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Que dire de plus à un jeune lieutenant en 2017 ?

Publié le 28/03/2017

« Je demande à avoir l’honneur de servir la Légion étrangère». Voici, au moment du « grand amphi », la formule rituelle, la promesse de grandeur, que prononce le jeune Lieutenant lorsqu’il termine sa formation en École d’Arme et choisit sa première affectation.

« Je demande à avoir l’honneur de servir la Légion étrangère»

« Je demande à avoir l’honneur de servir la Légion étrangère». Voici, au moment du « grand amphi », la formule rituelle, la promesse de grandeur, que prononce le jeune Lieutenant lorsqu’il termine sa formation en Ecole d’Arme et choisit sa première affectation. Debout, face à ses cadres, le regard haut, il articule cette phrase qu’il s’est répété si souvent depuis son entrée en formation. Tout est dans la formulation « servir la Légion » et non pas « servir au xième régiment»… Le choix des mots est intentionnellement exigeant. Est sous-entendu qu’il faudra de la disponibilité, de la bienveillance, du courage bien sûr, mais aussi de l’ardeur. Il est fier de ne pas avoir renoncé à se frotter au difficile. Tout ça,le lieutenant le sait d’instinct. Il n’empêche, quelques questions restent en suspend…

L’officier qui entre à la Légion entend d’abord résonner le chant « l’amour du chef, l’obéissance, sont de plus pure tradition ». Il prend alors conscience que la confiance lui est donnée d’emblée, quelle que soit son origine. Saint-Cyrien, EMIA, OAEA, monté par le rang, le légionnaire ne regarde pas ce détail, il va à l’essentiel, il cherche le cœur et l’âme de son chef ! Car c’est bien cela qui est demandé, le reste est acquis dans les écoles de formation de l’armée de Terre : les cadres d’ordres, la formation à l’exercice de l’autorité, la tactique et l’éthique. La psychologie du légionnaire, ses motivations, ses qualités, son cafard, son statut, le lieutenant aura le temps de les distinguer dans son régiment. Entre ces deux temps, le légionnaire, lui, cherche immédiatement l’épaisseur de l’homme chez son lieutenant.

C’est donc bien l’homme qui fait l’ « officier de Légion ». L’homme et sa capacité à aimer ses légionnaires, à toujours trouver du temps pour chacun d’eux, à exiger, à être juste, à montrer l’exemple, à commander. L’homme avec son caractère trempé, ses failles, son engagement et ses valeurs. Ces valeurs doivent être celles dans lesquelles le légionnaire a également forgé son identité. Des valeurs de famille : fraternité, don de soi, esprit sacré de la mission, rusticité. Le lieutenant, ce n’est pas celui qui court le plus vite. C’est celui qui amène sa section complète au meilleur niveau d’endurance. Le Lieutenant, ce n’est pas celui qui tire le mieux, il y a des tireurs d’élite pour ça. C’est celui qui guide le feu, qui cadence la mitraille. Le lieutenant, ce n’est pas un chef de certitudes. C’est un homme de résilience, qui se relève, qui va de l’avant. Le lieutenant, ce n’est pas celui qui boit le plus ou qui parle le plus fort. C’est celui qui est là le soir de Noël, qui sort en ville et qui chante avec ses Légionnaires, qui trinque « à la santé de nos morts », qui reste digne dans ces moments. Le Lieutenant a le même âge que le légionnaire, le même idéal, les mêmes valeurs. Mais il a, en plus, choisi de porter la responsabilité de tout cela au plus haut niveau d’exigence.

L’attitude, c’est ce qui tient l’âme !

Le lieutenant n’est pas seul, il y a les autres officiers. Il y a les compagnons d’armes, les camarades de promo, les aînés et les chefs. Derrière une attitude parfois rigide, des règles d’ancienne politesse, il y a là un type particulier d’officier de Légion. Leurs regards ne proposent aucun itinéraire de fuite mais incitent à affronter ses doutes et à les dépasser. Leurs traits sont creusés aux nuits de veille au grand air. Leur langage sans enluminure est celui des gens de guerre, ils parlent comme on donne des ordres : clair, précis, complet, direct et franc. Ils maintiennent  le voussoiement comme une marque de respect autant qu’une marque de fabrique. L’attitude, c’est ce qui tient l’âme ! Et c'est l’âme des officiers qui a reçu la bonté que l’attitude ne montre pas. Et cette bonté, cette générosité, l’officier de Légion les donne sans compter à ses légionnaires, à ses camarades officiers, à ses frères d’armes.

Alors certains esprits chagrins demanderont : « et la popote des lieutenants, celle dont on parle dès l’école de formation, dès Coëtquidan ?». La popote ! Rien de folklorique, c’est un concentré de traditions distillé au moment du repas, selon un rituel bien établi. Il faut connaître l’origine et la provenance des souvenirs accrochés aux murs, se positionner par rapport à ses anciens, apprendre vite pour être rapidement à l’aise dans l’histoire du régiment et dans ses relations entre officiers. Le temps de la popote est le temps consacré à la formation du lieutenant dans le domaine des traditions de la Légion (chant, histoire, anecdote) et du régiment (opérations, anciens, etc.). Des rumeurs ont traîné sur cette popote, lui collant une aussi mauvaise réputation qu’une certaine presse aime à colporter sur la Légion. Persiflage de mauvaises personnes, assurément ! Au « mess des officiers » aujourd’hui, si on se saoule, c’est d’histoire de conquêtes ou de rapports d’opérations, qui ramènent au même désir de grandeur et de valeur.

Ne laisser rien supposer qui ne soit pas vous !

Que dire de plus à un jeune lieutenant en 2017 ? Aujourd'hui comme hier, la Légion étrangère réclame engagement et enthousiasme, un regard franc, des convictions, et des os bien accrochés. Aujourd’hui encore, tout est possible si vous le voulez ! Si vous demandez à avoir l’honneur de servir la Légion étrangère, il faudra simplement tout donner ! Faites-le avec un esprit libre et ouvert, selon votre caractère, mais toujours avec abnégation. Ne laisser rien supposer qui ne soit pas vous ! Alors vos légionnaires vous le rendront au centuple. Et dans vos régiments vous trouverez, à vos côtés, des frères d’armes avec qui vous irez fréquenter le monde en ébullition et qui vous donneront en échange une Patrie dont ne connaissiez même pas les frontières.

