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Légionnaire toujours...

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2015




La pièce de pierre la plus triste et émouvante du monde...

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samedi 27 avril 2013

 

Je n’ai jamais mis les pieds en suisse. Je n’aime pas assez le chocolat et je n’ai pas suffisamment de liquidités pour songer aller en mettre à gauche alors que j’en manque déjà au milieu ; mais j’aime bien la Suisse, va savoir pourquoi. A cause de sa tradition historique de neutralité politique et miliaire, succédant à sa fondation par le plus celte des peuples celtes, les Helvètes ; à cause de son image stéréotypée de lenteur ; à cause de son caractère multilingue ; à cause du choix d’avoir fait de ce territoire une Confédération (étymologiquement, un « serment devant dieu de compagnons de même rang ») plutôt que de proroger les liens de dépendance féodaux en vigueur sur tout le reste du continent ; à cause de la propension de ce pays à livrer des prix Nobel ; à cause de Guillaume Tell, de la viande des Grisons et du fromage à Raclette, du fait que le Tir y soit un sport national, à cause de Blaise Cendrars, de ses soldats mercenaires émérites… et de la sculpture du Lion de Lucerne.

Les mercenaires Suisses, ça ne date pas d’hier. A partir du XVème siècle, les voilà a sillonner l’Europe à la demande des plus grands chefs d’états, qui leur confient l’instruction de leurs troupes. Charles VIII crée le premier la Compagnie des Cents Suisses, première unité permanente au service d'un souverain étranger : bon, au départ, c’est plus par orgueil et goût de la démesure, cette compagnie étant davantage un corps de parade plutôt que militaire ; mais ça sonne le départ d’une tradition française suivant laquelle, à partir de là, le roi s’entourera de suisses pour assurer sa protection personnelle. C’est à la fois un moyen de s’assurer de l’incorruptibilité de la garde royale - son expatriation l’éloignant de possibles collusions politiques, personnelles ou morales aux possibles révoltes ou coups d’état – comme de compter sur un professionnalisme exemplaire, une fidélité sans faille, et enfin, une technicité militaire parmi les plus réputées du continent. On dit d’eux que les mercenaires suisses « ont la qualité des gens de guerre ». De fait, une sorte d’accord bilatéral unit la France à la Suisse sur ce mode simple : tandis que le petit pays fournit ses meilleurs soldats pour assurer la protection du Roi du grand, le grand assure de tout son pouvoir politique et militaire la sécurité globale du petit.

A la fin, Louis XIII créé définitivement le corps des « Gardes Suisses », mettant officiellement fin à la tradition du mercenariat. En temps de paix, la fonction principale de ce régiment est d'assurer la garde intérieure du palais, veillant jour et nuit sur la personne du roi, l'accompagnant dans tous ses déplacements. Dépositaires des Sceaux du Roi et gardiens des Joyaux de la Couronne de France, ils forment dès lors le deuxième corps permanent étranger, les Gardes du Corps incluant une compagnie écossaise depuis Charles VII (le roi de Jeanne d’Arc, qui entérinera ainsi « l’Auld Alliance » de 882 passée entre la cour d’Ecosse et Charles III). Les Gardes Suisses demeurent cependant un régiment d'infanterie qui combat en première ligne. Logé chez l'habitant, ce corps d'élite maintient une réputation de discipline et une régularité du service, en temps de paix comme à la guerre.

C’est avec Louis XIV que le régiment Suisse se met à prendre une véritable ampleur : à l’insu des cantons suisses, de nombreuses compagnies franches qui coûtent moins cher sont levées en masse jusqu’à la fin de son règne où le calme politique de la période, exempte de tout soulèvement armé d'importance, ne rend plus nécessaire le maintien d'une garde personnelle pléthorique n'ayant quasiment plus qu'un rôle cérémoniel.

Le XVIIIè siècle verra donc la fusion des Gardes Suisses avec les Gardes Françaises pour former une brigade en charge de la « garde extérieure ». À partir des années 1770, les Suisses sont même employés pour diverses travaux tels que l’assèchement des marais entourant Rochefort.
Lors de la révolution, alors que les Gardes Françaises prennent le parti du peuple et participent aux évènements révolutionnaires, la maison militaire du roi de France est supprimée… à l'exception des gardes suisses.

C’est ici que se joue le plus célèbre épisode de l'histoire de la Garde suisse, qui prend la défense du palais des Tuileries au cours de la journée du 10 août 1792 : ce jour-là, outre quelques aristocrates et quelques domestiques du palais mal armés et un certain nombre de membres de la Garde Nationale, le palais est protégé par 950 gardes suisses. Seule une compagnie de 300 hommes est restée dans sa caserne pour escorter un convoi de grains en Normandie, peu de jours auparavant. L’ironie de l’histoire veut que ces 950 hommes défendent cependant un palais vide, puisque le roi, qui avait été contraint de déménager de Versailles pour s’y réfugier avec sa famille en 1789, s’en est enfui en secret dès juin 1791 pour tenter de rejoindre Montmédy.

Ce fameux 10 août 1792, les révolutionnaires prennent donc d'assaut le palais. Des combats éclatent spontanément après que la famille royale ait été exfiltrée des Tuileries pour se réfugier avec l'Assemblée nationale législative.

Les gardes suisses, à court de munitions, sont débordés par des adversaires en nombre supérieur. Une note écrite par le roi, qui a été retrouvée, ordonnait cependant aux gardes suisses de se retirer et de retourner dans leurs casernes, mais ceci fut seulement pris en compte après que leur position fut devenue intenable.

Le corps principal des Gardes suisses bat en retraite à travers le palais et se retire à travers les jardins à l'arrière de l'édifice. À ce moment-là, ils sont dépassés en nombre, près de la fontaine centrale, morcelés en petits groupes et taillés en pièces. Les Gardes restés dans le Palais sont pourchassés et tués, de même qu'un certain nombre de domestiques et courtisans ne pouvant se mêler à la foule. Des 950 Gardes suisses présents aux Tuileries, environ 600 sont tués au combat, ou en tentant de se rendre aux attaquants. Environ 60 sont faits prisonniers à l'Hôtel de Ville et sont massacrés là-bas, d'autres meurent en prison des suites de leurs blessures ou sont tués durant les massacres de Septembre qui s'ensuivent.

Une centaine de Gardes aurait survécu ; l’un des officiers supérieurs est toutefois jugé, mais il est guillotiné en septembre avec son uniforme rouge. Deux officiers suisses survivent et par la suite parviennent à devenir des officiers supérieurs des armées napoléoniennes, tandis que quatre régiments d'infanterie suisse sont employés par Napoléon Ier, à la fois en Espagne et en Russie.

 

Sous la Restauration, les Bourbons font finalement à nouveau appel à des troupes suisses : deux des huit régiments d'infanterie inclus dans la Garde Royale de 1815 à 1830 sont formés et peuvent être considérés comme les successeurs des anciens Gardes suisses. Mais cette fois, lorsque le palais des Tuileries est envahi lors des Trois Glorieuses, les régiments suisses, craignant un autre massacre, ne seront pas utilisés.

L'initiative de créer un monument au titre de Mémorial de cette journée fatale du 10 août est prise par Karl Pfyffer von Altishofen, un officier des gardes qui se trouvait en congé à Lucerne à l'époque des événements. Il commence à recueillir de l'argent en 1818 et finit par engager le sculpteur danois Bertel Thorvaldsen pour donner corps à un projet : de courant néoclassique, ce formidable artiste se distingue de ses contemporains par une technique extrêmement réaliste basée sur l’exploitation rigoureuse des Canons de beautés antiques Grecs, avec des éléments de mise en avant de leurs caractéristiques principales - musculature puissante et développée, grande taille et droiture des corps - qui lui ont valu de s’illustrer en Italie durant seize années consécutives.

Thorvaldsen confiera finalement la taille de son projet de « lion » au sculpteur allemand Lukas Ahorn, qui en exécutera la taille monumentale - il mesure dix mètres de long sur six mètres de haut - entre 1820 et 1821, à même la roche de la falaise d'une ancienne carrière de grès près de Lucerne. Le « Lion de Lucerne » est né. Le monument porte une dédicace latine, Helvetiorum Fidei ac Virtuti (À la loyauté et à la bravoure des Suisses) : un lion mourant y est présenté empalé par une lance, couvrant un bouclier portant la fleur de lys de la monarchie française ; un autre bouclier à côté de lui porte les armoiries de la Suisse. Une inscription sous la sculpture répertorie enfin les noms des officiers et le nombre approximatif des soldats morts (DCCLX, soit 760) et survivants (CCCL, soit 350).
Les unités suisses seront définitivement supprimées le 11 août 1830 ; les derniers vétérans de ces régiments dissous intègreront la légion de Hohenlole, assignée à la Légion Etrangère qui sert alors, en 1832, en Algérie.

Lazare PONTICELLI, le dernier Garibaldien de 14 est décédé.

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LES GARIBALDIENS ugevre

13/03/2008

 

Lazare Ponticelli, le dernier « poilu » français est mort mercredi 12 mars 2008

 

Lazare Ponticelli, né Lazzaro Ponticelli le 7 décembre 1897 dans le hameau de Groppo Ducale à Bettola en Italie, était le dernier poilu de la guerre 1914-18. Il est décédé ce mercredi, le 12 mars 2008, au Kremlin-Bicêtre dans le Val-de-Marne en France.

Lazare Ponticelli était officiellement le dernier poilu français depuis le décès de Louis de Cazenave le 20 janvier 2008. Doyen des Français, il est aussi le neuvième homme de nationalité française à entrer dans la liste des supercentenaires. Il est décédé le 12 mars 2008 à l'age de 110 ans. C'est la présidence de la République qui a annoncé la mort du dernier poilu français.

Lazare Ponticelli est né à Bettola, petite ville du nord de l'Italie dans la région de Plaisance, dans une famille très pauvre de sept enfants qui vit à Cordani un village de montagne. Son père travaille sur les foires et est aussi à l'occasion menuisier et cordonnier. Sa mère cultive le petit lopin de terre familial et trois fois par an descend travailler comme journalière dans les rizières de la plaine du Pô. Sa mère part en France pour essayer de gagner plus d'argent alors que son fils Lazare n'a que deux ans. Son père et son frère aîné décèdent brutalement quelques temps après. Le reste de la famille décide alors de tenter aussi sa chance à Paris et laisse le petit Lazare chez des voisins.

L'enfant commence à travailler dès l'âge de six ans, capturant des volatiles et fabriquant des sabots. Il utilisera l'argent gagné pour prendre le train et se rendre à Paris en France. Ne sachant pas si ses économies seraient suffisantes pour acheter un billet Piacenza-Paris, il décida de courir derrière le train jusqu'à la frontière française, avec ses sabots sur l'épaule pour ne pas les abîmer. Il débarque Gare de Lyon, en 1906 à 9 ans, sans savoir ni lire, ni écrire, ni parler français.

En France, il reste trois jours et trois nuits dans la gare, jusqu'à ce qu'un chef de gare le remarque. Celui-ci tenta de l'interroger sur sa présence ici mais Lazare, ne connaissant pas le français, ne put que lui répéter le nom d'un bistrotier, point de passage des Italiens de son village travaillant à Paris et dont on lui avait parlé avant son départ. Par chance, le chef de gare reconnut le nom et le conduisit chez le cafetier dont la femme le prit sous son aile.

Il commença à travailler comme ramoneur à Nogent-sur-Marne, où résidait une importante communauté italienne (Les Ritals), puis devint crieur de journaux à Paris. Il garde d'ailleurs un souvenir vif du jour de la mort de Jean Jaurès le 31 juillet 1914, car, à cette occasion, les gens s'arrachèrent ses journaux place de la Bastille. Il travailla également comme coursier pour Pierre et Marie Curie.

Première Guerre mondiale

Dès le début de la Première Guerre mondiale, en trichant sur son âge, il s'engagea dans le premier régiment de marche de la Légion étrangère, de Sidi-Bel-Abbès, où il retrouva d'ailleurs l'un de ses frères, et fut envoyé sur le front à Soissons.

En mai 1915, il se trouve près de Verdun, lorsqu'il est démobilisé. En effet, avec l'entrée en guerre de l'Italie, il doit rejoindre l'armée italienne. Refusant de quitter l'uniforme français, c'est accompagné de deux gendarmes qu'il est amené à Turin. Il est enrôlé dans le 3e régiment de chasseurs alpins, les Alpini, et combat les Autrichiens dans le Tyrol.

Il connaît alors les fraternisations entre troupes autrichiennes et italiennes (beaucoup d'Alpini du Tyrol italien parlent l'allemand). Sa compagnie est alors sanctionnée par l'État-major et envoyée dans une zone de combats plus rude, à Monte Cucco, aujourd'hui en Slovénie. En charge d'une mitrailleuse, il sera blessé sérieusement à la joue par un éclat d'obus lors d'une sanglante offensive italienne contre les positions ennemies. Il est opéré sur place à vif et envoyé en convalescence à Naples. Il retourne au front en 1918 à Monte Grappa où il est confronté aux attaques au gaz, tuant des centaines de ses camarades :

« Des hommes, touchés par les gaz, gonflaient et mouraient par paquets. Ceux qui arrivaient derrière étaient obligés de leur marcher dessus. Les corps éclataient comme des ballons... »

C'est là qu'il apprend la signature de l'Armistice.

Démobilisé et de retour en France en 1920, il fonde avec ses deux frères, Céleste et Bonfils, une société de fumisterie (Ponticelli Frères), entreprise qui deviendra une petite multinationale dans le domaine de la construction et de la maintenance industrielle, principalement dans le pétrole et le nucléaire, employant plus de 3 500 personnes.

