AALEME

Légionnaire toujours...

  • Plein écran
  • Ecran large
  • Ecran étroit
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size


Communiqué du Général Maurin commandant la Légion étrangère

"Je respecte profondément le général Piquemal qui a servi 40 années l'armée française avec honneur, fidélité, et passion. Je respecte tout particulièrement tous mes  prédécesseurs qui ont tous tout donné pour que la Légion reste cette troupe d'élite reconnue de tous, composée d'étrangers venus volontairement servir la France avec honneur et fidélité. N’attendez donc de la part du « père » Légion aucune critique sur cet homme.

Toutefois, au-delà des liens de fraternité d’armes que je peux avoir avec lui, soit à titre personnel, soit au titre de ma fonction, la responsabilité de général commandant la Légion étrangère que j’exerce aujourd’hui ne concerne que les cadres et les légionnaires en service et, de façon marginale, quelques anciens que la Légion accueille à l’Institution des Invalides de la Légion étrangère à Puyloubier. Si  la plupart d'entre eux, une fois retournés à la vie civile, retrouvent leur entière liberté, que ce soit en France ou dans leur pays d'origine, ils ne relèvent plus de ma responsabilité.

En ma qualité d'officier général, commandant la Légion étrangère, je n’émettrai donc aucun avis sur les faits. En la circonstance, je fais confiance aux institutions de notre pays, pour que la justice soit rendue de façon humaine et surtout que la sérénité revienne."


1976-2016 : 40 ans d’opérations et d’entraînement.

Éditorial du COM.LE du Képi blanc N° 784

Dans l’histoire de la Légion étrangère, alternent, au pas lent des jours ou des années, les joies et les peines, la gloire et la souffrance, la fête et la guerre. C’est bien sûr ce qu’écrivait il y a 3000 ans l’Ecclésiaste : “il y a un moment pour tout et un temps pour toute activité sous le ciel : un temps pour naître et un temps pour mourir… un temps pour pleurer et un temps pour rire… un temps pour la guerre et un temps pour la paix”. Mais c’est aussi ce qui distingue le légionnaire : le “ne pas subir” si cher au maréchal de Lattre, exprimé dans ce cas par l’abandon volontaire de tout pour venir vivre l’aventure exaltante des képis blancs. Cette aventure, le “hasard d’un clair matin” peut hélas la stopper trop tôt, comme pour nos six camarades du 2e REG, tombés en Maurienne le 18 janvier dernier : caporal-chef Lamarana, caporal Simi, caporal Palade, caporal Khapangi, caporal Halili, caporal Hetenyi. Morts ensemble sous l’avalanche, c’est ensemble, autour de votre drapeau, que vous avez été honorés par le général chef d’État major de l’armée de Terre, par votre régiment, par votre grande famille de la Légion, par vos camarades montagnards, et entourés par vos familles. Vous avez rejoint la cohorte de “nos camarades qui souriaient au destin”, comme nous le rappelle notre si beau chant des képis blancs. Dormez en paix. Vous resterez pour toujours dans nos mémoires.

“Que serait un homme sans mémoire ? Il marcherait dans l’oubli. Tout se tient dans la destinée humaine. Il faut croire à la force du passé, au poids du sang, des ans, à la mémoire des hommes. Les hommes qui construisent l’avenir sont ceux qui ont la plus grande mémoire… Le souvenir n’est pas une tristesse mais une respiration intérieure”. Ainsi s’exprimait le chef de bataillon Hélie Denoix de Saint-Marc au terme de sa vie. Cette réflexion profonde doit nous guider au cours de cette année 2016, marquée par le jubilé de la naissance à Loyada en février 1976 d’une nouvelle ère de
40 années d’opérations extérieures.

Depuis 40 ans, sur tous les théâtres où elle a été engagée, la Légion étrangère a tenu à rester digne de l’héritage glorieux légué par ses anciens du Mexique, du Tonkin, du Maroc, du Levant, des deux guerres mondiales, et des guerres d’Indochine et d’Algérie. Elle se souvient aujourd’hui de ces faits d’armes de ces milliers d’étrangers anonymes venus servir la France, et poursuit inlassablement son œuvre en mémoire des 40 000 des siens tombés pour la France : Loyada, Tchad, Zaïre, Liban, Centrafrique, Gabon, Koweit, Rwanda, Djibouti, Ex-
Yougoslavie, Somalie, République du Congo, Côte d’Ivoire, Afghanistan, Mali, Sahel…

Le succès incontesté de ces opérations s’explique d’abord et surtout par la continuité réelle et tangible entre les guerres d’Indochine, d’Algérie, l’effort porté sur l’entrainement dans les années 60 – 70, et la reprise, sur des bases solides, des engagements à Djibouti, au Tchad et au Zaïre notamment.

Le poids du sang n’est pas un vain mot. Il est considérable : la Légion a perdu en Indochine près de 12 000 des siens lors de ce conflit, soit en moyenne 4 morts par jour pendant huit ans. En Algérie, ce sont près de 2 000 légionnaires de tous grades qui ont laissé leur vie, soit en moyenne 4 morts par semaine pendant huit ans. Depuis, les guerres passées ont laissé la place à des engagements bien moins meurtriers. Ces 40 dernières années, la Légion a perdu 70 des siens en opérations, et un peu plus de 90 des siens à l’entrainement, en service aérien commandé ou en service commandé, soit une moyenne de 4 morts par an. Des deuils douloureux nous ont marqués : je ne peux tous les citer, mais Hol-Hol, le Mont Garbi, et aujourd’hui la Maurienne, marqueront des générations de légionnaires pour encore longtemps.