Par le Lieutenant-colonel Jean-Philippe Bourban
rayonnement & patrimoine
commandement de la Légion étrangère


Légionnaire, tu es un volontaire servant la France avec honneur et fidélité

Ce premier article du code d’honneur du légionnaire est l’alpha du credo des képis blancs. Déjà en 1937, le mémento du soldat de la Légion étrangère, commençait en ces termes : « Légionnaire, tu es venu volontairement à nous. De ton gré, tu t’es engagé à servir avec Honneur et Fidélité… Comme tes anciens, tu serviras de toutes les forces de ton âme et, s’il le faut, jusqu’à l’ultime sacrifice, cette Légion devenue ta nouvelle Patrie, et tu conserveras toujours en ton cœur cette devise : « Legio Patria Nostra ». »

Le thème « Volontaire » de cette année 2017 rend hommage à tous ceux qui ont choisi de rejoindre les rangs de la Légion étrangère pour défendre la France. Képis blancs d’hier ou d’aujourd’hui, ou bien supplétifs vietnamiens ou encore harkis combattant dans les rangs de la Légion, leur seule volonté a été d’être à la hauteur de l’héritage légué par nos héros de Camerone, en restant fidèles souvent jusqu’au sacrifice ultime : « dans un monde et une époque de petite foi, ce legs donne la certitude grave, exaltante, durable, d’agir et de servir un idéal d’honneur et de fidélité qui nous dépasse » écrivait le général Olié.

Volontaire et libre.

A l’origine de cet idéal, il y a d’abord le volontariat, expression pleine et tangible de la liberté individuelle. Pourquoi s’engage-t-on à la Légion étrangère ? « A cette question, il y a presque autant de réponses qu’il y a de candidats, car le cœur et la volonté des hommes sont mus par des pulsions les plus variées », répondait humblement le général Gaultier, qui précisait par ailleurs : « Le légionnaire anonyme ! C’est celui qui certain matin éclatant de soleil ou certain soir déjà envahi par la nuit a débarqué du train à Marseille, lourd d’un passé qui ne regarde que lui et qui ne sera scruté, avec toute la discrétion requise, que pour évincer les brebis galeuses indignes de l’honneur de porter le képi blanc et germes de contamination. Encore hésitant, il est attiré par le havre où il pourra oublier ses misères, guérir de ses blessures, se racheter de ses fautes, fuir la géhenne d’une existence trop veule ou mal engagée ou décevante ou trop avare de ses faveurs, contracter des amitiés et vivre avec elles et avec honneur dans l’exaltation d’aventures avouables. »

Cet acte de volontariat est donc intrinsèquement libre. Pierre Mac Orlan écrivait en 1935, dans « Légionnaire » : « les légionnaires sont libres autant qu’un homme peut l’être. Ils paient leur impôt à un seul guichet. Dans quelques années, ce ne sera plus le chômage qui enverra des hommes à la Légion, mais le besoin de reconquérir une liberté de pensée, asservie par une discipline sociale autrement rude que la discipline militaire de la Légion. »

 

Volontaire, discipliné, et déterminé.

Le légionnaire s’engage à servir, en acceptant les règles de la Légion. « Ici, c’est comme çà ! » pourrait-on résumer. Cette discipline stricte mais librement consentie fait la force de la Légion. Elle répond à la fois aux exigences du combat et aux nécessités de la vie en communauté de la famille légionnaire. C’est d’abord en cette unité des cœurs que croit le légionnaire. Déjà en 1937, le mémento du soldat de la Légion étrangère rappelait cette vérité : « la force de la Légion réside avant tout dans la confiance absolue et réciproque qui lie les légionnaires et leurs chefs... Ces chefs sont tes compagnons de souffrance et de danger… »

La détermination est le triomphe du « malgré », comme le dit clairement le général Olié : « rien de grand ne s’accomplit que « malgré », malgré les obstacles dont le plus sévère est l’égoïste instinct de conservation. Tout le courage du soldat est fondé sur le triomphe de ce « malgré ». »

 

Volontaire, honnête et fidèle au service éternel de la France.

Citant un légionnaire, M. Messmer disait : « Beaucoup des hommes qui, au cours des âges, au cours des générations, sont venus à la Légion étrangère, y sont venus pour la liberté. Et en même temps, ils y sont venus par volonté de servir la France. » Dans le livre d’or de la Légion, une personnalité écrivait d’ailleurs : « la France trouve ici son laboratoire d’humanité où scintillent les diversités du monde agrégées sur l’unité des cœurs ».

Le caractère intemporel de la Légion est cité dans le 1er couplet du Boudin, « Au Tonkin, la Légion immortelle… ». Le Maréchal Juin traduisait cette immortalité en ces mots : « Et le temps passera, ces hommes anonymes sous le képi blanc continueront de défiler et de se battre comme ils l’ont toujours fait, relevés par d’autres hommes au même képi blanc, ayant toujours dans les yeux le reflet de cette foi intérieure qui ennoblit la Légion. »

 

Un béret blanc, et onze képis blancs, volontaires !

A l’heure où l’opprobre est à nouveau jeté sur l’histoire de la colonisation française, il me parait essentiel de rendre hommage à ceux qui, à l’autre bout du monde, ont cru en la France, l’ont servie souvent au début par faim, mais qui lui sont restés fidèles jusqu’au bout, simplement, sans calcul, sans jamais trahir, souvent au péril de leur vie, et par reconnaissance pour ce qu’elle leur avait apporté. Le sergent-chef  (ER) N’Guyen Van Phong est l’un d’entre eux. Il est l’un des derniers témoins vivants de ces hommes qui ont tout donné pour la France en rejoignant les rangs de la Légion étrangère au combat. Nul doute qu’en remontant la Voie sacrée, les milliers de supplétifs vietnamiens fidèles à la France, tués ou massacrés par le VietMinh communiste l’accompagneront.

Il sera entouré des pionniers et d’un carré de 11 légionnaires venant de chacune des formations de la Légion d’aujourd’hui. Cela marque la continuité de la Légion étrangère entre ses morts, ses anciens et ses jeunes, car comme l’écrivait  le chef de bataillon de Saint-Marc dans « Toute une vie » : « Le jeune engagé est porté par les ombres de ceux qui l’ont précédé. C’est dans cette invisible compagnie qu’il puise la force d’avancer la nuit. »

 

Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère

 


Le 1REC, régiment moderne ancré dans la tradition des cavaliers étrangers au service de la France

Le mot du général COM.LE - Képi blanc N° 797

 

Le 1er REC est aujourd’hui le plus ancien régiment à l’ordre de bataille de l’armée de terre à n’avoir jamais connu, depuis sa création, ni dissolution, ni changement de nom ou discontinuité physique du jour au lendemain.

Par Saint-Antoine et par Saint-Georges !