Seconde Guerre mondiale

En 1939, au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Lazare demande et obtient la nationalité française. Il s'engage au 3e bureau du département de la Seine. Mais jugé trop vieux pour le service actif, il est renvoyé à son entreprise où l'on estime que ses services seront plus profitables à l'effort de guerre. Il évacue cette dernière en zone sud non occupée par les Allemands. Lors de l'occupation de cette dernière en 1942, il retourne à Paris et s'engage dans la Résistance. Il prendra sa retraite en 1960.

Retraite et souvenirs

Comme beaucoup de poilus, Lazare Ponticelli n'a pas parlé de ce qu'il a vécu lors de la Première Guerre. Ce n'est que ces dernières années qu'il a accepté de témoigner dans des écoles et auprès de journalistes.

« Cette guerre, on ne savait pas pourquoi on la faisait. On se battait contre des gens comme nous... »

« On ne voulait pas faire la guerre, on nous l'a fait faire » en effet, toute désobéissance vous conduisait au mieux « De Verdun à Cayenne » au pire vous valait le peloton d'exécution.

Entre le 20 janvier 2008 et le 12 mars 2008, il a été le dernier poilu vivant, après la mort de Louis de Cazenave. Comme ce dernier, il avait manifesté son opposition à avoir des obsèques nationales[5]. En 2005, le Haut conseil de la mémoire combattante, présidé par le président de la République, avait décidé que seraient organisées des obsèques de portée nationale pour le dernier combattant de 14-18 et que celui-ci serait enterré au Panthéon. Lazare Ponticelli a déclaré « Je refuse ces obsèques nationales. Ce n'est pas juste d'attendre le dernier poilu. C'est un affront fait à tous les autres, morts sans avoir eu les honneurs qu'ils méritaient. On n'a rien fait pour eux. Ils se sont battus comme moi. Ils avaient droit à un geste de leur vivant... Même un petit geste aurait suffit ». Il estime que le travail de mémoire arrive trop tard. « On s'en est foutu un peu. Il a fallu que ce soit Chirac qui commence à bouger quand on n'était plus nombreux et qu'on était fatigués. ». Sa fille a indiqué que si elle pouvait accepter une cérémonie nationale simple dédiée aux morts de la Première Guerre mondiale, elle exige que son père soit enterré dans le caveau familial.

Le 11 novembre 2007, il assiste à ses dernières commémorations de l'Armistice dans sa ville du Kremlin-Bicêtre et le 16 décembre 2007, il est reçu à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration à Paris pour célébrer ses 110 ans.

Le 23 janvier 2008, Lazare Ponticelli, après le décès de Louis de Cazenave, a néanmoins accepté des obsèques nationales[6] mais à condition que celles-ci soient simples, dédiées à tous les morts de la Première Guerre mondiale. Cependant, il refuse le Panthéon et souhaite être enterré auprès des siens.

Bibliographie

* Nicolas Offenstadt, « Le pays à un héros : le dernier poilu », L'Histoire, n° 320, mai 2007, pp. 25-26.

* Philippe Guyot, Fabienne Mercier-Bernadet, Raymond Muelle et Clément Ragot, Hommage à Lazare Ponticelli, dernier légionnaire garibaldien de la Grande Guerre, Éditions Esprit du livre, coll. « Histoire & mémoires combattantes », Sceaux, 2007, 160 p. + 8 p. d'illustrations, (ISBN 978-2-915960-23-5).

Récit personnel

* Lazare Ponticelli, Ponticelli Frères : les premières années : trois frères, une entreprise, Le Kremlin-Bicêtre, Ville du Kremlin-Bicêtre, 2005, 177 p. + 12 p. d'illustrations, (ISBN 2-9525364-0-6).


La Légion Étrangère au Feu

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Nos Beaux Régiments

VIVE L'ITALIE C'EST À L'AIDE DE CETTE PANCARTE HISSÉE SUR LA TRANCHÉE QUE LES VOLONTAIRES ITALIENS - DE RUDE LÉGIONNAIRES -

ANNONCÈRENT AUX «BOCHES», IL Y A UN AN, QUE LEUR PATRIE VENAIT DE SE RANGER AUX CÔTÉS DE LA FRANCE

Elle a une magnifique tradition d'héroïsme, cette Légion étrangère qu'on est habitué à voir aux postes les plus périlleux et dont un des plus beaux titres à notre admiration est encore la haine qu'elle inspire aux Allemands. Une fois de plus elle devait être au danger et à l'honneur. Dès la déclaration de guerre, nombre d'étrangers amis de la France, voulant reconnaître l'hospitalité si généreuse de notre pays, ont tenu à prendre place dans l'armée française. Polonais, Italiens, Grecs, Hollandais, avec quel enthousiasme ils se battent pour nous! Ce sont de nouvelles et sublimes pages qui viennent s'ajouter à l'histoire de la glorieuse Légion!

C'est le soir du 31 juillet 1914. Les éditions successives des journaux annoncent la proclamation en Allemagne de l'état: de menace de guerre, l'insolent ultimatum lancé à la Russie. La guerre est inévitable. A l'appel d'un groupe de jeunes Italiens de Paris, près de 3 000 étrangers, Belges, Anglais, Italiens et Slaves, se réunissent dans un café du boulevard de Strasbourg. L'un après l'autre, Pascal Bonnetti, le fondateur d'une œuvre qui nous a valu dans l'univers entier des sympathies actives, « les Amitiés françaises », Campolonghi, du grand journal milanais le Secolo, Pacchi Luigi, jettent à ces 3 000 enthousiasmes, exaltés pour notre cause des paroles de flamme.
Puis c'est la ruée sur les boulevards, un cortège ardent déroulé dans un Paris brûlant de fièvre, une Marseillaise formidable chantée par nos frères d'âme et de cœur, criant à la grande ville, dont les fils déjà se ceignent les reins pour le suprême devoir: « Nous irons avec vous! » On passe devant les fenêtres d'un restaurant italien. Dix jeunes hommes s'y précipitent. On leur tend les drapeaux belges, serbes, roumains, anglais et russes qui pavoisent la maison aux jours de fête. Et la course reprend sous la claquement des étendards flottant dans le soir parisien.
A chaque pas le cortège s'enfle de tous les étrangers, amis de la France, qu'attire invinciblement l'appel de leur drapeau. A la statue de Strasbourg! Devant l'image sereine, qui depuis près d'un demi-siècle attend la minute glorieuse où elle quittera ses crêpes, c'est maintenant un grand silence, plus émouvant encore que les chants de tout à l'heure, un même éclair dans tous les yeux, un même serment muet de se dresser côte à côte avec nos soldats, quand l'heure de la justice sonne aux frontières de France.

Les Enrôlements Volontaires

Dès 9 heures du matin le lendemain, aux « Amitiés françaises », boulevard Haussmann, les enrôlements se succèdent de seconde en seconde. On signe dans tous les bureaux, dans l'antichambre, dans l'escalier, jusque sous la porte cochère. Le flot des volontaires arrive si formidable qu'il faut installer des tables dans la rue, sur le trottoir. Un appel aux armes est lancé au même moment en tête de tous nos journaux par les étrangers habitant Paris:« L'heure est grave. Point de paroles, mais des actes. Des étrangers qui ont appris à aimer la France et à la chérir comme une seconde patrie sentent le besoin impérieux de lui offrir leurs bras.... »
Ah! le magnifique écho qui s'éveille à ce beau cri! Pour accueillir toutes les héroïques volontés, les « Amitiés françaises » créent aussitôt trois permanences dans le IXe, le XIe et le XXe arrondissement. Partout les étrangers se groupent en comités, se forment en faisceaux. Rue de Richelieu, au 112, ce sont les Roumains. Près du boulevard Saint-Michel, rue Séguier, les étudiants arméniens de nos Facultés. Puis les Syriens au café du Globe; rue Cadet, à leur club, les membres de l'Association orientale de Paris. Boulevard des Capucines, à l'Impérial Club, 500 Anglais s'enrôlent en un après-midi et se mettent aussitôt à l'entraînement à Magic City. A la voix du franc-tireur épique de 1870, du héros de Dijon, Ricciotti Garibaldi,et de l'écrivain italien Raqueni, les Italiens accourent si nombreux, si enthousiastes qu'il faut aussitôt organiser pour eux dans tout Paris des bureaux d'enrôlement.
L'élan est tel que le gouvernement italien est obligé d'imposer la nécessité d'une autorisation en règle à chaque volontaire. Et le formidable mouvement ne s'arrête plus. Les Grecs,dès les premiers jours d'août, forment une compagnie qui deviendra bientôt un bataillon. Ils ont déjà leur drapeau brodé par les dames de la colonie grecque de Paris, la croix blanche sur fond bleu; au recto: « Légion des volontaires Hellènes »; au dos, nos couleurs françaises et, en chiffres d'or, les quatre grandes dates où les deux peuples ont mêlé leur sang pour la môme cause: 1821, 1897 et 1912, les trois efforts français lancés pour la défense de l'Attique, 1870, le souvenir des 500 Grecs dé l'Année terrible dont les fils sont aujourd'hui dans nos rangs. Et ce sont les Suisses, dès le 5 août, offrant leur talent de tireurs; le 13, les Luxembourgeois, brûlant du désir de venger leur pays envahi, leurs sœurs brutalisées, leurs pères contraints d'endosser la capote allemande. Tandis que les Hollandais s'inscrivent au place de la République, les Américains ont déjà formé l'« American Volunteer Corps » avec un bureau rue de Valois et un terrain d'exercices dans les jardins du Palais-Royal. Deux d'entre eux, deux frères, ont volé à nous du fond de la Californie, dépensant 6 000 francs pour leur voyage, et comme on leur demande pourquoi ils sont venus avec un tel empressement, ils ont ce mot superbe: « Le fondateur de notre famille a été soldat dans la guerre de l'Indépendance. Dans toutes les batailles il se trouvait aux côtés du général La Fayette! » « Moi, s'écrie un autre, M. Morlac, tombé depuis sur l'Aisne au champ d'honneur, je suis venu chercher le bras de mon père, blessé en 1870 par un éclat d'obus en se battant pour vous! »
Quant aux Slaves, leur flot est tel que le colonel Wladimir de Waldeck a dû transformer en bureaux d'état-major tout un hôtel de la rue de Clichy. Polonais, Russes, Croates, Slovènes, Serbes, Finnois, Monténégrins, en trois jours ils sont plus de 10 000. Et les Tchèques accourent aussi, et jusqu'à des Tatares musulmans ! A peu près tous les Slaves habitant Paris signent et s'engagent.
PENDANT HUIT MOIS LES GARIBALDIENS S’ÉTAIENT BATTUS COMME DES HÉROS, EN ARGONNE. L'ITALIE MOBILISANT, ILS FIRENT LEURS ADIEUX À LEURS CAMARADES
FRANÇAIS, ET DEPUIS QUATORZE MOIS, SUR LE CARSO, ILS VERSENT LEUR SANG POUR LE MÊME IDÉAL.
 
TOUTES LES RACES, TOUTES LES CLASSES SOCIALES, SEMBLENT S’ÊTRE GROUPÉES SOUS LE DRAPEAU DU 2e ÉTRANGER DE MARCHE, DONT ONT VOIT ICI LE CAMPEMENT.
UN MÊME AMOUR DE LA GLOIRE, UN MÊME GOUT NATUREL DE L’HÉROÏSME FONT DE CES HOMMES UNE REDOUTABLE PHALANGE A QUI UN CHEF PEUT DEMANDER TOUS LES SACRIFICES.

Tous les Ages, Toutes les Classes, Toutes les Nations!

Tous les âges aussi: des jeunes gens de dix-huit ans, des hommes de cinquante et plus. Et de tous les points de l'horizon social. Un Argentin, dès le jour de la déclaration de guerre, a fermé sa petite boutique dans un village de la Pampa; un Péruvienne même jour, a abandonné sa ferme de l'Amazone; des commerçants, des comptables, des ouvriers kabyles des usines à gaz et des raffineries de Seine-et- Oise, des mineurs polonais du nord de la France, des chanteurs russes, des boxeurs comme le champion nègre Bob Scanlon, Jack Monroë, l'Italien Taravella, clés coureurs cyclistes, le Luxembourgeois François Faber, le héros populaire du « Tour de France » mort aujourd'hui pour nous. Des jockeys, comme Alec Carter, mort lui aussi, tandis qu'un de ses camarades de turf, le célèbre américain O'Connor, volontaire des ambulances canadiennes, renvoie à l'Allemand Mumm, dont il a monté les chevaux, toutes les sommes qu'il a gagnées en course sous ses couleurs, avec ce mot cinglant: « Je méprise l'argent des Boches. Votre or me brûle les doigts. Qu'on m'en débarrasse! » Et, côte à côte, entre le terrassier piémontais et le tailleur tchèque, des artistes, quinze jeunes élèves peintres, sculpteurs et architectes de notre école des Beaux-Arts, Russes et Anglais, Serbes et Norvégiens, Péruviens et Suisses; des littérateurs: l'Argentin Binet Valmer, l'écrivain luxembourgeois Sosthène Kurth, le fils de Maxime Gorki, le Vénézuélien Camillo Ramirez, blessé en Artois et titulaire de la croix de guerre avec deux palmes, un poète colombien, Hernandez de Bengoecha, un autre encore, un Equatorien, Rodolfo Seminario, le romancier Sanchez Carrero, tous tombés pour nous en Artois et en Champagne, le poète Ismaïl Urdometa, tué aux Dardanelles en enlevant une tranchée turque à la baïonnette. A côté de l'ouvrier, des jeunes gens du monde, le fils de l'ambassadeur de Russie, M. Iswolsky, du corps expéditionnaire d'Orient, grièvement blessé le 2 mai et médaillé militaire; le frère du procureur royal à Bucarest, M. Vacareano, tué le 10 mai au combat de la Targette; un prince roumain, un descendant des fondateurs de l'empire d'Orient, l'arrière-petit-fils d'Isaac et d'Alexis Comnène, empereur de Trébizonde, le lieutenant Alexis Comnène qui s'est battu aux Dardanelles.