Loyada, Tacaud, Bonite, sont le fruit de 15 années d’un entraînement rigoureux, intensif, inventif, mené après la guerre d’Algérie : spécialisations des compagnies pour le 2e REP et un an d’opération au Tchad pour ce régiment en 1970, création du Groupement opérationnel de la Légion étrangère au 2e Étranger, nombreux exercices en terrain libre pour le 1er REC, travaux gigantesques et appropriation de la forêt en Guyane, aguerrissement, travaux, et nomadisations à Djibouti, etc… Nos anciens, guerriers expérimentés, ont préparé alors les succès futurs, pour cette nouvelle génération de légionnaires, instruits, entraînés et aguerris, qui répondirent présents lors du baptême du feu de ces nouvelles missions inopinées.

En ces temps incertains, sachons aujourd’hui en 2016 préparer les engagements de demain. L’expérience de 40 années d’opérations extérieures est bien présente. Ravivons notre mémoire sur les guerres plus dures d’hier. Continuons sans relâche à nous préparer au combat : après les honneurs of ciels, c’est le plus bel hommage que l’on peut et que l’on doit rendre à tous ceux “qui sont tombés au hasard d’un clair matin”.

Les légionnaires ? “Ils sont aussi solides au feu les uns que les autres !” Duc d’Aumale - 1844


Noël légionnaire, un rite fédérateur

Éditorial du COM.LE du Képi blanc N° 783

Noël, fête chrétienne marquant la venue sur terre pour tous du Messie tant annoncé par les Juifs, est, par-delà toutes les croyances, la fête de la famille légionnaire. Tous les ans, depuis sa création en 1947, Képi blanc marque cette fête incontournable de notre patrimoine légionnaire, en adressant à tous ses lecteurs les messages du général commandant la Légion étrangère (appellation actuelle), et des aumôniers catholique et protestant.

Je voudrais tout d’abord souligner l’importance au sein de la grande famille Légion du rite de cette fête de Noël, qui de tous temps a été fêtée à la Légion étrangère. Il s’agit bien d’un rite, complémentaire de celui de Camerone. À la “liturgie martiale” de la remontée de la Voie sacrée par le porteur de la main du capitaine Danjou entouré des pionniers, suivi du récit du combat de Camerone, répond à égal le cérémonial familial du Noël légionnaire. Pour parodier Saint-Exupéry dans Citadelle, je rajouterais, “un cérémonial à la façon d’un conte de fées pour ceux qui comprennent la vie”, car “les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans l’espace”. On peut d’ailleurs poursuivre sur ce thème du rite avec le dialogue entre le Petit Prince et le renard : “Il faut des rites. - Qu’est-ce qu’un rite ? - C’est aussi quelque chose de trop oublié. C’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures”.

De même que le rite solennel de Camerone dicte au légionnaire les lois intangibles du caractère sacré de la mission et de la fidélité à la parole donnée, le rite plus humble de Noël faire revivre l’espérance chez le légionnaire, dans la chaleur de sa nouvelle famille, et le conforte dans son devoir de solidarité envers ses pairs. Tout récemment, lors de la cérémonie hebdomadaire de départ à la maison mère, l’un d’eux, arrivant au terme de 33 années de service avec honneur et fidélité, me confiait : “Noël, pour le légionnaire, c’est ce qui lui dit intérieurement, malgré les difficultés : cela vaut le coup, il faut continuer”.

Comment mieux vivre chaque année le rite du Noël légionnaire, pour lui garder ce sens ?

Par l’attention portée aux crèches dans les sections, les compagnies, au quartier ou en opération. Car comme l’écrivait le colonel Goupil, commandant le Groupement de la Légion étrangère dans le KB de décembre 1977 : “Une crèche légionnaire : à ceux qui sont venus dans le doute, elle répond confiance ; à ceux que l’inquiétude ronge, elle apporte sérénité ; à ceux que l’isolement écrase, elle assure fraternité”. Existe-t-il en effet quelque chose de mieux à Noël, que la crèche représentant une famille “mise à la porte” et accueillie par des bergers, pour symboliser le don de l’accueil, si cher à la Légion étrangère ?

Par le besoin de prendre du temps, de faire une pause, malgré les programmes chargés, pour que ce rite de Noël légué par nos anciens, nous permette à tous de comprendre que la nuit du 24 au 25 décembre n’est pas une nuit comme les autres.

Par l’attention portée à tous, et en particulier aux plus jeunes légionnaires, surtout s’ils viennent de l’autre bout du monde, et qui vont vivre leur premier Noël à la Légion. Que la chaleur de leur nouvelle famille tente de faire oublier le poids d’une solitude ou le vide de certaines absences.

Par la parole libérée, franche et respectueuse entre frères d’armes, et par l’humour des sketches.

Par le chant, la fermeture des télévisions et radios, et la victoire de l’être sur le paraître.

L’année dernière, je souhaitais aux anciens de conserver toujours en eux la fierté d’avoir servi sous le fanion vert et rouge, et de guider avec attachement les plus jeunes. À la Légion d’active, je souhaitais de puiser dans la fraternité de la nuit de Noël les véritables signes de l’espérance qu’elle attendait en laissant parler son cœur.

Cette année, je voudrais à tous faire renouveler ce message intemporel, mais aussi faire revivre ce qu’écrivait sur Noël le général Gaultier, ce grand officier de la Légion étrangère qui allia à une riche expérience opérationnelle (il fut cité onze fois) sa détermination, dans la lignée du général Rollet, à créer la Légion moderne.