Dans l’histoire de la Légion étrangère, tradition et modernité se mêlent dans une quête commune de l’excellence. Que ce soit lorsqu’elle adopta les compagnies montées, la cavalerie, la motorisation de ses unités, les parachutistes ou plus récemment le génie, la Légion voulut toujours atteindre le meilleur, en alliant à la tradition bien ancrée des cultes de la mission et de la fidélité à la parole donnée hérités de nos héros de Camerone, le sens de l’innovation nourri par ses réelles capacités d’adaptation aux contraintes et aux événements. Cette confrontation entre tradition et modernité ne s’est certes pas toujours faite sans heurt, mais elle a toujours été couronnée de succès. Le dossier consacré au 1er Régiment étranger de cavalerie, dans le magazine de la Légion Képi Blanc, m’amène à prendre en exemple l’histoire des légionnaires cavaliers pour illustrer ce succès du mariage légionnaire entre tradition et modernité.

90 ans après sa création, la Légion fête sa première Saint-Georges à Sousse le 23 avril 1921, mettant ainsi à l’honneur les jeunes escadrons « Emonet » et « Rapp » du 1er Régiment étranger d’infanterie, nés en septembre 1920 à Saïda. Les escadrons « Airaud » et « Landriau » sont créés à leur tour à Gafsa et Zarzis en 1921. Ces quatre escadrons formés par le 1er Régiment étranger d’infanterie, et destinés à la Tunisie, deviennent le 1er octobre 1922 (décret du 20 juin 1922) le 1er Régiment étranger de cavalerie. Ce ne sont pas les premiers cavaliers de la Légion. Au Mexique, il y avait un escadron au Régiment étranger. Puis, d’autres unités à cheval furent créées, avant d’opter principalement, dans les compagnies montées, pour le mulet qui mangeait moins et marchait plus longtemps et plus chargé dans le désert.

A sa création, ce jeune régiment possède peu de ces anciens, cadres et légionnaires, qui constituent le noyau des nouvelles unités des régiments étrangers d’infanterie et transmettent à la masse des nouveaux venus les traditions et l’expérience acquise au cours de la Grande Guerre et pendant les campagnes précédentes. Il est formé essentiellement de jeunes légionnaires, anciens cavaliers des armées étrangères, qui restent peu de temps à Sidi-Bel-Abbès, la maison mère : Russes rescapés de l’armée Wrangel bousculée par les Bolchéviques, Polonais et Baltes exilés par le nouveau partage de l’Europe, Autrichiens, Hongrois et Croates orphelins de leur Empire démantelé par le Traité de Versailles.

Il reçoit le meilleur des cadres de la cavalerie française, de métropole et d’Algérie, mais l’amalgame n’est pas simple. Le général Gaultier a connu, comme lieutenant au 3ème Etranger, cette période délicate. Il écrivit plus tard : « Quant aux officiers et à certain nombre de sous-officiers (on appelle ceux-ci les cadres blancs), ils ignorent tout (ou presque) de la Légion mais ils ont été bien choisis et leur qualité pallie cette carence, surtout dès qu’ils réalisent que toute manifestation de l’esprit cavalier (sous son mauvais aspect d’affichage de la conviction de sa supériorité) compromettait l’indispensable unité. D’ailleurs, la troupe et les sous-officiers formés au régiment, qui, malgré leur spécialisation, restent soumis à la règle générale de l’interchangeabilité entre les régiments de Légion, ne serait-ce qu’à cause des relèves de l’Extrême-Orient, prime accordée à l’ancienneté, empêchent tout déviationnisme excessif, toute sécession. Néanmoins, les conditions de l’encadrement, l’étiquette de cavalerie, nouvelle venue, l’autonomie et l’éloignement de son dépôt créé à Sousse marquent le 1er REC d’une certaine indépendance et le condamnent dans les premiers temps à ne pas être considéré comme étant tout-à-fait de la famille par les vieux corps d’infanterie, légitimes et solides gardiens de la tradition. Il semble que le commandement, à moins d’avoir péché par oubli, ait voulu lui aussi faire une distinction puisqu’il faudra attendre 1934 pour que l’inscription « Camerone 1863 » commune à tous les régiments de Légion soit inscrite sur l’étendard du 1er REC ».

Cependant, dès sa création, le jeune 1er REC a le souci de s’ancrer à la fois aux traditions des cavaliers étrangers au service de la France sous l’ancien régime, et à celles de la Légion étrangère. Le régiment du Roy, devenu en 1659 le Royal étranger de cavalerie, est l’ancêtre incontesté du 1er REC qui prend d’ailleurs sa devise « Nec pluribus impar ». Le lieutenant Jacques Weygand écrit dans son livre « Légionnaire » que le chef de corps du 1er REC accueillait les lieutenants nouvellement affectés à Sousse en les questionnant sur le combat de Camerone, et en les incitant vivement à connaître l’historique du 1er Etranger d’infanterie. Comme plus tard pour les parachutistes ou les sapeurs de la Légion, c’est avant tout le baptême du feu qui intronise la nouvelle confrérie de guerriers dans la tradition légionnaire. Trois ans après sa création, le 1er REC combat simultanément au Maroc et en Syrie. Les exploits de bravoure ne se comptent pas. Le 4ème escadron inflige aux Druses des pertes considérables et après six heures de combat les contraint à se replier en abandonnant sur le terrain plus de 200 morts et en laissant huit drapeaux. Dans le même temps, au Maroc, le 3ème escadron participe à toutes les opérations et compte dans ses rangs le premier tué du régiment, le brigadier Lubovitzscy. Les faits d’armes se poursuivent. Le REC se motorise partiellement et fait en 1932 un raid transsaharien de plus de 2500 kilomètres sur Bidon V (aujourd’hui Bordj El Moktar). Du jamais vu pour une unité de cavalerie légère. Le général Rollet dira du 1er REC : «  ce Régiment est un Monsieur ; ce Monsieur est un Seigneur. » Ses deux escadrons isolés au Maroc forment le noyau dur du 2ème REC créé en 1939. Il perd un tiers de ses hommes dans les combats pour la Libération de la France, et compte jusqu’à 18 escadrons en mai 1954.  Au début de la guerre d’Indochine, il envoie de nombreux renforts de cadres de qualité aux unités Légion d’infanterie ou parachutistes pour combler leurs pertes massives. En 1957 les deux REC passent chacun un escadron au 1er REP avec un réel souci des cadres et des hommes qu’ils sélectionnent.

L’histoire moderne du 1er REC est davantage connue ; je n’y reviens pas. C’est aujourd’hui le plus ancien régiment à l’ordre de bataille de l’armée de terre à n’avoir jamais connu, depuis sa création, ni dissolution, ni changement de nom ou discontinuité physique du jour au lendemain. L’ancrage dans la tradition allié au souci constant d’aller de l’avant pour toujours rechercher l’excellence lui a porté chance et succès. Que Saint-Antoine et Saint-Georges continuent à le soutenir dans la poursuite de sa chevauchée glorieuse !

Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N°797)


Larzac : première bougie

Le mot du général COM.LE - Képi blanc N° 796

 

L'installation de la 13 au Larzac a été un vrai défi. A ce stade, la réussite est totale, au prix d’un investissement personnel et collectif très fort.

Il y a quarante ans, lors d’une émission télévisée, le général d’armée Lagarde, chef d’état-major de l’armée de terre, répondait à une question concernant les critiques formulées à l’encontre de la Légion étrangère en ces termes :

« Il a toujours existé et il existe encore de par le monde des hommes qui sont à la recherche d’une Patrie, qui sont à la recherche d’une régénération personnelle, à la suite de difficultés sentimentales – pourquoi en sourire ?, - à la suite de difficultés politiques ou à la suite de difficultés personnelles secrètes, mystérieuses, et qui ont besoin de se replacer sur orbite. Ils choisissent pour voie préférentielle celle de l’austérité, celle de la sévérité, celle de la rigueur, celle du dévouement gratuit, la Légion. Récemment encore, les légionnaires avaient l’orgueil de dire qu’ils n’étaient sans doute pas Français par le sang reçu, mais qu’ils l’étaient par le sang versé. Alors, voilà à quoi sert la Légion… La loi interdit au gouvernement d’envoyer hors de France, en temps de paix, des soldats du contingent dans les situations de crise. Avec la Légion, la République dispose, pour ses intérêts propres ou, le cas échéant, pour des entreprises internationales auxquelles elle aurait donné sa caution, d’un instrument d’une valeur sans égale qui, au presse bouton, est capable de faire face à n’importe quelle mission, la guerre s’il le fallait, mais aussi des routes en Amazonie par exemple [...]. Voilà à quoi sert la Légion, mais elle sert aussi à donner à ceux qui n’en ont pas une Patrie, une famille, des amis, de l’espoir et une dernière chance. »


Le général Lagarde, marsouin, connaissait bien les légionnaires pour les avoir eus sous ses ordres au combat en Indochine à plusieurs reprises (unités de marche de la 13 en Cochinchine, 3ème compagnie du 3ème REI au Tonkin, 1er Escadron du 1er REC en Annam et Cochinchine).

En relisant cette entrevue, rapportée dans le Képi blanc de mai 1977, je pensais non plus aux routes construites en Guyane par la sueur des légionnaires et parfois par leur sang, mais à l’installation aujourd’hui de la 13 sur le plateau du Larzac : austérité, sévérité, rigueur et dévouement gratuit. Ces mots cités il y a 40 ans par le général Lagarde sont vécus depuis un an au quotidien par les légionnaires de la 13. Le camp du Larzac n’a jamais hébergé un régiment. Jusqu’à l’arrivée de la 13 il y a un an, c’était un camp destiné aux troupes de manœuvre, à l’hébergement, donc, rustique. La mission d’installation de la 13 au Larzac est un vrai défi : il s’agit en effet de résoudre l’équation de la construction de l’infrastructure moderne d’un régiment d’infanterie à 1200 hommes (chantier sur 6 années), soumise à la contrainte de la montée en puissance rapide des effectifs sur trois ans (2015-2018), et à celle du budget.

A ce stade, la réussite est totale. Aux qualités des légionnaires précitées, gages du succès de la montée en puissance des effectifs et de la formation de l’état-major régimentaire et des compagnies, s’ajoute la mobilisation totale de tous les acteurs de ce programme ambitieux et fédérateur. Je leur exprime à tous ma pleine reconnaissance pour le chemin parcouru, au prix d’un investissement personnel et collectif très fort : sous l’impulsion décisive de l’administration centrale dont en premier lieu l’état-major de l’armée de terre, ces acteurs sont le commandement de la zone Terre Sud-Ouest, l’ensemble des chaines zonales de commandement et de soutien, les unités des services d’infrastructure de la défense du Sud-Ouest, la base de défense de Toulouse, le groupement de soutien de la base de défense de Toulouse Castres, les organismes de l’Etat coordonnés par la préfecture de l’Aveyron et la sous-préfecture de Millau, sans oublier les nombreux acteurs des forces terrestres.

Le 1er bâtiment de compagnie (bâtiment modulaire durable) va être livré dans un mois. Deux autres suivront en août et décembre. Deux bâtiments pour cadres célibataires sont attendus au 1er trimestre 2018. L’hébergement (bâtiments en dur) devrait être terminé en 2020, et pour 2021 sont prévus le nouveau mess, la zone Scorpion, les équipements de sport et le reste… En attendant, les légionnaires de la 13 s’entrainent, se préparent, se forment, créent leurs groupes, leurs sections, leurs compagnies, et s’identifient à l’âme de la Phalange magnifique. Car il ne s’agit pas d’une agglomération d’hommes en quête d’une âme collective. Comme l’écrivait si justement le général Barail, rapporté dans le Livre d’or de la Légion étrangère de 1931, « Les corps dans l’armée ont une existence intellectuelle et morale, en quelque sorte indépendante des hommes qui les composent, et les mutations aussi nombreuses qu’on les suppose, sont impuissantes à modifier les traditions de leur berceau. Cela se conçoit du reste, puisque ces mutations sont individuelles et espacées, et puisque les nouveaux venus, fondus dans l’ensemble, prennent facilement le ton du régiment dont le fond reste immuable. »

More majorum !

Par le Général de division Jean Maurin, commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N° 796)


Plaquette Légion étrangère - 2017


Remontée en puissance de la Légion étrangère : en cible pour 2018 !

Le mot du général COM.LE - Képi blanc N° 795

Un point de situation “au milieu du gué” de la montée en puissance de la Légion étrangère. En 2015, la mission fixée, fut de créer pour 2016 une unité de combat supplémentaire dans chacun de ses régiments de métropole. Sur la période 2016-2018, de faire de la 13e DBLE un régiment d’infanterie à cinq compagnies. Où en sommes- nous en 2017 ?

 

La période des vœux est traditionnellement l’occasion de dresser un bilan du chemin parcouru, d’exprimer sa soif d’espérance pour l’année qui s’ouvre, et de prendre de bonnes résolutions pour que l’avenir nous soit radieux : “aide toi, le ciel t’aidera !” dit l’adage populaire. En ce début d’année, je souhaite donc vous faire un point de situation “au milieu du gué” de la montée en puissance de la Légion étrangère.

Le contexte.

Cette montée en puissance est née en 2015 de la volonté politique de donner aux forces opérationnelles terrestres les moyens de tenir leur contrat opérationnel redimensionné pour un engagement dans la durée sur le territoire national. Elle s’inscrit dans le nouveau modèle “au contact” de l’armée de Terre, voulu par le général d’armée Bosser chef d’état-major de l’armée de Terre : “Avec cette nouvelle organisation, l’armée de Terre met en avant ce qui la caractérise le mieux : le contact, protecteur des Français, agressif avec l’adversaire, pragmatique avec les réalités du monde d’aujourd’hui.”