Le résultat fut tel que, malgré la sévérité du conseil de révision, le 21 août, aux Invalides, qui écarta plus de 20 pour 100 des volontaires qui s'offraient, il vint se ranger sous nos drapeaux plus de 500 Anglais, autant de Luxembourgeois, 600 Américains du Nord, 1 000 Espagnols, 1 500 Grecs et un nombre égal de Belges, 1 600 Tchèques, Galiciens .et originaires italiens du Trentin, 1 700 Polonais allemands et Danois du Slesvig, 2 000 Suisses, 3 500 Russes, 5 000 Italiens, 6 000 encore de nationalités diverses. Avec les 10 000 Alsaciens, sujets allemands, qui s'étaient joints à eux, c'étaient près de 35 000 hommes qui nous donnaient leurs bras: un corps d'armée. Quatre jours après, ils partirent tous, Paris se souvient avec quel enthousiasme, vers les six dépôts qui leur avaient été assignés, les uns à Blois et à Orléans, les autres à Rouen et à Bayonne, le reste à Lyon et à Avignon où les Garibaldiens établirent leur quartier général, et les deux régiments étrangers formés avec leur concours répartirent bientôt leurs gros effectifs en plusieurs régiments dits « de marche », avec un cadre d'officiers français et d'officiers étrangers. Ils ne demandaient qu'à se battre. Ils s'instruisirent avec une telle ardeur qu'un mois à peine après être arrivés au camp de Cercottes, près d'Orléans, les Suisses partaient sur le front.
L'ALLEMAGNE ATTAQUE LA FRANCE ! A CETTE NOUVELLE RAMON GUITTIERY  FRÉMI. IL FERME SA BOUTIQUE, QUITTE SON VILLAGE DE LA PAMPA ARGENTINE, S'EMBARQUE,
ET LE VOICI AU POSTE DE COMBAT QU'IL A TANT DÉSIRÉ, DANS UNE TRANCHÉE DES FLANDRES.

Les Légionnaires à Notre-Dame-de-Lorette.

Voilà vingt mois qu'ils partagent là-bas toutes les souffrances de nos soldats, tous leurs dangers, toute leur gloire aussi. Ils ont tenu héroïquement à honneur d'être de tous les grands coups de chien, et la France n’oubliera jamais quelle fut leur belle attitude à Notre-Dame-de-Lorette. C'était le 9 mai au matin. Il fallait enlever d'assaut aux Allemands la cote 140 avec ses formidables défenses, les fameux « Ouvrages blancs ». La veille du grand jour, un capitaine haranguant les bataillons étrangers leur avait crié, après la lecture de l'ordre du général: « Mes enfants, dans l'action qui se prépare, on nous donne une place d'honneur. Nous serons en première ligne; à nous de frapper le premier coup. Ceux qui tomberont, ne vous en occupez pas. Si je tombe moi-même, laissez-moi, avancez toujours sans vous occuper d'autre chose. » Une Marseillaise lui répondit, « telle, raconte un des héros de l'affaire, que de ma vie je n'en ai jamais entendu une pareille ». Puis l'hymne russe éclata grave et religieux, suivi des chants anglais et belges. Le canon scandait les paroles immortelles.
A la pointe du jour, le bombardement commence, les rafales sèches des 75, les tonnerres roulants des pièces lourdes et des gros mortiers. « L'artillerie fait merveille, s'écrie le colonel accourant du téléphone. Elle a fait de larges brèches dans les défenses accessoires. Tout va bien. Le temps est avec nous, il fait beau. Nous avons de la veine, mes amis! » A 9 h. 40, dix minutes d'arrêt dans l'infernal vacarme. Il reprend plus formidable encore pendant dix autres minutes. C'est l'heure de gloire. Le colonel en tête, la légion se lance en avant. La voilà en un instant au bout des boyaux de la première ligne. Nos tirailleurs et nos zouaves bondissent à leur tour avec les légionnaires. « Fal Thya França! » hurlent les noirs. « Vive la France! » répondent les légionnaires. Debout, la tête haute sous la mitraille, le colonel a jeté l'appel suprême. Ils escaladent le parapet. La course commence. La vague s'est élancée. Sous la pluie des balles qui cinglent l'air, dans l'enfer des obus que crachent les pièces allemandes, toutes les baïonnettes luisent au soleil de mai, pointées vers l'ennemi. C'est une immense ligne, ardente et rapide, qui file en avant, toujours en avant, une ligne de bravoure et de fer que rien ne brise, que rien n'arrête.
AVANT LA GUERRE PABLO IRRAGUERÉRO ÉTAIT CHAMPION DE PELOTE BASQUE. CE SPORT A DONNE A SON
COUP D’ŒIL UNE TELLE INFAILLIBILITÉ, A SON BRAS UNE TELLE SÛRETÉ, QU'IL EST AUJOURD'HUI LE LANCEUR
DE GRENADES LE PLUS FAMEUX DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE.
 
Il est à peine 11 heures! La route d'Arras à Béthune est occupée. De chaque côté un bataillon s'y retranche. Puis un second bond vers le but suprême et la course reprend, irrésistible, et farouche. Dans sa forteresse, qu'il croyait inexpugnable et qu'il sent menacée, l'Allemand a perdu sa morgue. Il fait feu de toutes ses pièces, il arrose la piste glorieuse, où courent nos braves, d'une formidable mitraille. Revolver au poing, le colonel tombe en tête de ses hommes. C'est un chef adoré. Une poignée de volontaires étrangers se penchent en pleurant sur l'officier français, pansent avec une tendresse de fils sa plaie béante, le mettent à l'abri dans l'entonnoir profond d'un obus. Mais lui, avec un pâle sourire, l'orgueil sur sa face exsangue, leur montre du doigt l'horizon qui s'enflamme sous l'explosion d'un dépôt de munitions allemand, un village qui brûle, Neuville-Saint-Vaast à droite, où on se bat avec fureur, la cote 140 qui tremble sous le feu français.... Les retardataires ont rejoint, les larmes aux yeux, la vague des assaillants. Légionnaires, tirailleurs, zouaves, tous mêlés dans un magnifique désordre, projetés en avant par la bravoure, insensibles aux pertes, à la mort qui fauche, ils bondissent maintenant, la rage au cœur, la vengeance aux yeux. La trombe surhumaine aborde les talus des « Ouvrages blancs ». Une clameur énorme, un immense hurlement de joie guerrière, des héros qui tombent, se relèvent, se ruent encore, des héros qui meurent, la lueur de rubis des baïonnettes ensanglantées, des mitrailleurs boches cloués au sol d'un coup de pointe, des mains qui se crispent sur des gorges qui n'ont pas eu le temps de crier : Kamerade! L'Allemand fuit comme un lièvre. La cote 140 est enlevée.

Les Héros Polonais. La Magie d'une Vieille Chanson.

Comment faire à chacun sa part dans cet immense concours d'héroïsme? La légion polonaise, depuis son arrivée dans le nord de la France, n'a pas cessé un seul jour d'être à l'honneur. Pendant un des premiers combats, elle a vu, dans un splendide assaut, tomber à sa tête Ladislas de Szuynski, le fils du célèbre historien polonais, mort en brandissant le drapeau, cravaté aux couleurs tricolores, avec l'aigle de Pologne prenant son essor, qu'elle avait emporté sur le front en quittant son centre d'instruction de Bayonne. Elle a été sans trêve une féconde pépinière de braves et l'âme slave s'y est exaltée en folles prouesses, en sacrifices splendides.
Parmi tous ses morts glorieux, la Pologne n'oubliera jamais le nom du capitaine Yeské. C'était un magnifique géant slave, très fort et très bon. En novembre 1914, il avait reçu à Poperinghe la croix de la Légion d'honneur. Un jour, à Saint-Eloi près d'Arras, ses hommes s’enlisaient dans la boue, s'enfonçaient jusqu'à la poitrine, jusqu'au menton, disparaissaient. La mitraille faisait rage, rendait le sauvetage terriblement difficile. Mais quelle difficulté pouvait arrêter le capitaine Yeské? Arc- bouté contre la paroi de la tranchée, bravant les obus qui éclataient au-dessus de lui, un à un il repêchait ses hommes, les enlevait à bout de bras. Il ne perdit pas un soldat.
Et ce volontaire, polonais lui aussi, héros anonyme dont l'histoire, impuissante à couronner tant de fronts, ne nous a pas encore dit le nom! Son arme à lui, c'était une chanson. Oui, en chantant, il a fait à lui seul plus de vides dans les troupes allemandes opposées à sa tranchée que tous les camarades réunis de sa compagnie. Il trouvait toujours le moyen de savoir si les lignes boches comptaient des Polonais. Une fois sûr de son affaire, dès la nuit venue, il partait avec un sourire mystérieux. Rampant sur le ventre, s'avançant sur les coudes, il se glissait jusqu'au bord de la tranchée allemande, puis dans l'ombre il murmurait doucement une vieille chanson de Pologne, câline et rêveuse. Surpris, les Polonais allemands levaient la tête, découvraient dans la nuit le chanteur audacieux, se laissaient bercer un instant, oublieux des horreurs de la guerre, au vieil air du pays. On causait, la chanson finie, de la Pologne, de la Prusse qui la tient sous sa botte. « Un Polonais, jetait le volontaire, ne doit pas combattre la France, qui combat pour la Pologne. » Une deuxième chanson achevait l'enchantement, et chaque fois il revenait avec un cortège persuadé!

NOMBREUX SONT LES ENFANTS DU PAYS DES DOLLARS QUI SE SONT SOUVENUS QUE LA FRANCE AVAIT JADIS COMBATTU POUR LA LIBERTÉ DE L'AMÉRIQUE.
ON VOIT ICI L'UN DES PREMIER GROUPES DE SES VAILLANT,  ARRIVÉS À PARIS DÈS LES PREMIÈRES SEMAINES DE LA GUERRE

Dans la Foret Tragique.

Là-bas, plus à l'est, au centre de la ligne de feu qui court de la mer à Belfort, la légion italienne a trouvé le plus tragique théâtre de guerre que la nature ait jamais créé. Ici la terre s'est plissée, s'est froncée, s'est crevée en soulèvements tumultueux et brusques.
L'Argonne sombre et dramatique, le bois de la Grurie, le bois de la Chalade, les Islettes, cadre millénaire de batailles, formidable champ clos!
C'est là qu'en décembre 1914 les Garibaldiens attendaient impatiemment l'ordre d'attaquer la ligne allemande. Ils brûlaient du désir de montrer aux six fils de Garibaldi, à Ricciotti, à Santo, à Constante, à Ezio, à Bruno, à leur aîné enfin, à leur chef, le lieutenant-colonel Giuseppe Garibaldi, que le sang latin n'avait pas dégénéré.
« Passionnés, ardents, indisciplinés, tumultueux, généreux, héroïques, dit le correspondant du Corriere della Sera, M. Luigi Barzini qui les a vus à l'œuvre, ce sont des spécialistes de l'assaut, de la mitraille humaine, des baïonnettes. A la défense ils préfèrent l'attaque. C'est la pointe de la tarière qui tourne et creuse. La tranchée les exaspère. Pour eux la bataille, c'est la bataille, une course, un cri, un heurt. La tradition les a ainsi façonnés. Ils méprisent la guerre de mines des adversaires. C'est de la guerre allemande. C'est une phalange guerrière stupéfaite de rencontrer des mathématiques sur le champ de bataille. C'est si simple pourtant de mourir pour vaincre! Il suffit d'un cri pour les mettre tous d'accord: « Les enfants, on marche: en avant et vive l'Italie! »
Ce cri-là retentit enfin le matin du 26 décembre. Il fallait chasser les Allemands d'une hauteur boisée, le plateau de Bolante, d'où leurs feux dominaient nos positions.

Deux Fils de Garibaldi Meurent Pour la France.

Le clairon Galli sonne une charge furieuse. Sans attendre les ordres, les réserves elles-mêmes se jettent à l'assaut. La poussée est si puissante que les Allemands abandonnent leur première tranchée. Un ouragan de feu part de leur seconde ligne, Qu'importe! Les Garibaldiens se précipitent, irrésistibles. Le capitaine Bruno Garibaldi est blessé grièvement à l'épaule. On l'entraîne à l'ambulance: il feint d'accepter un pansement; on le laisse seul une seconde: il s'échappe. Le fusil au poing, comme un soldat, il court rejoindre sa compagnie. Une rafale de mitrailleuses. Une balle qui entre dans le côté gauche et sort sous l'aisselle droite. Cette fois, c'est la mort. Il l'attend, appuyé au tronc d'un arbre. Un de ses hommes veut le secourir. Il le repousse doucement, une dernière flamme aux yeux: « Toujours en avant! C'est la consigne. » Un autre Garibaldien, Casali, accourt.» « En avant, répète Bruno, en avant! » .Ses genoux fléchissent. Il tombe en murmurant: « J'envoie un baiser à mon père, à ma mère, à tous mes frères! » Son suprême regard a vu céder à son tour la seconde ligne allemande et la troisième encore. Les pertes de l'ennemi dans cet assaut furibond étaient considérables; les cadavres boches avaient comblé les tranchées. Par malheur, ayant engagé trop tôt leurs réserves, les Garibaldiens ne recueillirent pas ce jour-là, tout le fruit de leur admirable vaillance. Devant des renforts allemands hérissés de mitrailleuses, ils durent se replier sur les lignes françaises. Ce même jour tombait encore pour nous, presque à la même place, un deuxième frère de Peppino, Constante Garibaldi.
BRAVES COMME PONIATOWSZKI, CES QUATRE POLONAIS ONT PRIS PART A TOUTES LES GRANDES BATAILLES DE LA GUERRE ET A MAINTS COMBATS SANGLANTS. LE COLONEL DE LA LÉGION LES A AUTORISES A VIVRE
ENSEMBLE, COMME QUATRE FRÈRES, DANS LE MÊME ABRI. RIEN NE POUVAIT LES RENDRE PLUS HEUREUX.

