus lourde depuis janvier dernier et la disparition de son frère d'armes Louis de Cazenave, 110 ans également. Lazare, dont la vie s'est étalée sur trois siècles, ne lui aura survécu qu'un mois et demi.

Il y a plus de cent ans que le petit garçon, né en décembre 1897 dans les montagnes d'Émilie-Romagne en Italie, avait débarqué, seul, gare de Lyon à Paris. Fils de la misère à une époque où des millions d'Italiens prennent le chemin de l'exode, l'enfant est alors âgé de 9 ans. Son père vient tout juste de mourir et une partie de sa famille, dont sa mère, vit en France, «ce paradis où l'on mange», comme le décrivent alors les immigrés. Perdu, il erre trois jours et deux nuits dans les rues de ce pays inconnu dont il ne parle pas la langue avant d'être recueilli par un couple d'hôteliers italiens. Mais le gamin est débrouillard et il finit par retrouver la trace de sa famille. Ses deux frères, Céleste et Bonfils, sont installés à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), comme la grande majorité de la communauté italienne de l'époque en région parisienne. Une période difficile où le jeune garçon enchaîne les petits boulots et dort parfois dans la rue. La vie est dure mais pas autant que dans les montagnes de Cordani, son village d'origine, entre Parme et Plaisance.

En 1913, Lazare Ponticelli monte sa petite entreprise de ramonage avec un ami italien. Il a alors 16 ans. Titulaire d'un permis de travail, il livre aussi du charbon, vend des journaux à la criée. Mais l'Histoire ne lui laisse pas le temps de savourer ces quelques mois de bonheur. Quand en août 1914, les nations européennes jettent sur les champs de bataille des millions de jeunes hommes, Lazare l'Italien s'engage au Ier régiment de la Légion étrangère en mentant sur son âge. «J'ai voulu défendre la France, parce qu'elle m'avait donné à manger. C'était une manière de dire merci», expliquait-il encore il y a quelques mois.

«Merci pour mes quatre enfants»

L'adolescent est envoyé sur le front de l'Aisne où il retrouve son frère Céleste. Les premiers mois de combat sont meurtriers mais le garçon fait preuve d'un courage exemplaire. En Argonne, calé dans les tranchées pour s'abriter de la mitraille allemande, il entend un blessé crier : «Venez me chercher, j'ai une jambe coupée». L'homme hurle sa douleur, allongé dans le no man's land, entre les lignes françaises et allemandes. Les brancardiers refusent de s'y rendre, de peur d'être tués. Alors, le soir tombé, Lazare sort de sa tranchée et va le chercher. «Quand les brancardiers ont commencé à l'emmener, il a crié : «Arrêtez, arrêtez !» Il a fait un effort pour se relever, puis il m'a attrapé par le cou. Et il m'a embrassé en me disant : «Merci pour mes quatre enfants» J'ai cherché à savoir ce qu'il était devenu. Je ne l'ai jamais su», racontait-il en 2005.

La guerre, elle, continue. Les morts se succèdent à un rythme effrayant : 900 soldats français meurent en moyenne chaque jour durant les quatre années de conflit. Affecté près de Verdun en mai 1915, Lazare le «rital» est soudain démobilisé. L'Italie vient à son tour d'entrer en guerre et en vertu d'un accord entre les deux pays, la France doit renvoyer tous ses combattants italiens vers leur patrie d'origine. Le jeune homme entame alors sa deuxième guerre, au sein de l'armée transalpine.

Comme si l'Histoire s'était amusée à faire de lui un témoin privilégié de ses soubresauts, Lazare est affecté parmi les chasseurs alpins, les «Alpini», face aux Autrichiens. «Beaucoup de mes camarades du Tyrol italien parlaient allemand. Alors nous nous sommes mis d'accord pour cesser les combats». Au moment où Français et Allemands fraternisent dans les tranchées de Verdun, lui organise des patrouilles communes entre ennemis d'hier dans les Alpes. Le commandement italien sanctionnera sa compagnie en l'envoyant combattre une unité d'élite en Slovénie. Lazare y sera gravement blessé avant d'être démobilisé en 1920 et de rentrer en France. Avec ses deux frères, il monte une entreprise de montage et d'entretien de cheminées d'usine qu'ils spécialiseront ensuite dans le raffinage du pétrole et la tuyauterie. Elle emploie aujourd'hui encore 4 000 salariés. Lazare Ponticelli était aussi l'un des derniers des 5,25 millions de combattants italiens de la Première Guerre mondiale. Naturalisé en 1939, c'est de la France que Lazare Ponticelli recevra finalement l'hommage national en début de semaine prochaine.