La mission.

Dans ce cadre, la mission fixée à la Légion étrangère en juillet 2015, fut de créer pour 2016 une unité de combat supplémentaire dans chacun de ses cinq régiments de métropole appartenant à la force opérationnelle terrestre (2e REI, 2e REP, 1er REC, 1er REG et 2e REG), et, sur la période 2016-2018, de faire de la 13e DBLE qui comptait une soixantaine de militaires permanents aux Emirats arabes unis, un régiment d’infanterie, implanté sur le camp du Larzac, à cinq compagnies de combat, une compagnie d’appui et une compagnie de commandement et de logistique, soit plus de 1200 hommes. Fin 2015, les cinq compagnies des régiments de Légion de la FOT étaient créées. La 13e DBLE commence actuellement la formation de sa 4e compagnie de combat. Tout cela a été possible grâce : - au recrutement qui a été à la hauteur des enjeux, sans baisse qualitative malgré une augmentation, par rapport à 2014, de 80% en 2015, et de 70% en 2016. Sur cette période, le taux de sélection est passé de un pour huit à un pour cinq ;

  • à la discipline et à l’attachement au caractère sacré de la mission des officiers, sous-officiers, caporaux-chefs et caporaux des régiments de Légion, qui ont dû quitter, massivement pour les fantassins et parachutistes, le régiment qu’ils servaient avec honneur, fidélité et cœur, pour constituer l’encadrement des compagnies de la 13, et former, dans les conditions d’hébergement rustiques du camp du Larzac, les jeunes légionnaires sortis de l’instruction ;
  • à la réactivité et à la capacité d’adaptation du 4e Régiment étranger, qui, à effectifs de permanents quasi constants, et grâce aux renforts venant des régiments frères, déjà sollicités par la montée en puissance, a pu absorber la vague des nouveaux engagés volontaires ;
  • à la solidité du statut du personnel servant à titre étranger, à la cohérence de ses quatre piliers (ressources humaines, sécurité, solidarité et patrimoine), qui ont permis cette réactivité : Legio Patria Nostra, Legio Familia Nostra ;
  • à l’exemple de nos ainés, qui en leur temps, et au fi l de l’histoire des régiments de la Légion étrangère, en cultivant l’amalgame entre anciens et jeunes, ont toujours su s’adapter aux restructurations imposées par les circonstances. More majorum !

A vous tous, acteurs de cette montée en puissance qui concerne plus de 2 000 postes de militaires servant à titre étranger, et qui amènera la Légion étrangère en 2018 à un effectif de près de 9 000 hommes, j’exprime ma profonde reconnaissance pour la tâche accomplie et je vous conforte dans votre volonté tenace de créer pour notre Légion de demain un avenir digne du passé construit par nos anciens.

Transformer l’essai.

Après deux années d’efforts portés sur le recrutement et l’instruction des jeunes légionnaires tant à Castelnaudary qu’à l’arrivée dans les régiments, il s’agit désormais et surtout, en 2017, de fixer la priorité sur la formation des sous-officiers, des gradés et des spécialistes. Le 4e Étranger a déjà basculé son effort vers cette priorité. La tâche à accomplir est un vrai défi : en 2017, le 4 va augmenter les volumes de formation d’élèves sous-officiers et d’élèves caporaux de deux tiers, de spécialités de sous-officiers d’un quart, de spécialités de militaires du rang d’un tiers, et de brevets de conduite d’un quart. En remplissant ce plan de formation ambitieux, le 4 permettra à la Légion d’être en cible en qualifications, après le rajeunissement mécanique imposé par la montée en puissance des effectifs.

Les objectifs de 2017 sont donc simples : après le “En avant la Légion !” lancé lors du début de la montée en puissance, c’est désormais : “Mission inchangée. Effort maintenu. Report de tir sur la formation. En cible pour 2018 !”

Pour cela, faisons nôtres ces mots du Maréchal de Lattre : “Ayez le culte de l’effort, le goût du travail bien fait, la fierté de l’œuvre accomplie, le sens de la discipline et l’esprit de générosité.”

 

Par le Général de division Jean Maurin, commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N° 795)


"Courage, Noël donne un sens à notre vie de légionnaire"

Le mot du général COM.LE - Képi blanc N° 794

Il y a deux ans, dans l’éditorial de Noël, je rappelais trois messages : prendre conscience de la richesse de l’héritage du Noël légionnaire construit depuis 150 ans par nos anciens, et légué pour que les légionnaires trouvent autour de la crèche la chaleur de leur nouvelle famille qui tente de faire oublier le poids d’une solitude ou le vide de certaines absences ; former des voeux d’espérance ; vivre la fraternité légionnaire en prenant le temps de casser la routine et de bien faire, chacun à son niveau, simplement, les tâches traditionnelles qui entourent le rite du Noël légionnaire.

L’année dernière, je mettais en parallèle le rite solennel de Camerone qui dicte au légionnaire les lois intangibles du caractère sacré de la mission et de la fidélité à la parole donnée, au rite plus humble de Noël qui fait revivre l’espérance chez le légionnaire, dans la chaleur de sa nouvelle famille, et le conforte dans son devoir de solidarité envers ses pairs. J’insistais sur l’importance des crèches, en citant, entre autres, ces magnifiques mots du général Goupil, qui, cette année encore, doivent être relus et médités : “une crèche légionnaire : à ceux qui sont venus dans le doute, elle répond confiance ; à ceux que l’inquiétude ronge, elle apporte sérénité ; à ceux que l’isolement écrase, elle assure fraternité”.

Je terminais par le témoignage poignant du général Gaultier qui voyait en Noël “la fête numéro un de la Légion” et que je vous conseille également de relire (KB 783). Cette année, conformément à la tradition établie depuis la création du journal Képi blanc en 1947, je viens d’abord vous souhaiter à tous un très joyeux Noël Légionnaire. Au-delà de ces mots, il n’y a en fait qu’un seul souhait de fraternité et de paix que je formule aussi bien pour nos anciens, que pour la Légion d’active : “Courage, Noël donne un sens à notre vie de légionnaire”.

Ces mots sont du Père Hirlemann, Compagnon de la Libération, aumônier de la 13e DBLE pendant la Seconde guerre mondiale, puis aumônier de la Légion, et qui repose dans le carré Légion du cimetière de Puyloubier inauguré par le général Koenig en 1955. Né dans une famille modeste où les enfants sont le seul trésor, fils d’un postier alsacien et d’une mère lorraine ayant tous deux dû fuir l’annexion allemande de 1871, il avait fait sienne la devise du curé d’Ars “on n’a rien fait tant qu’on n’a pas tout donné”, devise inscrite aujourd’hui dans la petite église provençale de Puyloubier que servit le Père Hirlemann jusqu’à sa mort.