La Vengeance des Garibaldiens.

Le 5 janvier, les deux héros furent vengés. Ce jour-là, ce fut la revanche. C'était toujours la hauteur de Bolante qu'il fallait conquérir. Les Français avaient miné sous un secteur la première tranchée boche. De leur côté les Allemands avaient miné la tranchée française. Il n'y avait plus de temps à perdre. Il fallait faire sauter l'ennemi ou sauter en l'air. La mine française n'était pas encore tout à fait arrivée sous la position allemande distante d'une dizaine de mètres. Mais n'importe! On augmenta la charge de dynamite. 2 800 kilos de poudre furent placés dans huit fourneaux. Les Garibaldiens devaient donner l'assaut au moment de l'explosion. Ce fut le spectacle d'un cataclysme.
60 canons vomirent 18 000 obus. L'assaut se livra dans un enfer de mugissements, de sifflements et de tonnerres, sur un sol soulevé et vacillant, au milieu d'un désordre universel. Dans le fracas diabolique de la forêt en convulsion et en éruption, les Garibaldiens s'élancèrent. Quelques instants, la suffocation les paralysa. L'air de la forêt qui flambait était irrespirable. L'hésitation ne dura pas. La course reprit dans les ondes de l'incendie et enleva en trois bonds les trois tranchées allemandes. Une contre-attaque impétueuse se déclancha, venant de Varennes. Sous le choc des lourdes masses survenantes les Garibaldiens oscillèrent: ils glissèrent sur la pente conquise, cherchant un appui, un point d'arrêt. En avant pour l'honneur de l'Italie! Et ils se lancèrent sur les troupes allemandes, les ébranlèrent à leur tour, les culbutèrent. Ils s'arrachaient les prisonniers avec un orgueil de chasseurs se disputant une bête. « C'est à moi. - C'est le mien! » Et pour se mettre d'accord, tous criaient sans façon à Garibaldi: « Colonel, ils sont tous à vous! »
Trois jours plus tard, le 8 janvier, après un repos de quarante-huit heures dans les bois de la Sapinière, ils ajoutent une nouvelle page héroïque à leur histoire désormais glorieuse. Une brigade allemande formée de deux régiments bavarois, renforcée d'un bataillon de chasseurs et soutenue par des mitrailleuses, cherche à encercler un régiment d'infanterie française. D'urgence, les Garibaldiens sont rappelés. Le major Lango arrive le premier avec un bataillon. A la baïonnette! Le combat dure toute la nuit à l'arme blanche. A l'aube, les Italiens sont épuisés. Ils se sont mis en route le 7, ils ont marché toute la nuit, ils se sont battus sans arrêt depuis vingt-quatre heures, ils n'ont rien mangé depuis deux jours. « Mes hommes n'en peuvent plus, fait dire Longo au colonel. Ils sont depuis trente-six heures sans repos ni nourriture. » La réponse arrive aussitôt impérieuse: « Résistez à tout prix! » Ils résistent si bien que, des renforts aidant, ils forcent les Allemands rentrer dans leurs positions de départ et à s'y terrer à nouveau.
Les trois journées de l'Argonne, où ils avaient perdu 800 hommes, valaient aux Garibaldiens, avec onze croix et quatre médailles militaires, l'hommage du généralissime Joffre les assurant de l'« honneur qu'il éprouvait à les avoir sous ses ordres ».

La Fierté de Porter l'Uniforme Français.

Les journaux allemands, qui n'en sont pas à une contre-vérité près, ont annoncé à leurs lecteurs que notre Légion étrangère n'existe plus. Comment se fait-il, alors, qu'il y a quelques semaines le délégué du grand état-major russe près du grand quartier général des armées françaises, le général Gilinsky, ait passé en revue sur le front les régiments héroïques qui se sont couverts de gloire sur notre sol? Les volontaires étrangers ont supporté leurs pertes sans fléchir. S'il veut comprendre la force de notre cause, que l'Allemand médite ce bout de billet adressé des tranchées françaises à un ami par deux jeunes Américains, étudiants à l'Université Harvard: « Nous sommes sur le front depuis le 28 octobre 1914, et nous n'avons qu'un regret, c'est que les règlements nous défendent de combattre dans un régiment de France coude à coude avec de jeunes Français. Ce n'est pas pour nous une petite fierté de pouvoir porter l'uniforme français de mettre dans les tranchées de première ligne nos poitrines entre l'envahisseur et le beau pays qu'est la France. Et cet autre, un jeune Espagnol blessé en Artois en mai, écrivant à sa mère: « Je suis blessé à la main. C'est une belle blessure et nous avons eu une belle victoire. Le général Joffre a cité notre division à l'ordre du jour. Si tu avais vu sa joie et la nôtre! Tu sais, maman, il m'aurait dans la vie manqué quelque chose si je n'avais pas été là. » Quand l'Allemagne a bondi pour sa sauvage agression, qui donc, à travers la vaste terre, a senti que « il lui manquerait quelque chose » s'il ne se rangeait pas à ses côtés? Quelle âme libre a vibré pour elle? Où sont les volontaires qui ont considéré comme un honneur de mourir dans l'uniforme de ses soldats?
LA SECTION GRECQUE QUE COMMANDE M. VALSAMACHI, DES HÉROS QU’HOMÈRE EUT CHANTE.

Un besoin de France

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Posté le lundi 19 janvier 2015

Par le Général(2S) Gilbert ROBINET, Secrétaire général de l’ASAF.

            Dès le soir de la mémorable journée du dimanche 11 janvier 2015, j’ai cherché une formule, la plus lapidaire possible, capable de résumer le sentiment que j’avais ressenti l’après-midi même, alors que je me trouvais au milieu de deux millions de mes concitoyens au cœur de Paris.

            Je savais bien que le « Je suis Charlie » n’était qu’un slogan, un énième avatar du « Ich bin ein Berliner » prononcé, à Berlin, par J.F. Kennedy, le 26 juin 1963, ou encore du « Nous sommes tous des Juifs allemands » scandé sur les barricades de mai 1968, à Paris, par solidarité envers Cohen-Bendit expulsé de France, le 21 du même mois. En outre, j’avais vu, tout autour de moi, des pancartes affirmant « Je suis juif » ou encore « Je suis flic ». Bref, il s’agissait, selon moi, d’autre chose de plus englobant et qui surpassait chacune de ces affirmations catégorielles. Pour ma part, si j’avais brandi une pancarte, on y aurait lu « Je suis français » et je ressentais confusément que c’était dans cette voie là que je devais chercher.

            Et puis, deux jours plus tard, le miracle s’est accompli. Au milieu de la gangue constituée par la logorrhée qui se déversait sur les ondes et que rien ne semblait pouvoir endiguer, j’ai découvert la pépite dans la bouche d’Yves Thréard, directeur adjoint de la rédaction du quotidien Le Figaro, lorsqu’il a dit : « Moi, ce que j’ai ressenti, c’est un besoin de France ». Merci, monsieur Thréard d’avoir donné la juste réponse à la question qui me taraudait l’esprit.

            En effet, pourquoi les Français étaient-ils venus si nombreux envahir de leurs masses compactes les principales artères de l’est parisien et de nombreuses villes de Province ? Lorsque, en 2012, l’assassin Mohamed Merah frappa deux « cibles » identiques à celles concernées par cette « marche républicaine », à savoir des personnes de confession juive, déjà, et des militaires, c'est-à-dire  l’équivalent des policiers tués à Paris, car, comme eux, représentant les fonctions régaliennes de l’Etat, nul rassemblement de ce type n’avait été constaté. Les policiers qui avaient abattu le forcené, à Toulouse, dans les mêmes conditions que leur collègues à Dammartin ou Porte de Vincennes (où certains d’entre eux se trouvaient peut-être une nouvelle fois) n’avaient pas entraîné ces vagues d’ovations adressées à la police tout entière entendues à Paris et en Province en 2015.

            Qu’y avait-il donc en plus ? Il y avait, outre la multiplicité des auteurs des crimes commis, trois au lieu d’un, une nouvelle cible : un journal. Qu’importe d’ailleurs la nature de ce journal qui, ne nous y trompons pas, sous ses aspects anarcho-satiriques, est éminemment politique dès lors qu’il affiche des positions on ne peut plus tranchées sur différents aspects de la vie de la cité. Cette cité, les barbares en ont franchi les remparts pour s’attaquer à la liberté de la presse qui, en France, n’est pas dissociable de la liberté tout court. Les Français ont alors compris que leur pays était attaqué au cœur. Ils se sont soulevés pour affirmer leur volonté de faire barrage à l’ennemi en même temps qu’ils ont lancé un appel à leurs gouvernants : « Nous savons maintenant que nous sommes en guerre. Dites-nous très exactement qui est notre ennemi et donnez-nous les moyens de le combattre et de le vaincre ».

            Monsieur le président de la République, vous qui vous obstinez à ne pas qualifier d’islamistes ceux que vous vous contentez de nommer terroristes, ce à quoi vous avez assisté, ce dimanche 11 janvier, c’est à une insurrection. Au cœur des quatre millions de citoyens qui ont marché, ce jour là, dans toute la France, accompagnés de  beaucoup de drapeaux tricolores, ont jailli spontanément des Marseillaise entonnées majoritairement par de jeunes poitrines. Ces citoyens ont,  comme en 1792, décrété la patrie en danger. Ils exigent que l’on ne se cache plus derrière les mots (ou l’absence de mots) et comprennent que l’on ne peut plus, pour assurer notre sécurité, se reposer sur les seuls juges.

            Imaginerait-on un chef militaire commander à ses hommes « A l’assaut ! » sans leur avoir préalablement désigné leur ennemi ? Or, si d’aucuns s’interrogeaient encore sur le bien-fondé de la présence de nos soldats au Sahel ou en Irak, ils connaissent aujourd’hui la réponse. Depuis les attentats du RER, à Paris, en 1995, soit depuis 20 ans, notre pays est régulièrement attaqué. C’est  donc en situation de légitime défense que nous luttons contre notre ennemi en deux échelons, comme disent les militaires, c'est-à-dire à l’avant, pour l’éradiquer dans ses sanctuaires africains ou moyen-orientaux et, maintenant, en deuxième ligne, sur le territoire national. C’est le même combat et c’est d’ailleurs pratiquement le même effectif qui est engagé sur chacun de ces deux fronts alors même que l’on n’a pas cessé, depuis huit ans maintenant, de réduire le format des armées devenu aujourd’hui notoirement insuffisant.

            Une semaine après les événements tragiques survenus chez-nous, nos amis belges et allemands intervenaient en urgence pour enrayer des attentas imminents. En Belgique, des ennemis, les mêmes que les nôtres, ceux qui ont déclaré la guerre à l’Occident tout entier, luttaient les armes à la main contre les forces de police jusqu’au sacrifice de leur vie qui, pour eux, n’a pas plus d’importance que celle de leurs victimes. Il reste donc à espérer désormais que nos voisins européens deviennent de véritables alliés et s’engagent à nos côtés sur les théâtres extérieurs pour un combat commun. Le temps presse. Ceux qui partent aujourd’hui en Syrie ou ailleurs pour y faire le djihad ne sont pas tous  les fruits de la misère sociale comme on veut nous le faire croire. Des ingénieurs, des avocats rejoignent les sanctuaires djihadistes pour  s’y  « former » puis reviennent dans leur pays d’origine afin d’endoctriner  les plus  jeunes. A ce rythme, ce n’est pas dans 200 écoles que des enfants de douze ans trouveront normal, demain, que des caricaturistes de Mahomet soient assassinés, mais il sera peut-être difficile de trouver 200 écoles où de tels propos ne seront pas tenus.

            Ecoutons la voix d’un homme que l’on ne peut accuser d’être un boutefeu ou un va-t-en guerre. Il s’agit de monseigneur Luc Ravel, évêque aux armées, qui, à propos des attentats, s’est exprimé ainsi, dans une homélie, à Saint-Louis des Invalides : «  Derrière les différences de lieux et de cibles, les tueurs se réclament du même label. Il s’agit du même combat. Rien ne nous empêche de nommer ce combat : c’est une guerre (…). Cette guerre cherche à s’emparer d’un peuple tout entier par la force et par la peur (…). C’est bien la nation qu’on cherche à détruire ».

            Les Français ont besoin de retrouver leur pays qu’ils sentaient, depuis de trop longues années, partir à la dérive comme un navire désemparé. Ils ont confiance en leur police et en leur armée car ils savent qu’on y trouve des hommes et des femmes prêts à sacrifier leur vie pour assurer leur sécurité. Ils n’ont pas peur des terroristes, mais ils ont peur de la faiblesse de leurs gouvernants. Le 11 janvier 2015, le peuple français s’est montré grand. Il s’est repris à espérer et sa déception serait terrible.