“Grands, émouvants, exaltants, bruyants, joyeux Camerone ! Et cependant, les souvenirs des anciens se cristallisent autour de Noël qui, quelle que soit son ampleur, fonction des circonstances, de l’effectif, est la fête numéro un de la Légion étrangère, la fête la plus lénifiante au cœur des légionnaires. Pour ces hommes seuls, exilés, proscrits, pour ces hommes souvent originaires d’Europe centrale, romantique et mystique, Noël est un souvenir, Noël est un espoir, Noël est une halte, une douceur ! Souvenir d’enfance, espoir de jours meilleurs, halte dans une route sans pitié, dévoratrice d’efforts incessants, douceur de la pause à l’Oasis… Bien sûr pour toi, légionnaire, il y a quelque chose au-delà de l’atmosphère familiale recréée dans ta compagnie ou ta section ! Bien sûr ta pensée s’échappe… là-bas… vers le village enseveli sous la neige, vers… la Poméranie où ta mère avec ses enfants restés au pays chante recueillie, triste peut-être de ton absence, le Stille Nacht que tu entonnes ici avec tes camarades. Certes la réalité remplace mal ce qu’il y a sous ce… rêve. Mais rien ne manque : ni la messe de l’aumônier, ni, à défaut, les chœurs qui sont ce soir plus pieux, plus recueillis qu’à l’ordinaire, même ceux dont les paroles sont profanes, ni le reste, ni surtout la crèche… Mais rien ne manque : ni l’amélioration de l’ordinaire… ni les cadeaux tirés au sort…ni les chœurs où que l’on soit… Car partout et toujours, c’est la même marque de solidarité, de fi délité qu’a exprimée notre grand chantre Borelli :

Et moi je souriais de vous sentir contents…
Vous vouliez, n’est-ce pas, qu’à l’heure du retour, Quand il mettrait le pied sur la terre de France, Ayant un brin de gloire, il eût un peu d’amour !”

Joyeux Noël légionnaire !


La Légion au combat 2016.


“Au combat, tu agis sans passion et sans haine”

Éditorial du COM.LE du Képi blanc N° 782

“Le combat demeure la phase capitale de l’existence du légionnaire”. Ainsi débute le chapitre du mémento du soldat de la Légion étrangère de 1937, consacré aux devoirs du légionnaire au combat. Les consignes suivent, insistant sur le rôle de l’instruction et de l’entraînement quotidien “qui n’ont d’autre but que de te présenter dignement et avec le maximum de chances de succès à cette rude épreuve”. Il est ensuite question de courage, de mépris de la mort, d’actes d’héroïsme qui ne se sont comptent plus à la Légion, et du légendaire combat de Camerone. Puis, il est demandé au légionnaire de visiter la salle d’honneur et le musée du souvenir de Sidi Bel Abbès, de lire des citations et des faits d’armes, de se recueillir devant le drapeau du régiment. “ C’est alors que tu comprendras combien tu as le droit d’être fi er de porter l’uniforme de légionnaire. Jamais l’ennemi n’a pu se vanter d’avoir fait reculer la Légion ni d’avoir résisté à ses baïonnettes. Jamais la Légion n’a abandonné à l’ennemi ses morts, ses blessés et ses armes. Jamais un légionnaire ne s’est rendu à l’ennemi. “ Le chapitre s’achève par cet ordre : “Lorsqu’il t’arrivera d’être cerné, songe aux héros de Camerone et d’Aït-Yakoub. L’esprit de sacrifice et de dévouement de tes anciens doit trouver en toi une recrue fidèle. La plus belle fin dont tu puisses rêver est de mourir au Champ d’Honneur. C’est au combat que tu comprendras l’amour qui doit lier le chef à ses légionnaires, dont les cœurs battent à l’unisson pour porter toujours plus haut et plus loin la gloire immortelle de la Légion étrangère”.

Dans les années 80, ayant constaté qu’une partie des jeunes légionnaires manquait de références morales, le commandement de la Légion étrangère décida de faire rédiger un recueil de principes destinés à guider l’action du légionnaire au quotidien, tant sur le plan personnel que dans le domaine professionnel. S’inspirant du mémento de 1937 et des travaux des régiments, le Code d’honneur du légionnaire fut créé. Les articles 6 et 7, indissociables, traitent du comportement au combat, finalité de l’état de légionnaire. Le 6 définit la conduite et le cadre général de l’action militaire : caractère sacré de la mission, sacrifice ultime. L’article 7 donne le cadre du “jus in bello” pour le légionnaire : “Au combat, tu agis sans passion et sans haine, tu respectes les ennemis vaincus, tu n’abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés, ni tes armes”.

Je me souviens qu’à la parution du Code d’honneur, le début de cet article interpella beaucoup d’entre nous, et mérita d’être expliqué : “Au combat, tu agis sans passion et sans haine”.

Pourquoi “sans passion”? J’avais appris par cœur au Prytanée, comme tant d’autres, la citation du Prince de Ligne : “ Aimez le métier militaire plus que tout autre à la passion, oui, passion est le mot. Si vous ne rêvez pas militaire, si vous ne dévorez pas les livres et les plans de guerre, si vous ne baisez pas le pas des vieux soldats, si vous ne pleurez pas au récit de leurs combats, si vous n’êtes pas mort presque au désir d’en voir, et de honte de n’en avoir pas vu, quittez vite un métier que vous déshonorez….”. En quoi la passion au combat serait-elle répréhensible ? Car il est bien insensé de reprocher au soldat d’avoir de la passion, qui se traduit au quotidien par sa ferme volonté d’être prêt, d’être à la hauteur, de se battre pour vaincre. En fait, il ne s’agit pas de cette passion vertueuse. La passion répréhensible est celle de la domination de l’ennemi en vue de son humiliation, et il ne s’agit alors plus de vouloir gagner pour obtenir la victoire exigée, mais de ne plus considérer l’ennemi comme un homme.