Missionnaire, puis baroudeur, puis sage parmi nos anciens et invalides, il était profondément attaché aux légionnaires qui voyaient en lui celui qui “savait ouvrir les cœurs”. Lors des cérémonies marquant le 25e anniversaire de Bir Hakeim, il marqua à nouveau son attachement à la Légion devant un parterre de Compagnons, dont le général Koenig, en ces termes : “Elle ne peut laisser indifférents ceux qui l’approchent. Si elle a des misères, elle a aussi et surtout ses grandeurs que traduisent les deux mots : Honneur et Fidélité.

Elle porte avec elle comme un joyau sans prix, que nul ne songe à lui ravir, la plus noble des marques, celle du sacrifice. Permettez au vieil aumônier qui lui a donné son cœur, et qui ne l’a pas repris, de retrouver avec vous, en priant pour ses morts, l’âme de la Légion étrangère. Elle se définit ainsi : sens de la fraternité humaine, espoir d’un dépassement de soi, grâce enfin de mourir dignement. Sans fraternité humaine, il n’y a pas de Légion étrangère. Fraternité humaine, c’est-à dire acceptation en commun de l’effort de lutte, de la souffrance, du sacrifice ; voilà qui donne à une vie sa vraie valeur.

Nous gardons, certes, nos défauts, nos passions, mais n’est-ce pas une sorte de miracle humain (…) que de faire de 20 nationalités – et plus – si diverses de sang, de formation, de langue, de religion, un légionnaire avec un même esprit, un même cœur, une même volonté : servir. Elle ne nous a pas trompés notre devise : Legio Patria Nostra, une Patrie où nous sommes tous frères”. Quelle belle définition de la fraternité légionnaire donnée par cet ancien “qui a tant fait parce qu’il a tout donné !” Afférente à la fraternité humaine, il y a la paix intérieure.

Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté” disent les Écritures pour Noël. Dans le KB de Noël 1947, on peut lire sur cette exclamation ce très beau témoignage du rédacteur en chef : “ce mot d’ordre, ce salut, cette expression d’un vœu n’est pas souvent prononcé en notre Légion mais il est des plus présents et des plus vivants dans nos esprits et dans nos cœurs. Ils le savent bien ceux que la vie a durement secoués ou tragiquement broyés mais qui sont restés de bonne volonté, qu’ils trouvent et trouveront toujours la Paix à la Légion. Ils savent très bien aussi que cette Paix, qui n’est pas une tranquillité, s’achète au prix fort et ce qu’elle représente de fatigue, de travaux, d’obéissance et souvent aussi de sang versé. Ils savent qu’en apparence, c’est une drôle de paix, mais qu’en profondeur et en soi-même, elle est belle et douce et consolante.

Et dans les Noëls de Légion, plus que les souvenirs qu’ils bercent et plus que les espérances qu’ils chantent, c’est leur bonne volonté qu’ils célèbrent et leur Paix retrouvée qu’ils fêtent”.

Joyeux Noël, dans la fraternité légionnaire et dans la Paix, à vous tous, légionnaires “de bonne volonté” !


"Mais ce qu’il me reste, c’est le képi blanc et son âme"

Editorial du COM.LE du Kepi blanc N° 793

 

C’est ainsi, que peu de temps avant sa mort en 1966, le général Pechkoff terminait son dernier poème, véritable testament traduisant son attachement viscéral à Monsieur Légionnaire. Lui, l’engagé volontaire devenu général, ambassadeur de France, qui voulut que sur sa tombe de Sainte Geneviève des Bois ne figure que la seule inscription : “Légionnaire Zinovi Pechkoff ”. Né Sverdloff, fils adoptif de Gorki, Pechkoff, s’engagea à la Légion à 30 ans, pour la durée de la Guerre. Gravement blessé comme caporal en mai 1915, amputé du bras droit, cité à l’ordre de l’armée et médaillé militaire, il souscrivit, bien que réformé, un nouvel engagement comme légionnaire, avant d’être nommé officier interprète. Il partira alors en mission aux Etats-Unis et en Russie. En 1920, capitaine, il retrouvera la Légion étrangère et sera fasciné par le Maroc : “Nous sommes les pionniers qui ouvrent une nouvelle contrée. Travailleurs primitifs aux gestes rudes, nous accomplissons la plus dure besogne. Nous sommes des rêveurs qui voyons de magnifiques possibilités dans l’avenir. Après la Légion, d’autres hommes viendront. Ces hommes seront honorés. Leur nom sera connu. Mais ce sont nos légionnaires qui auront pavé le chemin.” Blessé au pied pendant la guerre du Rif, il alternera entre 1930 et 1940, jusqu’à sa limite d’âge, des postes au Levant et comme commandant de bataillon au 4e et au 2e REI. Jeune retraité, il rejoindra les Forces françaises libres, et le général de Gaulle en fera un ambassadeur itinérant. En 1945, général de corps d’armée, ambassadeur de France en Chine, il remplira sa dernière mission avec la Légion, en accueillant les rescapés du 5e REI.

Le légionnaire Pechkoff est loin d’être un cas unique d’officier étranger à la carrière atypique et exemplaire. D’illustres noms marquent l’histoire de ces officiers étrangers : Aage de Danemark, Louis II de Monaco, le général Andolenko qui fut 9 fois cité, commanda le 5e REI, et dont les écrits d’histoire militaire font référence (fi liation des bataillons de la Légion étrangère, historique du 5e REI, histoire de l’armée russe, histoire du régiment Préobrajenski). Il y eut aussi le lieutenant Selchauhansen, héros d’El Moungar, décoré de la Légion d’honneur le jour de son enterrement par initiative de son capitaine qui prit 8 jours d’arrêts, mais les félicitations de ses camarades. Et bien sûr, le lieutenant-colonel Amilakvari, le 1er des trois chefs de corps de la 13, morts pour la France.
Neuf officiers servant à titre étranger ont porté la main du capitaine Danjou : les lieutenants-colonels Ungerman et Sabljic, le chef de bataillon Dimke, les capitaines Riccio, Sukic, Knippel, Gomez-Urtizberrea et Cattaneo, le lieutenant Gniewek.

Aussi loin que remonte l’histoire militaire française, on trouve toujours, dans nos armées, des officiers étrangers. Souvent contraints de quitter leur pays, ils ont choisi la France comme deuxième patrie. Depuis 1831, la Légion a été leur creuset, sauf dans certains cas particuliers concernant les interprètes ou la Marine qui accueillit des officiers russes après la révolution de 1917. Trois causes majeures expliquent la présence d’officiers étrangers à la Légion étrangère : l’organisation de la Légion, la politique étrangère de la France, et la question du statut des officiers.