Gilbert ROBINET


La bataille de Camerone, 30 avril 1863

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by  • 23 avril 2013

La bataille de Camerone

Le 30 avril 1863, pendant la campagne du Mexique lancée par Napoléon III, un détachement de la Légion étrangère aux ordres du capitaine Jean Danjou, 35 ans, se porte au devant d’un convoi venant de Veracruz et transportant de l’argent et des armes pour les Français. Sa mission est de le protéger des attaques des Mexicains. Attaqué à Palo Verde, le 30 avril à sept heures du matin, le détachement de soixante-deux hommes se réfugie dans la cour de l’auberge de Camerone qui comporte une cour entourée de murs de trois mètres de haut. Danjou décide de fixer là les Mexicains le plus longtemps possible afin que le convoi ne soit pas attaqué. La chaleur est écrasante. Leurs mules s’étant échappées aux premiers coups de feu, les légionnaires n’ont plus ni eau ni vivres. Un officier mexicain, le colonel Milan, considérant la disproportion des forces en présence – les Mexicains alignent environ 600 cavaliers et 1400 fantassins ! – propose à Danjou de se rendre. La réponse ne se fait pas attendre. L’attaque commence à dix heures du matin.

À midi, Danjou est tué d’une balle en pleine poitrine. À deux heures, le sous-lieutenant Vilain tombe à son tour. Les Mexicains mettent le feu à l’auberge. Les légionnaires tiennent bon. À cinq heures, le sous-lieutenant Maudet résiste encore avec douze hommes ! Une heure plus tard, l’assaut final est donné. Il ne reste que cinq hommes retranchés au fond de la cour, baïonnette au canon, et qui déchargent leur arme dès que les Mexicains investissent la cour. Maudet et deux légionnaires tombent. Il ne reste que le caporal Maine et deux autres soldats qui résistent encore. Le colonel mexicain leur demande de se rendre. Ils n’acceptent de le faire qu’à la condition de conserver leurs armes. L’officier leur répond alors : « On ne refuse rien à des hommes comme vous ! »

Les soixante-deux hommes de Danjou ont résisté pendant onze heures aux deux mille combattants mexicains qui vont compter dans leurs rangs six cents tués ou blessés. Chaque année, le 30 avril, au Mexique, à Camerone de Tejapa, dans l’État de Veracruz, on peut voir deux détachements de militaires, l’un mexicain, l’autre français, unis, qui rendent hommage aux
héros de Camerone.

Cette résistance héroïque fonde l’esprit d’honneur et de sacrifice de la Légion étrangère.


Les deux derniers chapitres et l’épilogue du roman « Camarón« , publié aux éditions du Cherche midi en 2008 :

 

XXVII

 

 

 

–       Colonel Milan, nous n’avons plus de paille, plus de fumée, et ils tirent toujours !

–       Colonel Cambas nous étions mille contre soixante-cinq ce matin à neuf heures, nous étions trois mille contre cinquante à midi, et plus de quatre mille à deux heures contre trente, contre vingt tout à l’heure ! Il est cinq heures, combien en reste-t-il ?…

–       Douze, colonel, ils sont douze…

–       Colonel Cambas, quittons le terre-plein d’observation, il faut en finir, allons-y, lieutenant Lainé, venez aussi… Campos, je vous confie la fin de l’affaire… Je vous demande d’éviter…

–       C’était mon intention, colonel Milan, je vais sauver ce qui l’être…

Devant les grands portails de l’hacienda des corps allongés, comme saisis brusquement par un désir de sieste qui n’en finit pas, d’autres figés dans des postures curieuses… De l’un on dirait qu’il compte des fourmis, à quatre pattes, le nez dans la poussière. De l’autre, couché en chien de fusil, on pense qu’il console et cajole quelque petit animal effrayé par la tuerie. Et d’un troisième enfin, on se dit qu’il voit dans l’azur pur se dessiner Notre-Dame de Guadalupe, tant sur le dos, et les bras en accueil, comme un diseur d’homélies, son œil s’est fixé dans une fascination sans fin.

Sur la route, à l’abri des tirs, on a disposé les blessés en deux rangées, ceux qui expirent d’un côté, au bout de leur sang ou le front emporté, la mâchoire pendante, et ceux qui peuvent espérer se mettre debout dans les heures ou les jours qui viennent. Des uns aux autres, un homme va et vient, en bras de chemise et pantalon de toile fine, grise à liseré rouge, des instruments de chirurgie dans une main, de la charpie dans l’autre. Il coupe, colmate, garrotte, entaille, extrait, console et calme, ouvre des plaies, termine des phrases, ferme des yeux. La quarantaine élancée, il est arrivé à midi sur le champ de bataille, précédé par le chef des tambours, Pablo Ochoa, qui va mourir. Il conduisait le bataillon de Cordoba.

–       Commandant Franciso… Talavera… commandant Talavera… vous direz à ma femme…

–       Je lui dirai, Pablo, je lui dirai, ne t’inquiète pas, tout va bien aller…

–       Je meurs, commandant, je meurs…Mon tambour…

–       Je m’en occuperai, Pablo, je l’emporterai à ta femme, et je dirai à tes enfants que leur père est mort en héros… ne t’inquiète pas, Pablo…

Le commandant Francisco Talavera a fait ses études de médecine à Mexico, terminant son parcours par l’école militaire de Chapultepec. Depuis deux heures, remplissant son rôle de soldat, il a lancé plusieurs charges vers les portails de l’hacienda. Maintenant c’est l’homme des corps et des âmes en détresse qui s’est mis à la tâche.

–       Commandant Talavera…

–       Colonel Milan ?

–       Nous allons lancer l’attaque ultime avec le colonel Cambas…

–       Je suis plus utile ici, colonel…

–       Je sais, commandant, ce que je voulais vous demander, c’est… pour les blessés qu’on va tirer de l’enfer, derrière ces murs…

–       Colonel, la souffrance n’a pas de patrie…

–       Merci colonel… Soldats, Ecoutez-moi…

Le commandant Talavera vient de fermer les yeux de Pablo Ochoa.

–       Soldats ! Il faut en finir ! Ils ne sont qu’une poignée derrière ces murs, ils n’en peuvent plus ! Nous devons investir la place, pour l’honneur du Mexique, pour la gloire de l’indépendance…

–       Colonel Milan…

–       Commandant Lainé ?…

–       Vous m’avez demandé de vous accompagner ici…

–       Vous savez pourquoi, commandant Lainé…

Sur un signe du colonel Cambas, le silence s’abat comme un linceul troué de râles. Pas un bruit dans la cour. On dirait que quelque chose se prépare. Enfin la reddition ?… La voix de Lainé s’élève alors. Il la voudrait martiale, elle demeure chantante. Sa troisième proposition aux assiégés frôle les lancinements de la complainte. Le vent l’emporte vers les bois prochains d’où, le matin, les soixante-cinq sont sortis. La cime des arbres mollement se balance. Dans les esprits passe une étrange impression de paix souveraine à portée de fusil, d’étonnante indifférence aux misérables luttes humaines.

–       Colonel Cambas…

–       Colonel Milan ?

–       Allons…

Campos s’élance, dépassé par ses hommes que galvanise la certitude d’une gloire immédiate. Derrière la porte, un caporal français debout, hébété, la tête en sang, le torse nu lacéré, les bras ballants après avoir tiré sa dernière cartouche est enlevé par les épaules, par les jambes, emporté comme un mort. Campos est là qui l’approche, le protège, et le fait emmener jusqu’à la route. Le commandant Talavera l’allonge au milieu de ses blessés.

Par grappes, les assaillants se hissent sur les murs, déchargent leur fusil sur les toits. Des balles filent vers la campagne. Les fantassins du bataillon de Jalapa entrent dans la cour. C’est à la fois un abattoir et un cimetière, un enfer, l’incandescente image du désespoir au ras de la terre… Des fusils brisés, des corps mutilés, des uniformes en lambeaux, des poitrines, des crânes ouverts, et des chairs livides qui se décomposent, une odeur de fumée, de cadavre chaud, de tripes et de poudre…

Soudain, sur la murette du hangar adossé au mur, se posent sept canons. On aperçoit sept têtes noircies de poussière, rougies de sang, qui émergent du monde des morts. Sept yeux qui se ferment, sept autres qui choisissent leur homme… Feu ! Les Mexicains tombent, refluent vers le portail, déchargent vers le hangar leurs armes en même temps. Deux têtes sous le hangar d’enfer s’affaissent, l’une sur la murette, l’autre sur une épaule… Deux seulement ! Mais les Mexicains l’ignorent. Faire silence, pour qu’ils croient que tout le monde est mort. Voilà l’ultime et pathétique stratégie.

Ils sont tous morts, se disent les Mexicains. La stratégie fonctionne à merveille… Ils se ruent de nouveau dans la cour. C’est un déferlement de vestes bleues, de képis, de sombreros, de pantalons gris à liseré de toutes sortes… Dans l’ombre du hangar, cinq canons, cinq têtes fuligineuses aux yeux de fauves… Feu ! Et cinq grands corps se lèvent, spectres menaçants et terribles, ils n’ont plus de balles, ils enjambent la murette, baïonnette en avant, pour tenter de passer, pour aller où ?…

Le tonnerre et les éclairs, la fumée blanche, la rafale de la riposte figent debout l’un des cinq, un grand dégingandé qui s’est planté en rempart, bras étendus devant celui qui semble commander encore. Dix-neuf balles le transpercent. Il s’écroule. Son chef tombe aussi, la cuisse brisée, le flanc ouvert.

Ils ne sont plus que trois, le souffle court, la bave aux lèvres, qui s’élancent sans forces, déhanchés, dans un simulacre d’attaque, automates obstinés, noircis, les chairs à vif. Trois mots en tête. Avancer, tuer, passer, passer à tout prix…

Un homme s’avance, glisse sous les trois baïonnettes son sabre d’officier. C’est le colonel Cambas.

–       Rendez-vous !

Au bout des fusils chargés placés sous leurs mentons, des sabres dont les pointes visent leur cœur, touchent leurs flancs, leur poitrine, ils osent… Ils osent par la bouche de leur sous-officier dicter leurs conditions ! A trois contre un pays !

–       Laissez-nous nos armes ! Soignez nos blessés… Et nous nous rendons…

Sur le visage de Campos, on peut lire distinctement la pitié, l’atterrement, et une sorte d’admiration qui va et vient comme la sentinelle des territoires intérieurs où l’honneur se sait universel. Dans sa réponse, il y a tout cela…

–       On ne refuse rien à des hommes comme vous…

 

XXVIII

 

Personne ne l’a vue tomber. Elle arrivait à Camarón sur son cheval revigoré par une halte dans les mares de Palo Verde. Elle l’avait laissé paître en contrebas, dans un pré un peu caché, et visité par un bras d’eau échappé de la grande mare. Un pré secret plein d’herbe drue. Et le cheval en était revenu pimpant, l’œil joyeux, presque rigolard, comme si, scientifique expérimenté, il sentait que cette façon d’être, ou plutôt de paraître, pouvait, par contagion, dissiper le nuage tenace qui rendait sombre sa cavalière.

Au pas. Les pensées d’Ollin se sont remises en route, sages et raisonnables. Ses trois enfants, elle s’est dit qu’une heure ou deux encore dans la poussière brûlante, et elle allait pouvoir les retrouver, les serrer contre elle, respirer leur odeur de petits fauves apprivoisés, entendre leurs mots de cristal… À Soledad, elle avait pris des habits propres pour les changer. Tonatiuh, Miztli et Citlali. Qu’ils doivent être sales ! avait-elle pensé en souriant d’abord, puis en se laissant aller au rire le plus clair,  rire de mère sans contrainte, au contour attendri.

Mon fils, mon soleil, je t’ai nommé ainsi, Tonatiuh. Tu étais le premier et tu prenais ta place à côté de mon nom : Ollin Tonatiuh, inséparables dans la pensée des mes pères. Le mouvement et le soleil levant. Ollin Tonatiuh, moi, ta mère, et toi, ma force. Avec toi dans ma vie, tout est devenu simple, et mon devoir précis : détruire pour toi la croûte menteuse de l’empire espagnol, élever de nouveau nos temples dans tout le pays, rebâtir Tenochtitlan, et t’y voir grandir. Contempler ton armée en marche, toi, chevalier aigle ou chevalier jaguar. Tu ramènes de chacune de tes campagnes des colonnes de prisonniers à la touffe de cheveux bien plantée, à l’air soumis, des prisonniers dignes du sacrifice qui les attend, qui graviront les cent quatorze degrés du grand temple la tête fière. Jamais, à ta suite, on ne trouve de ces captifs plaintifs, apeurés et lâches, qu’il faut presque porter jusqu’à la pierre de sacrifice. Et si un jour, Tonatiuh, trop entouré de Tlaxcaltèques ou de Cholulans jaloux de ta bravoure, tu reconnais en celui qui aura saisi ta mèche ton père chéri, j’irai jusqu’au palais du souverain de Tlaxcala, de Cholula, et j’exigerai le privilège de te voir gravir à côté de ton vainqueur, les marches jusqu’à leur autel. Je veux te voir te battre une dernière fois contre quatre chevaliers au sommet de la pyramide, dans cette mise en scène qu’on appelle le gladiatorio. La règle du jeu est ainsi fixée : on te donnera une fausse épée, et tes adversaires seront puissamment armés. Tu devras te montrer bien plus que vaillant pour honorer les tiens, ton peuple, et surtout ta mère, moi, Ollin, qui sangloterai de fierté ! Et si tu vaincs ces chevaliers dans le combat le plus inégal qu’on ait pu imaginer, tu auras la vie sauve. Alors, je veux, Toniatiuh, je veux que tu égales ce roi vainqueur au jeu du gladiatorio, ce roi à qui on dit « Voilà, tu peux rentrer chez toi ! Tu as gagné le droit de retrouver les tiens ». Et sais-tu ce qu’a fait ce roi, Tonatiuh ? Il est allé tout droit devant la pierre de sacrifice, et il a dit « Chez moi, c’est ici », et devant la foule recueillie, émue aux larmes, on l’a offert à la lumière… Miztli, ma fille, Mitzli, la lune souveraine, sœur du soleil, de Tonatiuh … Citlali, ma fille, l’étoile… Ah, tant de soldats, là-bas, autour de l’hacienda… Qu’arrive-t-il à Camarón ? Mon cheval, depuis tout à l’heure, tu t’es mis au galop, tu as senti que j’avais hâte… Tu dévies du chemin, mon cheval, tu veux éviter la route, les soldats allongés… Tant de blessés ? Des morts ?… Mais où vas-tu ? Vers des claquements de fusils qui partent des toits… Arrête, mon cheval, arrête-toi… Ces claquements… Oh… Qui me frappe ? Ce coup… La chaleur, la brûlure qui enfle dans ma poitrine…

–       C’est une balle ?…

Personne ne l’a vue tomber. Personne ne l’a entendue s’étonner, n’a remarqué son visage devenu vide tout à coup, immense, béant, comme au bord d’un abîme. Elle a répété…

–       Une balle ?…

Elle a glissé tout doucement de la selle, Ollin. Elle n’a plus rien dit. Ses pieds sont sortis des éperons. Ses mains ont lâché les rênes de la vie. Son corps gracile a glissé de la selle, s’est replié en touchant la terre, puis il s’est allongé, sans volonté, aveugle, vaincu. Ses cheveux soulevés par le vent du nord ont formé comme une flamme. Tout s’est éteint. Plus rien !