Pourquoi “sans haine”? C’est sans doute plus aisé à comprendre, parce qu’il est plus facilement admis, par notre culture, qu’on ne répond pas à la haine par la haine. C’est ce que nous dictent les trois principes fondamentaux souvent cités dans le droit de la guerre : le principe d’humanité qui repose sur la volonté d’éviter dans toute la mesure du possible les maux superflus engendrés par le recours à la force, le principe de discrimination qui impose de distinguer les objectifs militaires, qui peuvent être attaqués, des biens et populations civils qui ne doivent faire l’objet d’aucune attaque volontaire, le principe de proportionnalité qui pose en fait la question de l’adéquation entre les moyens mis en œuvre et l’effet militaire recherché. De ce principe découle la maîtrise de la force.

C’est ce qu’écrivait déjà au XIIIe siècle le grand philosophe et théologien Saint Thomas d’Aquin : “Le désir de nuire, la cruauté dans la vengeance, la violence et l’inflexibilité de l’esprit, la sauvagerie dans le combat, la passion de la domination, et autres choses semblables, c’est là ce qui dans les guerres est blâmé par le droit”. Après la guerre de Crimée qui fut particulièrement meurtrière, il s’avéra nécessaire d’affirmer de nouveau ces fondements moraux pour encadrer la guerre : la Croix Rouge fut créée, la convention de Genève suivit…

Il est facile d’aborder ces questions de la maîtrise de la force sous l’angle du droit ou de la philosophie. Mais le principe de réalité nous rattrape vite “dans le brouillard de la guerre”. Le commandant Cabiro, figure légendaire des légionnaires parachutistes ne disait-il pas qu’il est plus facile de dire “à l’assaut ! “ qu’ “halte au feu !”? Corneille, dans La mort de Pompée, écrivait également “ O soupirs ! ô respect ! oh ! qu’il est doux de plaindre le sort d’un ennemi quand il n’est plus à craindre ! “Ainsi, face à la barbarie, aux exactions, et même tout simplement face à un ennemi “régulier”, deux références doivent s’imposer naturellement au légionnaire au combat : ces articles 6 et 7 du code d’honneur, et la devise “More majorum !”.

Dans ce KB, un long dossier est consacré aux opérations en Centrafrique menés par les légionnaires du 1er REC, du 2e REI et du 1er REG aux ordres du chef de corps du 1er REC. Ces légionnaires ont fait leurs ces références. Ils ont aussi appliqué cette consigne du mémento de 1937 : “Comme tes anciens, tu iras au baroud le cœur léger et plein d’orgueil”.

Et pour avoir le cœur léger, il ne faut pas qu’il soit pris par la haine.

Honneur et respect au courage malheureux !

Éditorial du COM.LE du Képi blanc N° 781

C’est en ces termes, et en levant son chapeau, que l’Empereur Napoléon 1er salua des blessés autrichiens qu’il vit passer devant lui. Cette scène, immortalisée par le peintre Debret, marquait la compassion de l’Empereur pour les blessés, quels qu’ils furent : “Il n’y a plus d’ennemis après la victoire, mais seulement des hommes”. Cette citation de l’Empereur, le chirurgien en chef de la Grande armée Larrey la fit sienne comme il en témoigne dans ses mémoires : après la bataille de Smolensk “les Russes étaient traités pêle-mêle avec les nôtres, et ils eurent de notre part les mêmes soins et les mêmes secours”. Larrey, qui a laissé dans l’esprit de Napoléon “l’idée d’un véritable homme de bien”, organisa avec succès le service d’urgence des blessés sur le champ de bataille. Mais à l’arrière, le traitement des blessés fut l’objet de vives colères de Napoléon : “Les Cosaques valent mieux que nous envers leurs blessés” dit-il à Varsovie en 1806. “L’après champ de bataille”, dans l’histoire militaire, fut une réelle et constante préoccupation. Louis XIV créa en 1670 l’Hôtel des Invalides, pour que “ceux qui ont exposé leur vie et prodigué leur sang pour la défense de la monarchie (…) passent le reste de leurs jours dans la tranquillité”. Les progrès réels de la médecine permirent de sauver des centaines de milliers de blessés au cours de la 1re Guerre mondiale : n’oublions pas que sur les 3,5 millions de blessés français au cours de cette guerre, la moitié fut blessée deux fois, et 100 000 plus de trois fois. Les blessés avaient désormais un réel espoir de survie, et la Nation en prit conscience. Sur une idée de Maurice Barrès, et s’inspirant de la médaille décernée aux gardes nationaux et aux citoyens blessés lors de la Révolution de 1848, le gouvernement voulut rendre hommage aux soldats atteints d’une blessure de guerre et créa en 1916 une simple barrette de ruban, portant au centre une étoile rouge. Cette barrette devint par la suite la médaille des blessés. Depuis la fin du premier conflit mondial, la solidarité envers les blessés est une cause nationale, puisque le “droit à réparation” fut reconnu par la loi du 31 mars 1919 aux militaires de cette guerre, aux veuves, orphelins et ascendants des 1,4 millions de morts du conflit, ainsi qu’à l’ensemble des militaires atteints d’infirmités contractées en service et de leurs ayants cause.