Avant l’amalgame des nationalités (1831- 1835) il fallut des officiers parlant la langue des unités composées de légionnaires de même nationalité : ainsi 30% des officiers étaient étrangers, mais il leur manquait la connaissance des règlements et usages militaires français. L’amalgame fut donc un choix réfléchi, et jusqu’en 1895, s’ouvrit une longue période où la question du statut fut prioritaire. La proportion des officiers servant à titre étranger n’était soumise à aucune limitation réglementaire, mais dans les faits, elle n’excédait pas les 30%. Une ouverture au corps des officiers servant à titre étranger fut faite en 1842 aux officiers français, souvent démissionnaires, ou réservistes, ou appartenant à la Garde nationale (1871), qui virent souvent dans cette opportunité l’occasion de rebondir. Mais les officiers français servant à titre étranger furent trop nombreux (les trois quarts). Le ministre prit alors en 1892 la décision de n’admettre comme officiers français servant à titre étranger que les seuls Français servant déjà à titre étranger. Jusqu’à la fin de la 1ère Guerre mondiale, l’accès à l’épaulette pour les sous-officiers de Légion était lié à leur comportement au feu. Pour des raisons de politique étrangère, beaucoup de Saint-Cyriens à titre étranger (Indochinois, Suisses et Danois) rejoignirent la Légion au début du XXe siècle. Puis, pendant la 1re Guerre mondiale, on compta à la Légion plus de 400 officiers étrangers, dont une majorité de Russes. A compter de 1919, le statut des officiers étrangers releva du droit commun de la fonction publique, et à partir de 1974, il fut inclus dans les statuts de la fonction militaire. Dès lors, les sous-officiers servant à titre étranger furent autorisés à présenter les concours d’officiers.


Jusqu’à ces dernières années, les officiers servant à titre étranger n’avaient donc pas tous commencé comme légionnaires. Les admissions directes comme officier à titre étranger ne concernaient généralement que 10% du volume des officiers TE : Russes et Georgiens dans les années 1920, ressortissants d’Etats d’Europe centrale entre 1945 et 1950, Indochinois victimes du communisme dans les années 1970. Aujourd’hui, une quarantaine d’officiers servent à titre étranger et leur doyen, le lieutenant-colonel Hildebert, fêtera cette année son 40e Noël à la Légion. Choisis pour moitié parmi les majors ou adjudants-chefs, ou bien ayant réussi les concours d’accès à l’épaulette (OAEA quasi exclusivement), ils restent fiers de leurs aînés. Quelques-uns d’entre eux témoignent dans ce KB. Leur point commun ? Comme pour le général Pechkoff, “la fierté du képi blanc et son âme”. Leur défi ? Suivre l’exemple de belles figures de la Légion étrangère, dont celle du capitaine Miloyevitch, héros du 1er REC en Indochine. Son commandant d’unité dira de lui à ses obsèques : “une silhouette élégante, un visage énergique et fin, un regard vif et pénétrant. Un tempérament de pur-sang, une volonté de fer, une intelligence claire et rapide. Un soldat sans peur, un homme sans reproche, un chef.”


“La Légion ne pleure pas ses morts, elle les honore !”

Editorial du COM.LE du Kepi blanc N° 792

Les frimas de novembre annoncent chaque année le souvenir des morts, comme un rituel immuable. C’était il y a plus de mille ans, en 998 : les moines de Cluny firent du 2 novembre le “jour des morts”. En choisissant comme date le lendemain de la Toussaint, ils ne se doutaient sans doute pas à l’époque, que de leur décision naitrait un véritable culte populaire des morts qui se répandra au travers des siècles, en France, puis dans tout l’occident chrétien. Aujourd’hui encore, à “la Toussaint”, les Français vont se recueillir sur la tombe de leurs aïeux, même si ce rite millénaire a tendance aujourd’hui à s’atténuer. Cette tradition populaire des chrysanthèmes revêt un caractère avant tout familial. Il exprime le besoin naturel chez tout homme de se tourner vers ceux qu’il a connus et aimés et qui l’ont quitté.

Le culte des morts militaires, en France, est beaucoup plus récent. Le nombre de soldats morts pour la France lors du 1er confl it mondial fut tel, que l’État ne voulut plus confiner uniquement à la sphère privée la mémoire du sacrifice de tous ceux qui donnèrent leur vie pour la survie de la patrie. Des monuments aux morts furent érigés dans chaque village de France, la sonnerie aux morts fut créée, et le 11 novembre entra durablement dans notre mémoire collective de Français.

À la Légion étrangère, le culte des morts revêt une importance particulière. C’est l’essence même du culte du souvenir, l’une de ses quatre traditions majeures. Ce culte trouve sans doute l’explication de sa ferveur dans le fait que la Légion est la famille et la patrie du légionnaire. Par ce double attachement qu’elle crée, elle doit donc marquer plus que quiconque sa fidélité à ses morts. Le général Gaultier écrivait : “chaque fois, c’est la même idée qui revient : vivant, ma peau appartient à la Légion ; mort, elle vous appartient à vous, mes camarades !” Ainsi, l’attachement collectif à ceux qui nous ont quittés prime sur la peine individuelle éprouvée que nous procure leur départ : “La Légion ne pleure pas ses morts, elle les honore !”

Le culte des morts s’exprime à la Légion par des applications morales, par des rites et par la vénération des tombes des légionnaires disséminées à travers le monde.

Les obligations morales sont simples, et dictées par le code d’honneur : “tu n’abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés, ni tes armes”. Elles sont aussi données par la cohorte des 40 000 légionnaires morts au combat qui veillent sur leurs jeunes. En retour, ces derniers ont le devoir d’être à la hauteur du glorieux passé dont ils ont hérité de leurs anciens. Cet aspect de la mémoire est essentiel pour ancrer les jeunes légionnaires dans l’histoire collective prestigieuse de la Légion en général et de leur régiment en particulier. Il s’agit d’un réel besoin d’identifi cation au passé glorieux de la Légion. Ces dernières années, de nombreuses initiatives ont vu le jour, grâce à la volonté de sous-offi ciers déterminés : un mémorial avec le nom de tous les cadres et légionnaires du régiment, morts au combat, a été créé à Calvi, à Nîmes, à Laudun, à Saint-Christol. Je salue également le travail de bénédictin fait par le major (er) Midy, de la FSALE, qui recherche dans les archives et recense depuis plusieurs années les noms de tous les légionnaires morts au combat. Je voudrais également avoir une pensée toute particulière pour tous les volontaires vietnamiens qui sont tombés en combattant avec les légionnaires, dans les unités de Légion, en Indochine. Prochainement, nous inaugurerons une plaque en leur mémoire à l’entrée du musée d’Aubagne.