Pauvre cheval pensif, la tête baissée, les rênes pendantes, il attend… Depuis des années, il la connaît, Ollin ! Il sait que jamais elle ne dort ainsi en fin d’après-midi, sur le bord des routes ! Il faut qu’il lui soit arrivé un malheur dans le cœur… Il s’approche, pose sa grosse bouche sur ses joues. Ollin, il ne faut pas dormir sous le soleil ! Alors, il trouve une solution, le cheval expert en humains, il avance, recule, s’arrête au moment où son ombre couvre le corps d’Ollin. Avec un peu de vent du nord, elle ne va pas souffrir pour atteindre la nuit.

De Camarón, un cheval noir surgit. Son cavalier tire violemment ses rênes, surpris, et le cheval hennit, se cabre… Là-bas… Sebastian Galerza qui arrive du Chiquihuite se retourne. Il voit les tireurs sur les murs de l’hacienda. Il comprend tout, la balle perdue… Il éperonne son cheval qui s’enlève, comme ailé. Inutile de te presser, cheval de Galerza, elle est à l’ombre que je lui donne, elle dort.

Jamais, des yeux de Sebastian Galerza, on n’a vu couler de larmes. Ou du moins pas avant ce jeudi 30 avril 1863, à six trente heures de l’après-midi.

–       Ollin, les enfants t’attendent… Je leur ai promis… Ollin, il faut… Il faut les habiller de propre… Je les ai laissés dans la boulangerie, je savais que tu viendrais… Ils sont tous les trois sur le seuil, ils mangent du bon pain et ne quittent pas des yeux la route où je leur ai dit de te guetter … Ollin, ne meurs pas, Ollin, ils vont…

Des larmes, mais aussi des pleurs, des sanglots, Galerza… Mais qu’est-ce que c’est que cet avare pitoyable qui découvre sur le bord d’une route à six heures trente de l’après midi, le jeudi 30 avril 1863, à une portée de fusil, hélas, de l’hacienda de Camarón, que la richesse, ce n’est pas l’or ? Tu l’aimais donc à ce point là, et tu ne le savais pas ?

Ce que tu ignores aussi, c’est qu’en ce moment précis, sur la route, derrière toi, une foule s’est rassemblée, et qu’elle s’avance, lente, tout en majesté. On entend des sonnailles, des conques et des tambours. Elle t’entoure, et tu ne la vois pas. Tu as beau serrer contre ta poitrine la poitrine en sang d’Ollin, elle te quitte, elle s’en va. Elle se lève, éblouie.

Il est venu la chercher, il est là, il descend de sa litière. Ses serviteurs déroulent sous ses pieds de précieux tapis… Il s’avance et lui tend le bras : Montezuma ! Montezuma Yocoyotzin ! Et, près de lui, Cuauhtemoc, le dernier empereur de Tenochtitlan Mexico, celui qui se rendit le 13 août 1521 à Cortès qui l’assassina.

Et puis voici Tlacaelel, le grand architecte des âmes, Ahuitzotl, Tizoc, Axayacatl, souverains conquérants… Ollin est belle dans la parure qu’ils lui ont apportée ! Elle s’en revêt, mais s’aperçoit qu’elle est faite de lumière, seulement de lumière. Alors elle exulte, Ollin, elle sait qu’elle va dès le matin accompagner la course du soleil, rire et danser dans la fête sans trêve. Et dans quatre ans, lorsqu’un colibri s’attardera dans ta maison, lorsqu’il cherchera le regard de tes enfants, Galerza, il faudra que tu leur dises que c’est l’âme d’Ollin. Elle ne vous quittera pas.

Allons, Galerza, debout ! Jette aux ronces ton or et tes soutanes. Celle qui est partie vit maintenant en toi !

Fin

Épilogue

 

Après avoir passé la nuit près de l’hacienda de Camarón, les bataillons de Veracruz, de Jamapa et de Cordoba se mirent en route pour La Joya au matin du 1er mai. Il fallait partir pour éviter une riposte lancée par les forces françaises demeurées au Chiquihuite, auxquelles allaient sûrement se joindre la contre guérilla de Dupin.

Refusant d’abandonner à leur sort les blessés du régiment étranger, le colonel Milan et le colonel Talavera les mêlèrent aux leurs, et la lente colonne, suivie des prisonniers, atteignit La Joya dans la journée.

Les survivants de la compagnie se consultèrent pour désigner celui qui allait rédiger le compte rendu de la bataille afin qu’il soit envoyé, sur la proposition de Cambas, au colonel du Chiquihuite. Leur choix se porta sur le caporal Evariste Berg qui, blessé à la tête, avait été fait prisonnier lors de l’assaut final près du portail sud.

Evariste Berg était né à l’Île Bourbon, y avait passé ses baccalauréats, mais, au lieu de suivre les voies glorieuses de Polytechnique et Saint-Cyr déjà empruntées par ses frères, il avait préféré tenter l’aventure en s’embarquant pour Lorient, sans prévenir sa famille… Artilleur dans la marine, mais joueur dans les tripots, il avait dû prendre le large en s’engageant chez les zouaves avec lesquels il avait fait campagne en  Crimée, cette presqu’île russe de la Mer Noire dont les verrous Sebastopol et Malakoff sautèrent en 1855 afin de calmer les appétits russes. Puis ce fut la campagne d’Italie avec Magenta et Solferino en 1859, celle du Liban, en 1860, où il gagna les galons de sous-lieutenant. Tout cela en accumulant d’énormes dettes de jeu qu’il avait tenté d’éponger par des moyens tels qu’il fut contraint de démissionner de son régiment de zouaves.

Pendant que le colonel Faidherbe, sur un champ de bataille au Sénégal, accrochait à la poitrine de son frère, chirurgien de la marine impériale, la Légion d’honneur, Evariste Berg  se présentait fin 1862, à Sidi-Bel-Abbès, en Algérie, pour s’engager dans le régiment étranger, avant d’embarquer pour le Mexique.

Dans la torpeur ouatée de l’après-midi du 1er mai 1863, assis sous le figuier du colonel Milan, le caporal Evariste Berg commença son compte rendu par les noms de tous ceux dont les cadavres avaient été empilés dans les fossés près de l’hacienda… Il écrivit : capitaine Jean Danjou, sous-lieutenant Jean Vilain, sergent-major Henri Tonel, sergent Morzycki, caporal Ame Favas, légionnaires Victor Catteau, Jean Bass, Aloyse Bernardo, Gustave Bertoletto, Antoine Bogucki, Nicolas Brugisser, Georges Catenhussen, François Daglincks, Hartog de Vries, Pierre Dicken, Charles Dubois, Frédéric Friedrich, Georges Furbasz, Louis Groux, Emile Hipp, Ulrich Konrad, Félix Langmeier, Frédéric Lemmer, Louis Lernould, Joseph Rerbers, Dniel Seiler, Louis Stoller, Van der Meersche, Henry Vandesavel, Karl Wittengs… Il ajouta le nom des blessés : sous-lieutenant Clément Maudet, caporal Louis Maine, caporal Adolfo Delcaretto, légionnaires Claude Billod, Constant Dael, Jean Germeys, Hyppolite Kunasseg, Jean Kurz, Baptiste Leonhart, Charles Magnin, Edouard Merlet, Louis Rohr, Jean-Louis Timmermans, Geoffroy Wensel… Puis il commença son récit : Mon colonel, notre compagnie est morte.  Au nom de tous mes camarades…


LES MONUMENTS COMMEMORATIFS ET SEPULTURES MILITAIRES FRANÇAIS EN NORVEGE

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La Légion étrangère pendant la Grande Guerre

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par Jean-Philippe LIARDET, dr

"Vous ne vous arrêterez pas dans vos succès ; je ne m'arrêterai pas non plus, dussé-je inventer pour vous de nouvelles récompenses."
Le général Pétain aux légionnaires, après avoir décoré leur Drapeau de la croix de la Légion d'honneur. 27 septembre 1917.

 

Le déclenchement du conflit

Le jeu des alliances
Avec la démission de Bismarck en 1890, l'Allemagne adopte une politique extérieure plus agressive qui va servir la volonté de revanche française. La Russie puis la Grande-Bretagne, inquiètes de l'évolution de la situation, se rapprochent de la France. En 1907, les trois pays forment la Triple Entente.
L'Allemagne se retrouve alors encerclée avec pour seule grande puissance alliée l'Autriche-Hongrie. L'assassinat de l'héritier du trône le 28 juin va mettre en marche un engrenage tragique. L'archiduc d'Autriche Franz Ferdinand et son épouse Sophie sont assassinés au cours d'un voyage officiel à Sarajevo par une organisation terroriste serbe, la "Main Noire".

Forte du soutien de l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie durcit sa position envers la Serbie et formule dans un mémorandum des demandes irréalisables dans les délais indiqués ou portant atteinte à la souveraineté serbe. La Serbie, qui n'est pas impliquée dans l'attentat, répond habilement au mémorandum et demande un arbitrage international pour certains points.

Les plans
La tension augmentant, les principaux acteurs entament une mobilisation partielle et conflit devient inévitable. Le 28 juillet, l'Autriche déclare la guerre à la Serbie. Dans les jours qui suivent les mobilisations deviennent totales. Le 1er août, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie, deux jours plus tard elle fait de même avec la France. Le lendemain, la Grande-Bretagne, indignée par la violation de la neutralité belge par l'Allemagne lui déclare la guerre à son tour.

La stratégie allemande repose sur le seul plan Schlieffen. Il s'agit d'envelopper l'aile gauche française par un mouvement tournant à travers la Belgique. Le grand état-major allemand espère ainsi remporter une victoire décisive à l'ouest en six semaines pour pouvoir reporter ses forces à l'est contre la Russie plus lente à mobiliser.

La France voit dans ce conflit la possibilité de reprendre les territoires perdus en 1871. Elle fait le choix d'une offensive en Lorraine coordonnée avec celle de la Russie en Prusse Orientale.

Les premières semaines de combat
Toutes les prévisions s'avèrent vite erronés. La doctrine française qui repose sur le choc est complètement inadaptée. Les mitrailleuses et l'artillerie allemandes creusent les rangs des fantassins français qui montent à l'assaut baïonnette au canon.

Le plan Schlieffen offre presque la victoire à l'Allemagne. Bien épaulés par le Corps Expéditionnaire Britannique les Français raidissent leur défense sur la Marne alors que Paris semblait à portée des Allemands. Une contre-attaque décisive permet de stabiliser le front. Chaque camp tente alors de contourner par le nord le flanc dégarni de son ennemi. Cette course effrénée à la mer débouche sur l'édification d'une ligne de front continue.

Les Russes sévèrement battus à Tannenberg, l'issue du conflit apparaît désormais incertaine et longue à se dessiner. Cette guerre d'usure nécessite de gros effectifs, notamment pour compenser les pertes terribles des premières semaines de combat.

La Légion retrouve la métropole

L'Empire au secours de la métropole
L'instauration progressive du service militaire universel (lois de 1872, 1889, 1905 et 1913) ne suffit pas à compenser la supériorité numérique de l'armée allemande. A la veille de la guerre, les conscrits servent 3 ans (contre 2 ans depuis 1905) dans l'armée d'active puis sont affectés pendant 11 ans à la réserve.

Le potentiel démographique moindre et déclinant de la France rend illusoire toute tentative de parvenir à la parité. Ce rapport de force défavorable guide la politique étrangère de la France entre 1871 et 1914 et conditionne le rapprochement avec la Grande-Bretagne et la Russie.

L'expansion coloniale française s'est fait avec un support limité en nombre et dans le temps des unités métropolitaines. La Légion étrangère profite de cette situation car l'Armée d'Afrique doit non seulement assurer le maintien de l'ordre en Afrique du Nord mais aussi servir de réserve pour les campagnes coloniales dans les autres parties du monde.