Il faut replacer les termes de “courage malheureux” dans le contexte de l’Empire : “la concentration des forces, l’énergie et la ferme résolution de mourir avec la gloire, voilà les trois grands principes de l’art de la guerre” disait l’Empereur. Dans Les récits de Sébastopol, Tolstoï rapporte l’histoire de cet aide de camp de Napoléon, qui ayant porté un ordre, revint à bride abattue et la tête ensanglantée auprès de son maître. “Vous êtes blessé ?” lui dit l’Empereur. “Je vous demande pardon, Sire, je suis tué”, et l’officier tomba de cheval, mort sur place. Que représentait la blessure pour cet offi cier pour qu’il demandât pardon ? Une impression d’inachevé, un manque de chance, le sort du destin, un signe de malédiction, un besoin de pudeur, la volonté d’échapper au calvaire, à la lente agonie ou à la déchéance ? Seul un blessé pourrait répondre à cette question, mais il ne s’agissait en tout cas ni d’un manquement à la mission ni d’un manque de courage ! L’enjeu est bien d’aider le blessé à transformer le courage malheureux en courage d’espérance.

À peine née, la Légion créa en 1833 à Mahon et en 1834 à Alger des centres de repos pour accueillir les nombreux malades et blessés. D’autres centres suivirent : Daya (1900), Oran (1905), Arzew (1928), la maison des Invalides de Crémieu (1946) puis de La Balme, et tant d’autres… Emu par l’errance d’anciens légionnaires médaillés, cités, blessés, lorsqu’il débarqua un jour à Marseille, le général Rollet créa la Maison du légionnaire d’Auriol en 1934. Par manque de financement, beaucoup de centres fermèrent et le relais fut pris par d’anciens légionnaires qui aidèrent leurs camarades après leur réforme. Créée en 1954, l’Institution des invalides de la Légion étrangère accueillit à Puyloubier de nombreux blessés d’Indochine, puis d’Algérie, et continue son œuvre aujourd’hui.

Le dossier de ce Képi blanc est consacré à “l’après” des blessés, dont le parcours Légion s’inscrit pleinement dans celui de l’armée de Terre créé en étroite liaison avec le Service de santé des armées et les autres organismes compétents. Que ce numéro de KB soit dédié aux légionnaires qui ont été meurtris dans leur chair, pour le service de la France, afin de leur donner un courage d’espérance.

Cette espérance, dans l’histoire militaire, a souvent été féminine. L’œuvre de Florence Nightingale, pendant la Guerre de Crimée, ou celle côté russe de Dasha Mikhaïlova influencèrent Henry Dunant pour créer la Croix Rouge après le siège de Sébastopol. La Légion n’échappe pas à la règle.

Qu’il me soit permis de rendre aujourd’hui un hommage appuyé à “Marraine”, Gali Hagondokoff, comtesse du Luart. Infirmière à 17 ans sur les trains militaires russes, elle décida de vouer sa vie aux blessés et aux malades. Le général de Galbert prononça son éloge funèbre dans la cour des Invalides : “Madame, vous êtes la fille généreuse et ardente des seigneurs du Caucase, le secours des blessés de tous nos combats et la grande dame de la Légion étrangère”.

En avant la Légion !

Éditorial du COM.LE du Képi blanc N° 780

La 13e Demi-brigade de Légion étrangère actuellement stationnée aux émirats arabes unis sera transférée sur le camp du Larzac et verra ses effectifs renforcés. Un groupement tactique interarmes aux effectifs militaires similaires à ceux actuellement déployés relèvera sur place la 13e Demi-brigade…”. Cet ordre, diffusé le 31 juillet dernier, découle de la volonté politique de donner aux forces opérationnelles terrestres les moyens de tenir leur contrat opérationnel redimensionné pour un engagement dans la durée sur le territoire national. Il traduit la volonté du chef d’état-major de l’armée de Terre de construire le modèle “Au contact” pour remplir efficacement les missions de demain, découlant des nouvelles menaces.

Clin d’œil de l’histoire : c’est au camp du Larzac, ré-ouvert pour l’occasion en mars 1940, que la 13, nouvellement créée, perçut ses équipements et s’entraîna pendant trois semaines avant de partir pour la Norvège. Née pour faire la guerre, baptisée au feu lors de la seule victoire française de 1940 à Bjervik et Narvik, choisissant le camp du combat, auréolée de gloire à Keren, Massaouah, Bir Hakeim, El Alamein, Rome, Colmar et Authion, cette unité compagnon de la Libération donna à la France 96 compagnons. De 1940 à 1962, elle ne connut que la guerre, avec les sacrifices et les victoires que l’on connaît, pour libérer la France, puis pour combattre afin de défendre ses valeurs en Indochine et en Algérie.

Dans l’histoire des régiments, l’organisation s’efforce toujours de répondre aux impératifs opérationnels : créée avec deux bataillons comme les demi-brigades de montagne, pour initialement combattre dans le froid, la 13 compta 3 bataillons en Indochine. Pour répondre aux besoins du plan Challe, elle fut réorganisée en 1958 en régiment d’intervention à 8 compagnies de combat dont une portée et une d’appui. Transférée à Djibouti en 1962 avec 4 compagnies de combat, elle devint progressivement interarmes, avec la création de l’escadron de reconnaissance en 1968, et l’arrivée du génie. Comme toutes les autres unités stationnées outre-mer et à l’étranger, elle vécut avec la professionnalisation de l’armée de Terre la transformation d’unités permanentes en unités tournantes. Structure d’accueil d’unités tournantes aux EAU depuis 2011, elle va désormais monter en puissance dès 2016 pour redevenir un régiment d’infanterie.