La chaîne Histoire rendra hommage à Lazare Ponticelli à partir de dimanche 16 mars à 16 h 20.


Lazare Ponticelli, le dernier poilu français

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LE MONDE | 12.03.2008

Il était, en France, le dernier ancien combattant de 14-18, l'ultime rescapé parmi les 8,5 millions d'hommes mobilisés en bleu horizon. Le der des der. Lazare Ponticelli est mort, mercredi 12 mars, au Kremlin-Bicêtre, à l'âge de 110 ans.

Ce survivant nous reliait physiquement à des photos défraîchies de pioupious en capote, les bandes molletières tire-bouchonnées sur les brodequins, à des images tournées à la manivelle d'hommes hirsutes, le regard vide, enterrés vivants dans les tranchées. Avec sa disparition, la première guerre mondiale s'enfonce un peu plus dans les brumes du passé.

Tant qu'il l'a pu, le vieil homme aura témoigné sur le conflit, encore et encore, même quand ne sortait plus de sa bouche qu'un filet de voix à peine intelligible. Alors que beaucoup de vétérans s'étaient claquemurés dans le silence pour ne pas avoir à raconter l'horreur, Lazare Ponticelli avait choisi de dire l'indicible. Il assumait ce devoir pour ceux qui n'avaient pas eu la chance de s'en tirer.

"Tous ces jeunes tués, je ne peux pas les oublier. Quel gâchis !" Alors, pour eux et pour la gloriole, Lazare ouvrait aux solliciteurs sa petite maison acquise dans les années 1920, au Kremlin-Bicêtre. Au milieu des meubles patinés, les histoires de cet homme qui avait fréquenté trois siècles étaient une remontée dans le temps. C'était aussi une leçon d'humanisme apprise en enfer.

Ses souvenirs de la vie quotidienne d'un simple soldat, d'un poilu, préservaient de l'oubli ou, pire, de la réécriture dogmatique. S'y mêlaient sens du devoir, écœurement, obéissance, héroïsme, révolte, fraternité. Ses bribes remontant au hasard de la mémoire résumaient les contradictions qui traversaient les combattants, emportés sans toujours comprendre, broyés par des événements qui les dépassaient.

Il nous parlait d'eux, ses camarades, et des autres, en face, pas si mauvais bougres, finalement. La narration semblait mécanique. Mais une larme surgissait sur le rebord des yeux et roulait lentement sur la joue. Elle remontait de quatre-vingt-dix ans.

Parfois, le narrateur prenait des licences avec la chronologie. Les scènes s'embrouillaient. De quoi faire tiquer les historiens. Mais fallait-il prendre ces souvenirs au pied de la lettre ? N'était-ce pas plutôt l'esprit qui comptait ? L'accumulation d'anecdotes formaient la geste du poilu, racontée par le dernier d'entre eux.

Chaque 11 novembre, Lazare allait à pied au monument aux morts du Kremlin-Bicêtre, râlait contre les discours ampoulés, emphatiques, "toujours trop longs". Il se rendait aussi dans les écoles à 100 ans passés et martelait la même supplique. "Aux enfants, je leur dis et je leur répète : ne faites pas la guerre."

La vie de Lazare Ponticelli était exemplaire pour bien plus que cette parenthèse terrible de quatre ans. C'était aussi l'histoire d'un émigré italien illettré, enfant de rien devenu patron d'une multinationale. Le parcours d'un "Rital" qui voulait absolument se battre pour cette France qui l'avait toléré, puis renié, enfin reconnu sur le tard comme un des siens.