Par ailleurs, l'idée de faire appel aux ressources humaines de l'Empire français trouve des ardents défenseurs comme le général Mangin qui préconise l'emploi de la "force Noire" sous la forme d'un corps d'armée sénégalais. L'idée fait lentement son chemin dans l'esprit du haut-commandement. Après les lourdes pertes des premières semaines, le phénomène s'amplifie rapidement. Les unités de la Coloniale ou de l'armée d'Afrique constituent rapidement des divisions entières ou renforcent les divisions métropolitaines.

L'intégration des volontaires étrangers
Dès le déclenchement des hostilités, les volontaires étrangers affluent en nombre pour servir dans les rangs de l'Armée française. Quelque peu méfiante devant ces volontaires, elle cherche à en affecter le plus grand nombre à la Légion étrangère. Parmi les 52 nationalités représentées, on trouve essentiellement des Russes, des Italiens, des Roumains, des Suisses, des Belges, des Anglais et des Américains.

Si certains volontaires n'apprécient guère cet engagement forcé dans la Légion étrangère, celle-ci n'est guère plus satisfaite devant cette augmentation trop brutale de ses effectifs.

En 1914, les deux régiments étrangers comptent 5 bataillons au Maroc, 4 en Algérie et 3 au Tonkin. Ceux d'Algérie reçoivent l'ordre d'envoyer la moitié de leurs effectifs en France pour servir d'ossature à 4 nouveaux régiments : les 2e, 3e et 4e régiments de marche du 1er étranger et le 2e régiment de marche du 2e étranger. L'encadrement doit néanmoins être complété avec des réservistes. Ainsi, les cadres du 3e régiment sont presque tous des pompiers de Paris sans grande compétences militaires. Par ailleurs, les légionnaires allemands ou autrichiens doivent rester outre-mer, conformément au droit international.

A la fin du mois d'août, les légionnaires du 1er étranger débarquent dans le sud de la France. Les volontaires sont rapidement incorporés avant que les unités remontent vers la ligne de front. Certains contingents nationaux sont si nombreux que le principe de l'amalgame se trouve remis en question. Ainsi, le 4e régiment de marche est entièrement composé d'Italiens qui combattent sous le commandement du lieutenant-colonel Giuseppe Garibaldi.

Les "Italiens" engagés les premiers
C'est justement le 4e de marche qui monte au feu le premier. En cette fin d'année 1914, il se trouve engagé près du bois de Bolante en Argonne. Le 26 décembre à l'aube, les légionnaires gagnent leurs lignes de départ alors que les obus français sifflent au-dessus de leurs têtes. Puis le barrage d'artillerie cesse et ils s'élancent dans les premières lueurs du jour.

Le champ de bataille est très vite noyé sous un déluge de fer et de feu. Les quelques survivants de la première vague d'assaut réussissent néanmoins à prendre pied sur les positions ennemies. D'autres légionnaires les renforcent et les Allemands refluent en désordre. Fébrilement, les légionnaires retournent les fortifications pour repousser l'inévitable contre-attaque. Mais une heure plus tard le 4e régiment de marche reçoit l'ordre de se retirer car les autres unités n'ont pas progressé.

Une seconde attaque est lancée le 5 janvier, à Courtes-Chausses. Après avoir fait sauter 8 mines sous les positions ennemies, les légionnaires s'emparent de deux lignes de tranchées. Les combats dans le bois de Bolante se poursuivent encore pendant trois jours sans qu'il soit possible de percer.

Ces deux opérations inutiles et mal conçues coûtent 429 hommes au régiment. Le sous-lieutenant Bruno Garibaldi, frère du chef de corps, et l'adjudant-chef Costante Garibaldi, un de ses proches, sont parmi les tués. Au mois de mars l'unité est dissoute. Les Italiens obtiennent en effet la permission de rejoindre leur pays qui va entrer en guerre au côté de la France.

Une situation militaire difficile
Les autres unité de la Légion étrangère vont bénéficier d'une meilleure préparation. Le centre d'entraînement de la Légion se trouve à Valbonne, un village proche de Lyon. Les difficultés sont nombreuses : l'encadrement manque de qualité et les nombreuses nationalités ne facilitent pas l'homogénéité des unités. Par ailleurs, l'expérience des combats outre-mer n'est que de peu d'utilité dans les tranchées. Mieux armée et mieux équipé, le combattant allemand manifeste une réelle supériorité d'autant qu'il mène pour le moment des combats défensifs. En effet, le grand quartier général allemand cherche à faire la différence à l'est, contre la Russie.

Joffre décide alors de prendre l'offensive malgré le manque d'artillerie lourde et de pièces de tranchées. En outre, les stocks de munitions sont trop insuffisants pour conduire des barrages d'artillerie efficaces. Les attaques à venir reposent donc essentiellement sur l'allant du fantassin français. Les légionnaires, comme les autres "poilus" vont payer un lourd tribu à cette stratégie inadaptée.

Artois 1915

"Les ouvrages blancs"
La mise sur pied du 2e régiment de marche du 1er étranger ne se fait pas sans problèmes. Sous les ordres du colonel Pein qui s'est distingué dans le Sud-Oranais au début du siècle, Tchèques, Polonais et Grecs forment des unités distinctes et arborent leur drapeau national.

Affecté à la 1ère brigade de la division marocaine, le régiment quitte la Champagne pour être engagé en Artois. Le 9 mai 1915 au matin, les quatre bataillons étrangers sont en position devant leur objectif : la côté 140, une des élévations de la crête de Vimy appelée "les ouvrages blancs". La préparation d'artillerie dure 4 heures.

A dix heures, les légionnaires jaillissent des tranchées derrière le lieutenant-colonel Cot qui a pris le commandement la veille, en remplacement du colonel Pein nommé à la tête de la brigade. La première ligne ennemie est rapidement atteinte puis dépassée mais les pertes s'accroissent rapidement. La plupart des officiers et des sous-officiers sont mis hors de combat. Le lieutenant-colonel Cot est blessé, les trois chefs de bataillons - les commandants Noiré, Muller et Gaubert - sont tués. Les unités avancent dans le plus grand désordre mais les légionnaires conservent leur allant et bousculent les défenses allemandes. A 11 heures 30, la côte 140 est entre leurs mains.

Sur la droite, le 156e régiment d'infanterie n'a pu atteindre son objectif et laisse le flanc du régiment étranger sans protection. Des autobus réquisitionnés à Lille amènent déjà les renforts allemands au plus près de la ligne de front. Le colonel Pein rejoint les légionnaires pour organiser la défense de la colline. Il tombe peu après. L'absence de cadres et le manque de mitrailleuses ne facilitent pas la tâche des défenseurs, d'autant que dans leur dos subsistent des poches de résistance allemandes. Une violente contre-attaque soutenue par de l'artillerie lourde contraint les légionnaires au repli car les renforts n'arrivent pas. Vers 15 heures, ils abandonnent la côté 140 mais conservent néanmoins une partie du terrain conquis dans la journée.

Les pertes s'élèvent à 50 officiers et 1.889 hommes. Le 2e régiment de marche est réduit de moitié. Le commandant Collet doit le réorganiser en deux bataillons.

Souchez
Le 16 juin, le régiment est de nouveau engagé dans le même secteur. Le 4e régiment de tirailleurs algériens mène l'assaut qui débute juste après midi. Le 2e de marche ne compte en effet plus que 67 officiers et 2.509 hommes.

Les mitrailleuses allemandes déciment les légionnaires qui traversent le ravin de Souchez, situé au pied de la côte 119. Une nouvelle fois le barrage d'artillerie s'avère inefficace. Les positions allemandes sont encore intactes et les obus français tombent même en grand nombre sur les tirailleurs et les légionnaires. Cette fois-ci cependant, des groupes spécialement équipés nettoient avec efficacité les tranchées à la grenade et au couteau.

Vers 18 heures, les Allemands repoussent les zouaves qui couvrent le flanc gauche du 2e de marche. Toute la nuit, les contre-attaques se poursuivent, soutenues par de violents tirs d'artillerie. Au matin les barrages s'intensifient. La division marocaine doit alors décrocher, faute de soutien. Le retour par le ravin de Souchez creuse encore les rangs de la Légion qui perd au total 21 officiers et 624 hommes tués, blessés ou disparus.

Crise et réorganisation

Une chute du moral
Les lourdes pertes subies lors de ces deux attaques suscitent une crise du moral dans les unités engagées. La Légion étrangère n'y échappe pas. Plus que les pertes, ce sont le manque de préparation et les maigres résultats de ces opérations qui donnent l'impression à la troupe de faire des sacrifices inutiles.

Plus spécifiquement, la Légion étrangère souffre de l'abandon du principe de l'amalgame. Lors de l'attaque du 16 juin, le bataillon grec refuse de monter à l'assaut car les hommes déclarent s'être engagés pour combattre les Turcs. Il faut l'intervention de lieutenant-colonel Cot pour les faire avancer. Déjà indiscipliné à l'arrière, ce bataillon sera par la suite dissous, les meilleurs éléments rejoignant le bataille de la Légion engagé aux Dardanelles.

Mais, au-delà de ce cas particulier, subsistent d'autres problèmes : la mauvaise réputation faite à la Légion étrangère par ses détracteurs suscite de nombreuses réticences chez les engagés affectés de force dans ses rangs; le retour dans leur pays des volontaires les plus motivés laisse un trop grande proportion d'indésirables ; enfin, l'encadrement affecté à la Légion reste de médiocre qualité, d'autant que ses meilleurs officiers ont demandé leur transfert dans des unités métropolitaines dès le début de la guerre, de peur de ne pas être engagés en métropole.

Réorganisation
Le retour à l'amalgame permet de résoudre une partie des problèmes. Le 3e régiment de marche du 1er étranger est dissous le 13 août après une séjour sur la Somme où les pertes au feu restent minimes. En effet les Russes, les Belges et les Italiens qui le composent retournent pour la plupart servir dans leurs armées nationales. Les autres légionnaires viennent combler les pertes du 2e régiment de marche du 1er étranger, aggravées par les autorisations de transfert vers les unités métropolitaines ou l'artillerie.

Malgré tous ces handicaps, le 2e de marche du 1er étranger a néanmoins combattu avec bravoure. Le 13 septembre, il reçoit son drapeau et sa première citation à l'ordre de l'Armée : "Chargé, le 9 mai, sous les ordres du lieutenant-colonel Cot, d'enlever à la baïonnette une position allemande très fortement retranchée (Ouvrages Blancs), s'est élancé à l'attaque, officiers en tête, avec un entrain superbe, gagnant d'un seul bon plusieurs kilomètres de terrain malgré une très vive résistance de l'ennemi et le feu violent de ses mitrailleuses".

*

Artois 1915

La butte de Souain
Les deux derniers régiments de marche forment avec le régiment de marche du 4e tirailleurs algériens la 1ère brigade de la division marocaine. A la mi-septembre l'unité est transférée en Champagne où Joffre décide de lancer une nouvelle offensive.

La 1ère brigade passe sous les ordres du général Marchand, le héros de Fachoda, qui commande la 10e division coloniale. Le 2e de marche du 2e étranger est engagé le premier. Jusqu'à présent, il n'a tenu que des secteurs calmes dans la région de Reims puis de Paissy. Le 25 septembre, il gagne ses positions de départ sous une pluie diluvienne. Malgré l'inefficacité des tirs d'artillerie les légionnaires s'emparent de leur objectif : la butte de Souain.

Ce succès ouvre la voie à d'autres unités. Dans la nuit, les légionnaires doivent cependant rallier baïonnette au canon des hommes du 171e régiment d'infanterie qui se débandent. Malgré ses débuts prometteurs, l'offensive doit être stoppée en raison de la pénurie d'obus. L'opération vaut au 2e de marche du 2e étranger une citation à l'ordre de l'armée.

La ferme de Navarin
Le 28 septembre, les deux régiments de marche joignent leurs efforts dans le même secteur pour s'emparer de ferme de Navarin, proche de la butte de Souain. Les leçons meurtrières des précédents combats ont été retenues. Les légionnaires montent à l'assaut en file indienne, les sections disséminées sur le champ de bataille. Les premières lignes prises, les hommes les retournent rapidement pour résister aux contre-attaques allemandes.

Le principal centre de résistance ennemi, pourtant à peine distant de deux cents mètres, reste imprenable malgré plusieurs assauts sanglants. Les nids de mitrailleuses et les réseaux de barbelés sont en effet intacts. Les commandants Declève et Burel tombent à la tête de leurs bataillons. Le lieutenant-colonel Cot estime alors la mission impossible à remplir et demande l'arrêt de l'attaque. Son régiment a perdu 608 tués et blessés sur 2.003 hommes. Néanmoins, l'attention de l'ennemi se focalise sur les régiments étrangers qui se retranchent aux abords de sa position. D'autres unités en profitent pour le déborder par l'ouest, mais l'offensive finit par s'enliser.

Le 2e régiment de marche du 2e étranger accuse également de lourdes pertes dans ces opérations. Les combats de Souain et de la ferme de Navarin lui coûtent 14 officiers et 300 hommes tués ou blessés. Son chef, le lieutenant-colonel Leconte-Denis est blessé. Les deux régiments sont cités à l'ordre de l'armée pour leur action décisive.

Le RMLE

Sous un seul drapeau
Le 11 novembre, les deux derniers régiments de marche fusionnent pour former le Régiment de Marche de la Légion Etrangère (RMLE). Son drapeau est celui du 2e de marche mais il arbore les distinctions des deux unités. Le régiment compte 71 officiers et 3.115 légionnaires répartis dans trois bataillons. Le lieutenant-colonel Cot en assure le commandement.

