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Légionnaire toujours...

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1884

LETTRE D'UN SOLDAT

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L'Actualité militaire illustrée. 24/02/1884.

 

Les récits des témoins sur la prise do Son-Tay arrivent depuis quelques jours. Quelques-uns sont très typiques. Voici quelques passages d'une lettre d'un soldai, dos corps détachés de l'armée d'Afrique, qui nous a paru infiniment curieuse et vivante.

Cette nuit fut pour nous encore passée sous les armes.

Mais que nous importe ces petites misères ; ou le bruit des balles, auquel se joint le cancan du canard que l'on décapite ou le grognement de la truie, qui sans grands préparatifs culinaires, frétillent bientôt dans la marmite de l'escouade.

Comme le dit le chant de la légion :

Nous avons pour chasser la famine
Certains moyens qu'en Afrique on a. pris.

Ceci n'est nullement du maraudage, vu que ces villages se trouvent complètement abandonnés parles Annamites. Je crois que les Pavillons ont voulu nous obliger à faire des festins sur tous nos parcours, car. jamais ni porcs, ni volailles ne nous ont manqué.

C'est très gentil de leur pari. Nous aimons beaucoup celte politesse. A vrai dire, elle nous est due, car, combien de fois grâce à eux, nous nous sommes vus dans l'obligation de serrer la courroie !

.... Enfin, le 16, le grand joui1, le jour de l'action décisive luit à nos yeux.

... Il est 5 heures, l'amiral est à notre gauche, derrière la 3e compagnie.

L'ordre est donné au commandant Damier de faire mettre la baïonnette au canon.

Bientôt le cri de : « En avant » se fait entendre; les clairons sonnent la charge et la légion étrangère, baïonnette menaçante, s'élance à la mort ou à la victoire, au cri de: Vive la France :

La charge est conduite par le capitaine adjudant-major Mehl.

Des remparts de la ville on nous crible de mitraille.

Officiers et soldats 'tombent»,mais tombent en héros.

Enfin, on arrive aux pieds du rempart après avoir traversé un fossé dans lequel l'eau nous monte jusqu'à la ceinture, Ici tombé le capitaine Mehl blessé dans la région du cœur, que la mort devait enlever quelques heures après.

Nos hommes prennent leurs outils de campagne, sapent tout en tiraillant et bientôt une brèche est faite.

Du côté de la digue se trouve la masse. Aussi l'on ne peut faire un pas sans rencontrer des morts ou des blessés. D'autres sont étendus dans les rizières. On emporte ceux qui gênent le passage, les autres seront enlevés par l'ambulance. Enfin la légion pénètre:dans la première enceinte; on profite de tout pour entrer; même des embrasures de canon.

Plusieurs explosions se font entendre. Ce sont des bambous remplis de poudre et qui doivent faire de nouvelles victimes au moment de l'assaut. De la porte également, part une formidable explosion.

Mais,; peu après, un légionnaire est debout sur les murs de Son-Tay, agitant un pavillon en signe de victoire.

Son-Tay est à nous : Vive la France !

Si de.ee côté nous avons à nous réjouir, nous avons à regretter des braves, morts glorieusement et de nombreux blessés, parmi lesquels se trouvent M. Conte et. M. Bergougnioux., tous deux capitaines.

Je n'ose pas te dire le nombre d'hommes que nous avons perdus pendant ces trois jours et deux nuits de combat. C'est trop douloureux.

Contente-toi d'apprendre que c'est la légion étrangère qui a eu le plus de pertes.

Aussi nous avons reçu de chaleureuses félicitations de l'amiral: « Vous êtes des braves, a dit notre, chef, vous pouvez être fiers de vos succès la légion est un corps d'élite.» De toutes parts, soldats et marins nous félicitaient et nous passaient leurs petits bidons afin de nous offrir la goutte.

Tu vois mon cher, que l'armée d'Afrique se distingue et que là-France, peut compter sur nous. L'Algérie doit eu être fière.

Bientôt nous irons à Baknime. Là encore nous serons dignes d'être estimés de la France.

A toi de cœur.