Il n’y a pas d’inquiétude à se faire, car le passé est garant de l’avenir. Il y aura toujours une mission pour la Légion étrangère et, j’en suis persuadé, en particulier, pour la 13e DBLE. Vive la Légion et vive la France !” C’est par ces paroles que M. Messmer, alors ministre d’état chargé des départements et territoires d’Outre-mer, conclut son adresse à la 13e DBLE lors d’une mission à Djibouti en février 1972. L’ancien lieutenant et capitaine de la Phalange magnifique, qu’il servit trois ans, tint dans son discours les propos suivants :

- Un constat : “La Légion étrangère est absolument inséparable de l’armée française. Il n’y a jamais eu d’armée française sans régiments étrangers. La forme de ces régiments, leur organisation ont changé au cours des siècles”,
- Une cause : “Si la Légion étrangère est aussi vieille que l’armée française, c’est bien parce que les missions de la Légion étrangère ne sont pas et ne peuvent pas être différentes des missions de l’armée française, même si ces missions varient au cours des temps, au cours des âges”,
- Une motivation : “Je suis venu à la Légion étrangère par amour pour la liberté”. Citant un légionnaire, M. Messmer poursuivait : “Beaucoup des hommes qui, au cours des âges, au cours des générations, sont venus à la Légion étrangère, y sont venus pour la liberté. Et en même temps, ils y sont venus par volonté de servir la France”.

Ainsi, parce que les missions évoluent, la forme des régiments et leur organisation changent, mais la volonté de servir la France demeure. Les défis, aujourd’hui, pour la Légion étrangère sont nombreux : le 2e REI, le 2e REP, le 1er REG, le 2e REG, et le 1er REC compteront dans les mois qui viennent une unité de combat supplémentaire à leur ordre de bataille. Le 1er REC doit transformer l’essai de la réussite de son implantation à Carpiagne : ce numéro de KB nous le dit. D’ici 2018, la 13 comprendra 5 compagnies de combat, une CEA et une CCL. Le recrutement augmente, avec en corollaire le rajeunissement des régiments. C’est pour cela que cette montée en puissance se fait selon le principe immuable de l’amalgame des jeunes et des anciens dans les sections. Mais les quatre piliers de la Tradition qui ont fait la force de la Légion restent notre guide : le caractère sacré de la mission, la rigueur de l’exécution, la solidarité et le culte du souvenir.
C’est notre mission majeure, pour qu’aujourd’hui, More majorum, les régiments de Légion créent un avenir digne du passé qu’ils ont construit.

Dernièrement, l’un des 96 compagnons de la 13, témoignait de l’autorité naturelle indiscutable de son commandant d’unité à Bir-Hakeim, le capitaine de Sairigné, qui, quand tout sembla perdu et qu’il fallut tenter la percée, se leva calmement et commanda “En avant la Légion !”. Les légionnaires, emportés par son élan rayonnant, remportèrent la victoire que l’on sait.
Aujourd’hui, les balles ne sifflent pas. Mais que le mot d’ordre pour la réussite de la montée en puissance de la Légion dans le cadre du modèle “Au contact” de l’armée de Terre reste : “En avant la Légion !”.


Legio Patria Nostra

Éditorial du COM.LE du Képi blanc N° 779

“Légionnaire, tu es venu volontairement à nous. De ton gré, tu t’es engagé à servir avec Honneur et Fidélité… Comme tes anciens, tu serviras de toutes les forces de ton âme et, s’il le faut, jusqu’à l’ultime sacrifice, cette Légion devenue ta nouvelle Patrie, et tu conserveras toujours en ton coeur cette devise : Legio Patria Nostra. Ainsi commence le mémento du soldat de la Légion étrangère, édité à Sidi Bel Abbès en 1937, Ancêtre de notre Code d’honneur actuel. Les anciens ont tenu à ce que sur la première page de ce mémento figurent nos deux devises : Honneur et Fidélité, inscrite sur les drapeaux et étendards de la Légion étrangère, et Legio Patria Nostra, inscrite sur nos tambours et sur l’insigne du 3e Étranger.

On entend généralement par devise une phrase courte, choisie par une organisation sociale, un pays, une dynastie, pour lui dicter une ligne d’action ou un idéal. Les devises militaires françaises sont anciennes : les mousquetaires avaient la leur “un pour tous, tous pour un”, la plupart des régiments étrangers au service de la France sous l’Ancien régime avait choisi “Nec pluribus impar”, aujourd’hui devise du 1er REC. Ces devises ont été supprimées sous la Révolution à la dissolution des régiments et à leur transformation en demi-brigades. Le Premier Consul, puis empereur Napoléon 1er, choisit pour la Grande Armée la devise Valeur et discipline, qui resta, peu ou prou, en vigueur jusqu’en août 1914, lorsque le général Galliéni imposa pour tous les emblèmes l’inscription “Honneur et Patrie”, devise par ailleurs déjà inscrite sur le revers du 1er drapeau de la Légion étrangère de 1831 à 1835, et de 1840 à 1844 après la cession de la Légion à l’Espagne. En 1920, les mots Honneur et Fidélité furent inscrits sur nos emblèmes : cette devise du régiment suisse de Diesbach sous l’Ancien régime fut choisie pour marquer, d’une part la pérennité des soldats étrangers au service de la France, et d’autre part la nécessité de leur donner une nouvelle patrie. En effet, il ne va pas de soi de confier les armes du pays à des étrangers, et il n’est pas non plus évident pour des étrangers de risquer leur vie pour un pays qui n’est pas le leur. C’est donc pour cela que le lieutenant-colonel Rollet, après la 1re Guerre mondiale, avait tout fait pour “adopter pour les trois drapeaux la devise Honneur et Fidélité, formule qui figure depuis toujours sur l’acte d’engagement”. Il fut entendu par le ministre, et le décret de 1920 précisa que “les drapeaux et étendards des régiments de Légion étrangère, déjà existants ou créés dans l’avenir, porteront la devise Honneur et Fidélité”.