"J'AI VOULU DÉFENDRE LA FRANCE PARCE QU'ELLE M'AVAIT DONNÉ À MANGER"

Lazare fut longtemps Lazzaro, né le 7 décembre 1897, à Bettola, en Emilie Romagne. Il est issu d'une famille pauvre de sept enfants. Un frère puis son père meurent en 1903. La mère abandonne la famille qui se disperse. La sœur aînée emmène une partie de la fratrie "au paradis", là où il y a du travail, en France. Trop jeune, Lazare reste en Italie. Il est confié à une marâtre.

A 9 ans, n'ayant aucune nouvelle des siens, Lazare décide de partir à son tour. Il prend le train pour Paris, débarque gare de Lyon sans parler un mot de français, ne sachant ni lire ni écrire. Il erre trois jours dans la salle des pas perdus, est recueilli par une famille italienne qui le prend en pitié et l'héberge quelques mois.

Lazare devient ramoneur et crieur de journaux. Dès la déclaration de guerre, trichant sur son âge, l'Italien s'engage. Il intègre le premier régiment de marche de la légion étrangère de Sidi Bel Abbes, y retrouve par hasard son frère Céleste. "J'ai voulu défendre la France parce qu'elle m'avait donné à manger", explique Lazare. Après un mois d'instruction, il est envoyé au front, sous les ordres d'un descendant de Garibaldi.

Il participe à la confusion des premiers mois. Son premier fait d'arme est d'avoir, alors qu'il était de garde, blessé un général au mollet. Il assiste à l'hécatombe, soigne son frère, blessé au combat. Le régiment perd un quart de ses effectifs en trois semaines. "Au début, nous savions à peine nous battre et nous n'avions presque pas de munitions. Chaque fois que l'un d'entre nous mourait, on se taisait et on attendait son tour." Il crapahute dans la guerre de mouvement (Soissons, Vitry-le-François, l'Argonne), survit à la pagaille. Puis il creuse les premières tranchées d'un conflit qui s'organise pour durer.

Lazare Ponticelli aimait raconter ce jour où un homme s'était retrouvé blessé dans le no man's land qui séparait les lignes. Les brancardiers n'osaient s'aventurer sous le feu. "Il hurlait : Venez me chercher, j'ai la jambe coupée. Je n'en pouvais plus. J'y suis allé avec une pince. Je suis d'abord tombé sur un Allemand, le bras en bandoulière. Il m'a fait deux avec ses doigts. J'ai compris qu'il avait deux enfants. Je l'ai pris et je l'ai emmené vers les lignes allemandes. Quand ils se sont mis à tirer, il leur a crié d'arrêter. Je l'ai laissé près de sa tranchée. Il m'a remercié. Je suis reparti en arrière, près du blessé français. Il serrait les dents. Je l'ai tiré jusqu'à nos lignes, avec sa jambe de travers. Il m'a embrassé et m'a dit : Merci pour mes quatre enfants. Je n'ai jamais pu savoir ce qu'il était devenu."

En 1915, Lazare se bat du côté de Verdun lorsque l'Italie, le 24 mai, se range aux côtés des Alliés. Un officier le fait rechercher dans les tranchées. "Tous les Italiens devaient retourner se battre chez eux." Le légionnaire proteste, souhaite rester. "Je pensais que m'être battu pour la France avait fait de moi un Français." Déception. "Ils m'ont dit : Il faut vous en aller ." Il est démobilisé de force, rentre à Paris, se cache six semaines, tente de se réengager dans l'armée française, est finalement transféré entre deux gendarmes à Turin.

"JE TIRE SUR TOI MAIS JE NE TE CONNAIS MÊME PAS. SI SEULEMENT TU M'AVAIS FAIT DU MAL"

Il enfile à regret l'uniforme italien, intègre les chasseurs alpins, se retrouve dans le Tyrol, enterré dans la neige face aux lignes autrichiennes. Ses compagnons parlent couramment l'allemand. Les deux camps s'envoient des messages avec un élastique puis sympathisent. "Ils nous donnaient du tabac et nous des boules de pain. Personne ne tirait plus."