E.S.


L'Actualité militaire illustrée. 20/01/1884

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La Légion étrangère.

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L'Actualité militaire illustrée. 20/01/1884

 

Avez-vous remarqué que dans la liste des tués et des blessés l'attaque de Son-Tay, c’est Légion étrangère qui fournit le contingent le plus nombreux?

Ces braves gens qui mêlent leur sang au nôtre et qui tombent, pour notre drapeau, se battent en héros, là-bas, au Tonkin.

Venu de partout, réunis par le hasard dans les mêmes rangs, représentant toutes les races, ils ont du moins une religion commune la religion du courage !

Certes, le passé de quelques-uns d'entre eux est fertile en aventures; certes, plus d'un a eu des motifs pressants pour quitter son propre pays. Mais une fois au service de la France, qu'importe ce passé ?

Un autre homme nait en eux le jour ou ils revêtent notre uniforme : le baptême du feu les purifie et les absout pour toujours.

Belges, Suisses, Italiens ne sont plus, sous la capote grise à col rouge, que de rudes et vaillants  soldats prêts à mourir pour notre cause; ces nationalités diverses se fondent en un même dévouement.

Je les ai vus, en Afrique, sur ce sol  algérien qu'ils ont contribué à nous conquérir et où tant d'étapes rappellent leur conduite glorieuse, ces troupiers délite! Toujours en tête, ils font partie de toutes les colonnes, des détachements les plus périlleux, des expéditions les plus pénibles…

Ils supportent les fatigues et les privations avec une crânerie superbe, et quel que soit l'accent avec lequel ils les disent, c'est unanimement qu'ils répètent, quand il le faut, les deux mots qu'ils ont toujours été habitués à entendre : En avant.

En avant pour leur patrie d'adoption et pour ces trois couleurs qui sont devenues celles qu’ils aiment !

 

***

 


Je n'oublie pas, au reste, qu'Il y a parmi eux des hommes qui sont nés nos compatriotes et qui, leur pays soumis à des lois nouvelles, n'ont pas voulu se coiffer du casque à pointe…

Oui  ils sont nombreux dans leurs rangs, les fils d'Alsace et de Lorraine, trop jeune au moment de la guerre pour opter et qui, à l'âge de la conscription prussienne, se sont réfugié chez nous, éperdus à l'idée d'avoir à servir nos vainqueurs.

Hélas ! français de cœur, ils ne l'étaient plus de nom, et notre armée nationale leur
était fermée !

En s'enrôlant dans la Légion étrangère, ils ont trouvé le moyen d'être encore chez eux sur une terre française et de porter les armes qui devaient quelque regret qu’on en eut, leur être autrement refusées…

Ils forment là un corps remarquable qui donne, avec une patriotique discipline, l’exemple des vraies qualités du soldat.

Ce sont eux, surtout, qui vont au feu avec entrain ! C'est qu'ils se piquent de rappeler à leurs camarades, quelle est leur origine.

Les autres se battent pour l’amour du péril et de l'aventure. Eux, ils marchent à l'ennemi pour être utiles encore à la patrie perdue !

 

***


La Légion étrangère formée des débris des corps étrangers au service de là France, fut organisée en 1831.

Dès cette année même. la .Légion commença cette série d'exploits et de faits d'armes qui lui ont conquis son renom-.militaire en Algérie.

Le.23 mai 1832. vingt-neuf hommes de là Légion étaient en-reconnaissance près de la Maison-Carrée; six cents Arabes les entourent brusquement.

Ce faible détachement était commandé par un sous-lieutenant, qui le premier, reçut une blessure grave. Les munitions manquant, sans s'apercevoir du sang qui l'inondait, il prend lui-même un fusil et charge à la baïonnette à la tête des siens...

Ceux-ci n’étaient plus que douze ! Les Arabes leur commandent de se rendre, en leur promettant la vie sauve, ils refusent, et un contre cent, ils luttent encore près de trois quarts d'heure ! Un seul nommé Wagner, échappa à ce massacre.