Les deux devises de la Légion Honneur et Fidélité et Legio Patria Nostra nous permettent de réfléchir aux liens entre la Fidélité et la Patrie. Les dictionnaires donnent habituellement deux sens majeurs au mot Patrie : le pays où l’on est né, la terre des pères, le pays auquel on appartient comme citoyen, et pour lequel on a un attachement affectif ; la communauté, nation, à laquelle quelqu’un a le sentiment d’appartenir, c’est-à-dire le “vouloir vivre ensemble” d’Ernest Renan. Dans les deux cas, l’attachement affectif est prégnant, et l’enjeu de la Légion étrangère est de faire tout pour que l’étranger qui porte les armes de la France s’approprie la devise de Franklin, via le sentiment fort d’appartenance à la famille légionnaire : “Tout homme a deux patries, la sienne et puis la France”.

On ne sait pas exactement quand ni comment est née et a été adoptée la devise Legio Patria Nostra. Il est possible qu’elle soit à rapprocher du concept de la Légion “lieu de refuge” et “lieu d’asile” qui s’est répandu après 1871, lorsque la Légion accueillit un grand nombre d’Alsaciens et de Lorrains, devenus apatrides du fait de l’annexion de leur province par l’Allemagne. À ce sujet, monsieur René Doumic, secrétaire perpétuel de l’Académie française, cité en 1926 par le général Rollet dans sa préface du livre de Jean Martin “Je suis un légionnaire”, disait : “N’oublions pas que de 1870 à 1914 la Légion a été le refuge de ceux qui gardaient au cœur l’amour de la Patrie perdue. Maintenant, grâce au ciel, les Alsaciens et les Lorrains n’ont plus besoin de venir à la Légion pour servir la France, mais quels fiers légionnaires ils ont été”. Il est donc fort probable que la question de l’Alsace Lorraine fût l’origine de cette devise, de même que l’arrivée en masse des engagés volontaires pour la durée de la guerre en 1914. En effet, le 29 juillet 1914, des étrangers intellectuels lancèrent un appel solennel de soutien à leur patrie d’adoption : ”Des étrangers amis de la France qui ont pendant leur séjour en France appris à l’aimer et à la chérir comme une seconde  patrie, sentent le besoin impérieux de lui offrir leurs bras. Intellectuels, étudiants, ouvriers, hommes valides de toute sorte, nés ailleurs, domiciliés ici, nous qui avons trouvé en France la nourriture matérielle, groupons nous en un faisceau solide de volontés mises au service de la France.” Blaise Cendrars fut un de ces intellectuels et alla jusqu’au bout de ses idées en s’engageant à la Légion étrangère. Cet appel lancé eut un grand succès : on rapporte que cinq jours après cet appel, dans la seule journée du 3 août, 8 000 étrangers se présentèrent dans les centres de recrutement !

On prête aussi parfois l’origine de la devise Legio Patria Nostra au sous-lieutenant Mader, qui pour tous reste l’adjudant-chef Mader, photographié au côté du lieutenant-colonel Rollet portant le drapeau du RMLE. D’origine allemande, ayant eu des déboires dans son armée, engagé à la Légion étrangère en 1908, combattant au Maroc, commandeur de la Légion d’honneur, médaillé militaire, cité neuf fois au cours de la 1re Guerre mondiale dont trois fois à l’ordre de l’armée, il perdit au combat son bras gauche en juillet 1918, et fut réformé. Retiré à Strasbourg comme gardien du Palais du Rhin, il traversera la triste période de la réoccupation de l’Alsace-Lorraine en se faisant passer pour sourd-muet. C’est le symbole même du légionnaire dont la fi délité à la patrie d’accueil l’emporte sur l’attachement à sa patrie d’origine. L’appartenance à la Patrie “Legio”, à cette nouvelle famille, n’oblige en aucun cas à la répudiation de la patrie d’origine, que la Légion étrangère respecte : le légionnaire est parfaitement libre de conserver sa nationalité, et la Légion demande son accord à tout légionnaire qui pourrait être envoyé combattre contre son pays d’origine.

Dans ce KB sont relatées les différentes participations de la Légion au 14 juillet. Aujourd’hui comme hier, le légionnaire reste “un volontaire servant la France avec honneur et fidélité”, et la Légion est sa Patrie. Deux des trois drapeaux des régiments ayant combattu pour la Libération étaient présents cette année sur les Champs-Elysées. Ce fut un grand honneur pour les légionnaires d’aujourd’hui de se rappeler ce qu’avait proclamé le général Pélissier, commandant supérieur de la Province d’Oran, en juin 1854 au 1er Régiment de la Légion étrangère qui partait pour la Guerre de Crimée après avoir construit Sidi Bel Abbès : “Rappelez-vous, en suivant le chemin de l’honneur, qu’il n’est pas de plus beau titre au monde que celui de Soldat français, et que ce noble drapeau qui flotte au milieu de vos baïonnettes est désormais votre Patrie”.


“Il a servi honnête et fidèle !”

Éditorial du COM.LE du Képi blanc N° 778

“Et le temps passera, ces hommes anonymes sous le képi blanc continueront de défiler et de se battre comme ils l’ont toujours fait, relevés par d’autres hommes au même képi blanc, ayant toujours dans les yeux le reflet de cette foi intérieure qui ennoblit la Légion”.

Par ces mots si profonds, le Maréchal Juin traduit le caractère intemporel de la Légion cité dans le 1er couplet du Boudin, “Au Tonkin, la Légion immortelle…”. Il associe au baroud, la gloire et le panache des défi lés des légionnaires, qui depuis toujours font vibrer les spectateurs. Mais surtout, il peint le regard du légionnaire. Regard qui reflète son âme, car comme le dit l’adage, “les yeux sont le miroir de l’âme”.