Les hommes organisent même des patrouilles communes. La farce dure trois semaines, manque de se terminer devant un conseil de guerre. "L'état-major nous a déplacés dans une zone plus dure." En 1916, il est sur le Monte Cucco, qui sera le théâtre d'une terrible bataille l'année suivante. Les hommes multiplient les assauts stériles et dévastateurs, affrontent les gaz sans masque.

Lazare reste plus de deux jours derrière sa mitrailleuse. Des éclats d'obus lui grêlent le visage. Aveuglé par son sang, il parvient à bloquer des Autrichiens qui se sont réfugiés dans une caverne. Sa section fait deux cents prisonniers. Le héros blessé est envoyé à l'arrière. Il est opéré sans anesthésie, des hommes le maintiennent cloué sur la table d'opération pendant que le chirurgien creuse la plaie et la badigeonne d'alcool.

Ses faits d'arme valent à Lazare une citation mais également un dégoût absolu de cette guerre. "Je tire sur toi mais je ne te connais même pas. Si seulement tu m'avais fait du mal." La révoltante absurdité des combats est traversée d'infimes moments de bonté dont la rareté fait la valeur.

"Mon meilleur souvenir en Italie, ce sont les lettres que ma marraine de guerre, une porteuse de lait que j'avais rencontrée avant de partir au front, m'envoyait. Ne sachant à l'époque ni lire, ni écrire, ce sont des copains qui m'aidaient à correspondre avec elle." Après quelques semaines de convalescence à Naples, Lazare est renvoyé en 1918 sur le front, vers Montello, où il apprend l'Armistice. Autrichiens et Italiens, "tous les gars levaient les bras en l'air".

Lazare est contraint de rester sous l'uniforme italien. Il apprend par hasard la mort d'une de ses sœurs, Catherine, victime de la grippe espagnole. En 1920, l'armée italienne souhaite le démobiliser. Il refuse : il veut l'être sous l'uniforme français, avec lequel il a commencé la guerre, ce qui lui permettra de revenir légalement dans ce pays. Il lui faut à nouveau se battre, cette fois contre l'absurde administration. Il obtient finalement gain de cause. Il revient à Paris, avec cinq francs en poche.

Il redevient ouvrier. Avec Céleste et un autre frère, Bonfils, il monte une entreprise de ramonage et de chaudronnerie. Il se marie en 1923 avec une Française, Clara, dont il a trois enfants. Lazare n'obtiendra la nationalité française qu'en 1939, à la veille de la déclaration de guerre. Il veut encore se battre mais est jugé inapte au service parce que trop âgé. Il traverse sans déshonneur l'Occupation.

Après la Libération, sa société Ponticelli frères continue de prospérer. Elle se diversifie, notamment dans les travaux publics et l'extraction pétrolière, prend une stature internationale. Le groupe a aujourd'hui un chiffre d'affaires de 480 millions d'euros et emploie 3800salariés. Lazare Ponticelli en abandonnera progressivement les rênes dans les années 1960.

Il lui restait à honorer la promesse faite à ses camarades des tranchées. "Quand nous montions à l'assaut, nous nous disions : Si je meurs, tu penseras à moi. " Ne jamais les oublier : le dernier rescapé aura respecté jusqu'au bout ce serment.

 

Benoît Hopquin

Chronologie

7 décembre 1897 : Naissance à Bettola (Italie)

1914 : S'engage dans la légion étrangère

1915 : Intègre l'armée italienne

1939 : Obtient la nationalité française

12 mars 2008 : Mort au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne)

Des obsèques nationales organisées lundi 17 mars

Un hommage national à Lazare Ponticelli sera rendu lundi matin 17 mars aux Invalides, a annoncé mercredi 12 mars Alain Marleix, secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants. Cette cérémonie se déroulera notamment en présence du président de la République. Après plusieurs refus, Lazare Ponticelli avait fini, fin janvier, par donner son accord à des "obsèques nationales, sans tapage important ni grand défilé, au nom de tous ceux qui sont morts, hommes et femmes"– (AFP.)


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