Par une singulière fatalité, c'est par Une patrouille de son propre régiment que ce malheureux, qui avait survécu à cet héroïque et inégal combat, devait être tué.

Errant dans le désert, perdu, se cachant le jour, il arriva enfin, au bout d'un mois, en vue d'un blockhaus français. Son costume, sa longue barbe, l'ayant fait prendre pour un Bédouin, le chef de la patrouille, sans lui donner le temps de parler, lui porta un coup de baïonnette...

Où ne retrouve-t-on pas la Légion, pendant la période de la conquête ?

Lé 18 juin 1834. ce fut presque seule qu'elle protégea la retraite du général Trézel forcé de repasser le Sig avec un nombre considérable de blessés, et de céder momentanément devant les forces
d'Abd-El-Kader : elle se fit décimer sans broncher, et la plupart de ses officiers furent tués ou blessés.

La Légion se chargea, trois ans plus tard, de venger cet échec, au siège de Constantine.

 

***


On sait combien ce siège fut meurtrier.

Un événement devait encore ajouter à la situation critique des Français...

Une rivière, le Rummel grossie par les pluies, devint subitement inguéable. Elle séparait les deux corps d'armée assiégeants.

Le quartier général ne pouvait, faire parvenir aucun ordre aux autres troupes...

C'est alors qu'un soldat de là Légion, nommé Morache s'offrit pour traverser le Ruminel, devenu un torrent affreux, à la nage ; il se fixa la dépêche qu'on lui avait remise sur le front, et, sous le feu des Arabes, et malgré l'impétuosité du courant, il fut assez heureux pour arriver sain et sauf au quartier général.

Ce furent cent hommes de là Légion, commandés par le colonel Combes, qui entrèrent dans la ville par la première brèche.

A peine avaient-ils pénétré dans les rues tortueuses de la place qu'une horrible explosion les ensevelissait sous les décombres …

Leur chef, le colonel Combes, fût parmi les victimes.

Ce furent aussi, le 13 mai de la même année, les soldats du 1er bataillon de la Légion qui plantèrent à Djidjelli le drapeau français.

 

***


Une statistique prouvera à quel point souffrit la Légion étrangère pendant les guerres d'Afrique. En dix ans. l'effectif s’était entièrement renouvelé! Il y avait eu 2.872 tués ou morts de leurs blessures !

Dans l’Aures, à Guelma, à Tebessa, aux frontières du Maroc et aux confins du désert, ou retrouve toujours la Légion. Le siège de Zaatcha compte aussi parmi ses plus brillants états de service. i

Ce fut là une lutte acharnée. La tète de colonne venait de pénétrer dans un fort, quand les murailles s'écroulèrent. En même temps, un ennemi invisible tirait, sans interruption sur nos soldats.
Malgré cette situation critique, il fallut répéter jusqu'à trois fois l'ordre de se replier en arrière pour que là Légion consantit à abandonner ce foyer d'incendie et de mort…

En Crimée, au Mexique, pendant l'insurrection algérienne de 1871, la Légion tient toujours à honneurs, au milieu des autres troupes, de prouver qu'elle garde ses traditions...
.
Elle a encore rendu d'autres services. A peine avait-elle formé les faisceaux, que ses soldats, saisissant la pelle, la pioche ou la truelle, travaillaient aux routes, aux fortifications, aux édifices militaires.

 

***


Véritables pionniers de la civilisation française en Algérie, ils ont été constamment aux avant-postes, prêts à combattre, à construire ou à défricher !
Je devais ce souvenir et cet hommage au corps infatigable qui recommence, au Tonkin, ce qu'il a fait en Afrique, et qui prouve, par le nombre de ses pertes aux récentes affaires, qu'il ne demande pas
à être plus ménagé aujourd'hui qu’autrefois...

Quel que soit le sang qui coule dans leurs veines, ces soldats qui rivalisent de constance et de bravoure avec les nôtres ont droit aussi à toute notre affection...

Et nous devons mêler dans les mêmes regrets, quelque soit l’uniforme quils portent, tous ceux qui meurent en Français  et pour la France !


J. DES BORDES


Le petit parisien. 16/01/1884.

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