Qu’est-ce donc que cette foi intérieure du légionnaire qui ennoblit la Légion ?
Le dictionnaire Larousse défi nit la foi comme une “adhésion totale de l’homme à un idéal qui le dépasse, à une croyance religieuse”. Saint Jean Damascène parlait de “Consentement sans discussion”. En se rapprochant d’Aristote, Saint-Thomas d’Aquin, plus nuancé, associe foi et raison. Au cours des siècles, les philosophes ont longuement débattu sur ce rapport entre foi et raison, classant l’un par rapport à l’autre, niant l’un et/ou l’autre.

Sans entrer dans le débat philosophique pour savoir où placer le curseur, je dirais que la foi du légionnaire est bien là, mais elle n’est pas innée : on peut effectivement parler de foi, car l’adhésion du légionnaire à la famille Légion est totale, et que cette famille représente bien pour lui un idéal qui le dépasse. C’est ce qu’écrit le général Olié dans le testament de Camerone : “dans un monde et une époque de petite foi, ce legs donne la certitude grave, exaltante, durable, d’agir et de servir un idéal d’honneur et de fidélité qui nous dépasse”. Mais cette adhésion est le plus souvent progressive : pour certains, elle vient lorsque le jeune candidat à l’engagement passe “chez les rouges” après une sélection sévère. Pour d’autres, il faudra attendre la remise du képi blanc, la reconnaissance d’un chef, l’obtention d’un brevet ou de la fourragère, un défi personnel relevé, l’intégration totale au sein de la section, ou bien tout simplement du temps, cinq, dix, quinze années voire davantage, car le temps forge la raison et crée l’unité. Dans le livre d’or de la Légion, une personnalité écrivait d’ailleurs : “la France trouve ici son laboratoire d’humanité où scintillent les diversités du monde agrégées sur l’unité des cœurs”.

C’est en cette unité des cœurs que croit d’abord le légionnaire.

Pourquoi cette foi ennoblit-elle la Légion ?
Laissons répondre les légionnaires eux-mêmes. Lors de leur circuit de départ à la maison mère, avant de se recueillir dans la crypte du musée qui abrite la main en bois du capitaine Danjou et les drapeaux des régiments dissous, les partants s’entretiennent avec le général ou le colonel adjoint. Les mots de solidité, générosité, dévouement, courage, vérité, amitié, fierté, bonheur, esprit de corps, reconnaissance, et surtout richesse humaine et 2e chance, reviennent souvent. Les officiers servant à titre étranger et les sous-officiers les plus anciens écrivent avec leurs mots. Le livre d’or est un véritable recueil de leurs lettres de noblesse : “la Légion a fait de moi un homme / les légionnaires m’ont donné la fierté, les copains la joie de vivre, et les chefs, grâce à eux, je me suis élevé / Qui savait à ce moment-là (l’engagement) que la pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ? / Je remercie du fond du cœur la Légion étrangère pour avoir fait de moi ce que je suis : un homme comblé, serein, honnête et fidèle / La Légion est un monde juste où l’on est traité comme on le mérite, ni plus ni moins / La Légion ne change pas les hommes, elle les révèle à eux-mêmes".

Sans savoir sans doute ce qu’avait écrit le Maréchal Juin, l’un d’eux s’est exprimé comme un Maréchal : “J’ai vu plus d’étoiles dans les yeux des légionnaires qu’il n’y en a dans le ciel”.

Et le temps passera…
Revenons au début de la citation du Maréchal Juin. En cette période estivale marquée par les mutations et les départs, qui sont souvent sources d’inquiétudes provoquées par le saut vers l’inconnu, rappelons-nous ce qu’écrivait dans ses souvenirs le général du Barail, ministre de la guerre sous Mac Mahon : “Les corps dans l’armée ont une existence intellectuelle et morale, en quelque sorte indépendante des hommes qui la composent, et les mutations aussi nombreuses qu’on les suppose, sont impuissantes à modifier les traditions de leur berceau. Cela se conçoit du reste, puisque ces mutations sont individuelles et espacées, et puisque les nouveaux venus, fondus dans l’ensemble, prennent facilement le ton du Régiment dont le fond reste immuable”.

À ceux qui nous quittent, qui sont ou vont être mutés, j’exprime ma reconnaissance pour ce qu’ils ont apporté à leur régiment, à leurs chefs, à leurs camarades et aux légionnaires, en servant honnêtes et fidèles la Légion étrangère. N’ayez pas peur du saut dans l’inconnu, ou de la découverte d’une nouvelle affectation. Ces remises en cause sont nécessaires ; elles représentent un défi à relever : c’est la nouvelle mission à remplir, qui nous permet à tous de forger un avenir digne de notre passé.

Dans ce KB, un hommage particulier est rendu au général de corps d’armée Bouquin et au colonel Mercury qui ont fait leur adieu aux armes en juin. A ces deux officiers d’exception, je leur transmets une autre lettre de noblesse tirée du livre d’or “des Maréchaux” : “on ne quitte jamais ce que l’on aime !” Bon vent !


Dossier de presse 14 juillet 2015


Page 12 sur 21

Traduction

aa
 

Visiteurs

mod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_counter
mod_vvisit_counterAujourd'hui9356
mod_vvisit_counterHier12072
mod_vvisit_counterCette semaine38434
mod_vvisit_counterSemaine dernière18442
mod_vvisit_counterCe mois74548
mod_vvisit_counterMois dernier119907
mod_vvisit_counterDepuis le 11/11/0919933884

Qui est en ligne ?

Nous avons 5729 invités en ligne

Statistiques

Membres : 17
Contenu : 14344
Affiche le nombre de clics des articles : 42766303
You are here LEGION ETRANGERE COMLE Comle