Je veux les remercier de cette initiative d’offrir pour le 70e anniversaire de Bir Hakeim, une plaque commémorative à notre ville qui possède une rue rappelant ce haut fait d’armes. Je ne conterai pas ici l’histoire détaillée de cette bataille titanesque qui opposa 3723 Français Libres aux troupes de l’Afrika korps du général Rommel et de ses alliés italiens 15 fois plus nombreuses, les autres intervenants le feront bien mieux. Mais je tiens à parler du contexte de la pose de cette plaque.

Nous avons accepté avec plaisir d’organiser cette cérémonie, conscients de l’importance de la connaissance historique pour les jeunes générations. Nous avons voulu associer à cet hommage en plus de la Fondation de la France Libre, le Groupement de Recrutement de la Légion Etrangère qui est présent depuis sa création au fort de Nogent, situé en réalité à Fontenay. D’abord tout naturellement pour rappeler le rôle éminent de la Légion étrangère dans cette bataille avec les 1er et 2e bataillon de la 13ème demi-brigade commandés par le lieutenant-colonel prince d’origine géorgienne Dimitri Amilakvari. Et c’est aussi l’occasion de rappeler que la Légion est présente à Fontenay depuis 50 ans au fort et que des milliers d’étrangers sont passés par ses portes pour rejoindre l’armée. Je salue au passage la délégation des anciens de la Légion.

Enfin, nous avons voulu invité à cette cérémonie les associations du monde combattant toujours très dynamiques dans notre ville et maillon important dans la transmission de la mémoire et de l’histoire.

Cette rue a été dénommée Bir Hakeim suite à la décision du Conseil municipal du 19 juillet 1949. Le vote fut unanime et obtint les 31 voix des élus de l’époque à la fois du PCF et du RPF. Il s’agissait de baptiser je cite « la voie ouverte entre le boulevard du 25 août 1944 et la limite de Nogent » qui était alors « non encore dénommée ». Elle entendait rappeler ce fait d’armes de 1942.

1942, année terrible s’il en fut. C’était le temps où les forces de l’axe ont atteint leur domination la plus étendue sur tous les Fronts : en Europe où les nazis oppriment les peuples des Pyrénnées jusqu’à Stalingrad. En Asie et dans tout le pacifique où les Japonais assassinent à grande échelles depuis les Philippines jusqu’en Corée. En Afrique enfin avec une attaque concerté des troupes germano-italiennes contre les Britanniques obligés de se replier vers l’Egypte. En France Résistance nationale pas encore unifiée prend des coups terribles avec les arrestations, les déportations d’otages, et les fusillades. A Fontenay même, nos rues en gardent les noms, de nombreux résistants sont arrêtés : Gabriel Lacassagne est déporté à Auschwitz comme otage avec 1100 autres militants communistes, Edouard Maury, Georges Le Tiec et d’autres Francs Tireurs et Partisans sont arrêtés, torturés et emprisonnés. Des dizaines de juifs sont raflés avant d’être déportés et exterminés. Les temps sont durs et l’espoir d’un renversement de tendance encore bien utopique.

Dans ce contexte, la Bir Hakeim est une bataille première. Première pour la France libre d’abord. Certes, il y avait bien eu, me 1er février 1941 la prise de Koufra dans le désert libyen par les troupes du colonel Leclerc qui avaient ravi cet oasis aux troupes de Mussolini. Mais avec Bir Hakeim ont est à une autre échelle. Celle de tout le front d’Afrique du Nord où le débarquement allié n’a pas encore eu lieu. C’est le moment où les troupes d’Hitler et de Rommel ont des ambitions clairement affichées pour toute l’AFN et le proche orient. Et c’est là que s’affirme l’héroïsme de ces 3700 hommes qui combattent sous les drapeaux de France et le commandement du général Koenig. Il y a des Français comme le capitaine Mesmer mais aussi des bataillons d’Oubangui-Chari, des Nord Africains… Des troupes et un équipement hétéroclites qui vont tenir pendant 3 semaines face à un ennemi beaucoup, beaucoup plus nombreux. Brisant l’attaque italienne d’abord en détruisant de nombreux chars par l’utilisation inédite de canons transformés en redoutables armes à tir direct. Puis en contenant l’attaque des panzer divisions du général Rommel. Le bilan est étonnant : côté français on compte 140 tués, 230 blessés et 800 prisonniers. Du côté de l’Axe c’est plus de 3300 hommes mis hors de combat tués, blessés ou prisonniers. 51 chars, 50 avions et plus d’une centaine de véhicules sont détruits. Le 11 juin les troupes françaises rompent l’encerclement et rejoignent les troupes britanniques qui ont réussi en 3 semaines leur évacuation. Un succès qui donne à la France Libre et à ses troupes leurs lettres de noblesse.

J’insiste un peu sur le symbole des troupes de la légion du lieutenant-colonel Amilakvary. Elles comptaient pas moins de 300 républicains espagnols qui sauvèrent par leur action l’armée britannique. Ils avaient connu dans leur pays l’arrivée du franquisme soutenu par les troupes l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie… Ils savaient pourquoi ils combattaient. Bir Hakeim est un moment capital, le grain de sable dans la marche en avant de l’Afrika korps. Le début de la fin pour les Allemands en Afrique, un tournant qui mène à El Alamein puis à la victoire au même titre que la résistance soviétique à Stalingrad en 1942 qui conduit à la première capitulation nazie du 3 février 1943 et qui marque le tournant de la guerre en Europe.

Symbole fort de l’héroïsme donc dont le retentissement est considérable y compris dans la France occupée. Au moins deux maquis de France créés en 1942 portent le nom de cette victoire. Le maquis Bir Hakeim des Cévennes créé par l’armée secrète et un maquis des Charentes. Ce nom repris par les combattants de l’intérieur marque alors l’union de la France libre et des combattants en territoire occupé.

Bir Hakeim c’est aussi le symbole de la Légion, celui de l’intégration d’étrangers qui deviennent français par le sang versé, symbole fort, la France étant le seul pays du monde qui donne des armes à des non nationaux pour défendre ses couleurs. Symbole fort de continuité puisque dès août 1792 les révolutionnaires se présentent à la barre de l’Assemblée pour proposer « l’adoption de tous ceux qui dans les diverses contrées du monde, ont mûri la raison humaine et préparé les voies de la liberté. » C’est le sens même de cette troupe, c’est une des grandes leçons que nous laisse l’héroïsme de ces soldats qui sont devenus français au combat comme leurs compagnons de étrangers aussi de la Résistance intérieure.

Merci de votre attention.