Les rites sont relatés dans nos chants “un copain dit au bord d’notre trou quelque bout d’prière”, par les témoignages lus dans KB ou dans les livres sur les obsèques tant d’un légionnaire anonyme que d’un maréchal de la Légion. Aujourd’hui, ces rites se traduisent aussi par le cérémonial immuable pour nos morts qui allie solennité du geste et simplicité légionnaire.

Le culte des morts s’exprime enfi n et beaucoup par les tombes, par les soins apportés à leur édifi cation et à leur entretien. Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère s’attache à cette mission avec détermination.

Le 2 novembre, le 11 novembre, les légionnaires d’aujourd’hui, entourés de leurs anciens, rendront les honneurs à leurs morts, dans les carrés Légion des cimetières, aux monuments aux morts, à certains mémoriaux, au Coudoulet, à Puyloubier... Il s’agit d’un devoir, d’une mission aussi noble que celle de s’entraîner au combat, aux valeurs éducatives que l’on ne soupçonne pas. Comme Victor Hugo, ils penseront : “Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie. Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau. Toute gloire près d’eux passe et tombe éphémère ; Et, comme ferait une mère, La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau !”

Ce peuple entier, c’est la Légion d’aujourd’hui, qui clame pour les hommes sans nom ce qu’écrivait en 1885 le capitaine de Borelli : “Mes morts, je vous salue, et je vous dis : Merci !”


"Sans peur, en route pour la Légion !"

Editorial du COM.LE du Kepi blanc N° 791

"La famille s’agrandit !". Par ce titre de couverture, KB met en avant sept remises de képi blanc, 66 sous-officiers nouvellement nommés et davantage encore de spécialistes brevetés. Ce succès a une genèse : la qualité du recrutement. "Recruter des volontaires pour en faire des légionnaires" chante le Groupement de recrutement de la Légion étrangère. C’est l’objet du dossier de ce mois-ci.
Le recrutement à la Légion étrangère est un vrai sujet, qui depuis 1831 suscite a minima de la curiosité, toujours une part de mystère, souvent des fantasmes, parfois de la calomnie, mais jamais d’indifférence. Sa richesse vient bien sûr de la diversité des origines des légionnaires (aujourd’hui 154 nationalités), mais la Légion n’est pas l’ONU ! Cette richesse vient d’abord et surtout de la démarche initiale de volontariat du candidat à l’engagement, dont il est très difficile de déterminer la motivation profonde : mais franchir la porte d’un poste de recrutement de la Légion, a fortiori pour un étranger, est surtout un acte de courage.

Pourquoi s’engage-t-on à la Légion étrangère ? "À cette question, il y a presque autant de réponses qu’il y a de candidats, car le coeur et la volonté des hommes sont mus par des pulsions les plus variées", répondait humblement le général Gaultier, qui précisait par ailleurs : "Le légionnaire anonyme ! C’est celui qui certain matin éclatant de soleil ou certain soir déjà envahi par la nuit a débarqué du train à Marseille, lourd d’un passé qui ne regarde que lui et qui ne sera scruté, avec toute la discrétion requise, que pour évincer les brebis galeuses indignes de l’honneur de porter le képi blanc et germes de contamination. Encore hésitant, il est attiré par le havre où il pourra oublier ses misères, guérir de ses blessures, se racheter de ses fautes, fuir la géhenne d’une existence trop veule ou mal engagée ou décevante ou trop avare de ses faveurs, contracter des amitiés et vivre avec elles et avec honneur dans l’exaltation d’aventures avouables."

Cet acte de courage est intrinsèquement libre. C’est ce qu’écrivait le légionnaire Martin, engagé dans les années 1920, dans son livre "Je suis un légionnaire", préfacé par le général Rollet : "La seule impression qui me soit restée de cette première semaine au Fort Saint-Jean en attendant l’embarquement, la seule que j’ai éprouvée, fut un immense soulagement, un apaisement total à me sentir ainsi détaché de tout."

La meilleure description de la typologie du recrutement de la Légion étrangère est celle faite par les légionnaires eux-mêmes, à travers leurs chants. Ils traduisent :
- la motivation : "quand on a une fi lle dans l’cuir, et que la vie vous dégoûte, on s’engage sous le fanion vert et rouge de la Légion, et sac au dos on prend la route" ; "quand on a bouffé son pognon ou gâché par un coup d’cochon toute sa carrière, on prend ses godasses sur son dos et l’on file au fond d’un paquebot aux légionnaires" ;
- la diversité : "On y trouve des copains d’partout, y en a de Vienne de Montretout, pas ordinaires, des aristos et des marlous qui se sont donnés rendez-vous aux légionnaires. Y a des avocats des médecins, des juges, des marquis, des roussins, d’anciens notaires, même des curés qui sans façon baptisent le Bon Dieu d’sacrés noms, aux légionnaires";
- les blessures intérieures et physiques : "Nous les damnésd’la terre entière, nous les blessés de toutes les guerres, nous ne pouvons pas oublier un malheur, une honte, une femme qu’on adorait" ;
- le volontariat : "nous sommes tous des volontaires, les gars du 1er Étranger".

Cette diversité est également soulignée par le général Gaultier : "il n’y a pas un type de légionnaire ; il n’y a que des cas particuliers dans le temps et dans l’espace". Comment le recruteur détectet-il donc, dans cette diversité, le futur légionnaire ? D’abord, par sa propre expérience de légionnaire. Il ne s’agit pas d’une cooptation, mais plutôt d’un premier filtre. C’est ce qu’explique le Général Hallo dans son livre Monsieur Légionnaire : "Dans la pratique, les recruteurs eurent beaucoup plus souvent à dissuader qu’à persuader et jamais à imposer". C’est la raison majeure, pour laquelle le recrutement à la Légion étrangère n’est pas "racoleur". Comment alors attirer le candidat avec le succès que l’on connait sans racolage ? Sans doute pas par des trouvailles de communicants ou publicistes en quête de slogans ou de logos, souvent facturés très chers, et parfois plus déroutants que convaincants, mais en s’inspirant des affiches, oeuvres des légionnaires eux-mêmes, qui susciteront chez le candidat une soif de liberté. Le général Hallo écrivait à ce sujet : "il est intéressant de noter que ces affi ches représentent toujours un légionnaire ou seulement une tête de légionnaire avec le képi blanc à l’exclusion de tout autre motif évoquant l’exotisme ou l’aventure. Ces affiches, de tous temps, n’ont jamais été que l’évocation de la Légion comme une fin en soi". Alors, terminons en chantant le dernier verset plein de bon sens du chant "Adieu vieille Europe" : "Sans peur, en route pour la Légion !"


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