Cette fusion consacre l'abandon de la pratique de l'enrôlement forcé des volontaires étrangers dans la Légion étrangère. Celle-ci n'en avait de toute façon ni les moyens ni la vocation. D'ailleurs, les effectifs passe d'environ 11.000 hommes avant la guerre à un maximum de 21.887 au début de 1915. Le corps n'a donc absorbé qu'un quart du total des volontaires étrangers. Le passage par la Légion, obligatoire sur le plan administratif, a semble-t-il généré une certaine confusion. Les demandes de transfert dans d'autres régiments ou dans l'artillerie sont en effet rapidement acceptées et certains engagés ne sont légionnaire qu'une heure ! En 1916, la Légion étrangère compte plus que 10.683 hommes dont 3.316 au RMLE.

Le retour aux sources
Cette réduction des effectifs et la crise du moral de l'année 1915 vont contribuer de manière décisive à faire du RMLE une unité d'exception.

La réputation acquise au bois de Bolante, en Artois et en Champagne donne une autre image de la Légion étrangère, auprès de l'armée et du grand public, mais aussi auprès des nouveaux engagés. Désormais, les volontaires sont des hommes qui ont décidé de rester à la Légion en sachant qu'elle va combattre comme troupe de choc. Ils acceptent également son mode de vie particulier. L'entente avec les anciens légionnaires s'en trouve considérablement améliorée.

Les légionnaires sont désormais considérés par le haut commandement comme des professionnels aguerris, capables de réussir des missions jugées impossibles. Si l'armée d'Afrique et les troupes coloniales bénéficient également d'une grande considération, la Légion étrangère possède une aura inégalée. Le 5 juin, la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre est décernée au RMLE.

Coûteuses et vaines offensives

Belloy-en-Santerre
Après les durs combats de l'année 1915, la division marocaine occupe des secteurs calmes dans la région de Roye-Lassigny ou elle complète son instruction. Pendant ce temps, les armées allemandes et françaises s'affrontent dans la gigantesque bataille d'usure de Verdun. Joffre décide de prendre l'offensive dans la Somme pendant que les réserves allemandes sont fixées. Il espère réduire un saillant dangereux qui pointe vers Paris ou, à tout le moins, attirer une partie des divisions allemandes engagées à Verdun ou susceptibles de l'être.

14 divisions françaises et 26 divisions anglaises prennent part à l'offensive. La préparation d'artillerie dure sept jours. L'assaut commence le 1er juillet 1916, sur une largeur de front de près de 40 kilomètres,.

Le RMLE se trouve placé en réserve avec la division marocaine. Les Allemands ont évacué leur première ligne et la réoccupent dès la fin du barrage d'artillerie. Les assaillants doivent faire face à un déluge de feu. Dans la zone des légionnaires, les troupes coloniales réussissent à s'emparer du petit village d'Assevillers.

Le RMLE reçoit alors la mission d'exploiter ce succès isolé. Le 4 juillet, il relève les coloniaux et le 39e régiment d'infanterie. Son objectif est le village de Belloy-en-Santerre, clef de voûte de la défense allemande dans le secteur. La position est puissamment fortifiée et bénéficie d'un glacis de près d'un kilomètre. La première vague d'assaut s'élance sur ce terrain découvert et rendu glissant par la pluie qui continue à tomber. La plupart des cadres sont mis hors de combat dès les premiers tirs. Les clairons sonnent le Boudin alors que les légionnaires reprennent leur avance. La deuxième vague finit par atteindre les premières maisons du village et s'empare de la position après deux heures de violents combats de rue.

Furieux, les Allemands amènent des renforts par camions et lancent contre-attaque sur contre-attaque. Les légionnaires tiennent pourtant bon jusqu'à l'arrivée de la relève, le matin du 6. Ils détiennent alors 750 prisonniers dont 15 officiers. Les pertes sont de 25 officiers et de 844 soldats sur les 62 officiers et 2.820 hommes engagés.

Mais si la 6e armée française remporte quelques succès, sur sa gauche les Anglais avancent moins vite. L'effort va se poursuivre jusqu'au 5 novembre sans plus de succès. Cette offensive permet néanmoins de soulager la pression ennemie sur Verdun où les troupes françaises réussissent à regagner une partie du terrain perdu dans la première moitié de l'année.

Période de transition
Durement éprouvé, le RMLE est envoyé au repos et à l'instruction dans l'Oise, près de Maignelay. Il occupe ensuite le secteur de Plessier-de-Roye puis regagne en fin d'année celui de Santerre où il reste pendant un mois. Le terrain est devenu méconnaissable : le village de Belloy et les bois alentours ont été entièrement rasés par les bombardements.

Pendant les mois suivants, le régiment alterne les périodes d'instruction et les participations aux travaux de préparation pour la prochaine offensive de printemps. En février, le lieutenant-colonel Duriez remplace le lieutenant-colonel Cot promu à la tête d'une brigade. Le nouveau chef de corps est un ancien du 1er étranger, ce qui facilite la passation de pouvoir.

Nouvelles stratégies pour 1917
Au mois de décembre 1916, le général Nivelle succède à Joffre, élevé au grade de maréchal. Confiant, il pense réussir une percée décisive en deux jours contre des armées allemandes usées à Verdun et sur la Somme. Les Anglais doivent lancer une puissante attaque depuis le sud d'Arras pendant que les Français concentrent leurs moyens sur un étroit secteur, au Chemin des Dames, à l'ouest de Reims. L'objectif de cette attaque en tenaille est d'isoler le saillant allemand.

Mal conservé, le secret de l'offensive est rapidement connu de l'ennemi. Celui-ci opte pour un retrait limité d'une quinzaine de kilomètres. Dans leur repli, les troupes allemandes pratiquent la politique de la terre brûlée en ravageant entièrement les zones abandonnées. Avec une ligne de front ainsi raccourcie, les Allemands peuvent placer en réserve plusieurs divisions. Par ailleurs, la révolution russe permet de divertir quelques unités du front de l'est.

Contre l'avis de la plupart des membres de son Etat-Major, Nivelle choisit de maintenir son offensive. Il réussit à convaincre le président du Conseil, Poincaré, et les parlementaires qui souhaitent désormais exercer un contrôle sur les opérations militaires.

Aubérive
La préparation commence le 8 avril et doit être prolongée jusqu'au 16 en raison du mauvais temps. L'artillerie allemande effectue des tirs de contrebatterie meurtriers et emploie un grand nombre d'obus toxiques. 4 millions d'obus de 75, 1 million d'obus de 90 à 155 et 60.000 bombes de mortiers de tranchée sont tirés mais la longueur de la préparation exclue tout effet de surprise.

Le 16, les Français engagent pour la première fois des chars dans une attaque au nord de l'Aisne mais l'infanterie ne peut suivre leur percée et ils doivent faire retraite. 56 Schneider sur 132 rentrent indemnes. L'offensive semble d'ores et déjà vouée à l'échec mais Nivelle insiste.

La division marocaine est engagée le lendemain. Le RMLE occupe la droite de son dispositif avec pour objectif le village d'Aubérive, clef de voûte de la défense d'un saillant appelé "le golfe".

Par comble de malchance, la pluie remplace le soleil des jours précédents. Les légionnaires quittent leurs tranchées inondées à 4 heures 45 pour se retrouver immédiatement cloués au sol par le tir des mitrailleuses allemandes. La préparation d'artillerie s'avère une nouvelle fois insuffisante. Le manque d'artillerie lourde et la dispersion des tirs sur la profondeur du dispositif ennemi laisse la première ligne de défense presque intacte. Le lieutenant-colonel Duriez est l'un des premiers à tomber. Le commandant Deville lui succède. Un assaut général apparaît vite voué à l'échec. Les légionnaires sont immobilisés près du bois de bouleaux calciné qui borde Aubérive, à quelques dizaines de mètres de leurs positions de départ.

Les combats reprennent le lendemain sous la neige. La coordination avec l'artillerie reste médiocre et les légionnaires préfèrent souvent s'en passer. De toute façon, la progression se fait désormais par petits groupes autonomes qui cherchent à s'infiltrer dans le dispositif ennemi. Les combats se déroulent à courte distance.

Les Allemands se défendent avec vigueur. et lancent souvent des contre-attaques violentes et bien cordonnées à partir de positions arrières bien protégées. Le 19 dans la soirée, le 3e bataillon s'empare cependant d'Aubérive. Il ne compte plus que 275 hommes valides sur 800. Il faut ensuite déloger l'ennemi des tranchées environnantes. C'est chose faite le lendemain.

En quatre jours d'affrontement, le RMLE a utilisé 50.000 grenades. Celles-ci épuisées, les combats se poursuivent au corps à corps, au couteau et à la baïonnette. 7 kilomètres de tranchées et de boyaux sont ainsi nettoyés. Le manque de grenades et le mauvais temps empêchent toutefois les légionnaires de poursuivre plus avant contre un ennemi pourtant lui aussi durement éprouvé.

La conduite au feu d'un des rares allemands de la Légion engagés en France en dit long sur l'agressivité des légionnaires. Le 21 à l'aube, l'adjudant-chef Mader se porte au secours d'une compagnie du 168e régiment d'infanterie sur le point de tomber dans une embuscade. Avec dix légionnaires, il attaque à la grenade une compagnie ennemie et la met en déroute. Poursuivant son avantage, il s'empare d'une batterie d'artillerie lourde. Cet exploit hors du commun lui vaut la Légion d'honneur.

Epuisés, les légionnaires sont relevés et gagnent Pocancy dans la Marne. Sa conduite héroïque vaut au RMLE sa cinquième citation, à l'ordre de la IVe armée. Le 14 juillet suivant, le régiment reçoit la fourragère aux couleurs de la Médaille militaire, créée pour lui par le général Pétain qui aura ces mots : "Il est le premier de tous les Régiments de France à recevoir cette distinction. Il peut la porter fièrement."

Le RMLE et la crise du moral de 1917

Malgré des pertes moins élevées que lors des précédentes offensives, 150.000 hommes en dix jours, cet échec porte un coup décisif au moral de l'armée française. Nivelle avait annoncé une victoire finale qui semble de nouveau bien lointaine. Le 29 avril, des mutineries éclatent et près d'un tiers des régiments sont touchés par une grave crise du moral.

 

Le RMLE n'est pas concerné par ce phénomène et sert même à ramener des mutins vers la ligne de front. La réorganisation de 1915 qui fait du régiment une unité d'élite formée de combattants particulièrement motivés, explique en partie cette bonne tenue. Tous manifestent la volonté de se montrer digne de la prestigieuse réputation acquise dans les combats précédents.

D'autres facteurs peuvent être mis en avant. En 1916 et en 1917, le RMLE ne reste au front que pendant de brèves périodes. Même s'il participe à de violents combats, ceux-ci tournent à son avantage et renforce sa cohésion et son moral.
Au mois de mai, le lieutenant-colonel Rollet succède au lieutenant-colonel Duriez tué à Aubérive. Avec lui, le RMLE et la Légion étrangère vont trouver une figure emblématique. Il exerce d'emblée une forte impression sur ses hommes, prêts à le suivre n'importe où.

Changement de stratégie
Le général Nivelle est remplacé par Pétain qui ramène l'ordre dans les rangs de l'armée française. Il constate néanmoins que celle-ci est pour le moment incapable de reprendre une offensive de grande ampleur et adopte une stratégie défensive en attendant l'arrivée des Américains et la mise en service des chars.

Mais si les premières troupes américaines défilent dans les rues de Paris dès le 4 juillet, pour la fête nationale américaine, elles ne seront pas opérationnelles en grand nombre avant le milieu de l'année 1918. Les Etats-Unis débutent en effet la guerre avec une armée de terre extrêmement réduite. La France va devoir fournir une grande partie de son armement et de son équipement. Il faut également instruire et transporter à travers l'Océan Atlantique les divisions nouvellement formées.

Pour remonter le moral des troupes françaises, Pétain opte pour des offensives limitées avec un soutien d'artillerie massif. Le 31 juillet, la 1ère armée française attaque avec l'armée britannique et réussit dégager le saillant d'Ypres.

Verdun
Le 20 août, une seconde offensive est déclenchée à Verdun, où la Légion étrangère n'a pas encore combattu. Il s'agit de compléter la reconquête des territoires perdus lors des offensives allemandes de 1916. Pour la première fois, les attaquants disposent du soutien d'une grosse concentration d'artillerie lourde. Du 20 au 26 août, 3 millions d'obus de 75 et 1 millions d'obus lourds sont tirés, soit 5 tonnes par mètre de front.

L'objectif de la division marocaine est de reprendre aux Allemands un saillant sur la rive gauche de la Meuse. Le RMLE fait partie de la première vague d'assaut et doit prendre le bois de Cumières. Une autre unité doit ensuite pousser plus loin.

A 4 heures 40, les légionnaires du 1er bataillon s'élancent vers les lignes ennemies, collant au plus près aux tirs des canons français. Les défenseurs sont encore sous le choc d'une préparation d'artillerie enfin efficace. Les légionnaires prennent le bois de Cumières puis le boyau des Forges, réputés inexpugnables. Cette action d'éclat vaut au régiment une nouvelle citation.
Il est à peine 10 heures du matin et les pertes restent légères. Le lieutenant-colonel Rollet décide alors de pousser cet avantage inespéré. Son attention se porte sur l'ouvrage 265, situé un kilomètre plus loin sur la "côte de l'oie". Puissamment défendue, cette position d'artillerie semble en effet plus vulnérable à partir du bois de Cumières. Sous les yeux du général Pétain et du général Pershing, informés de l'évolution favorable de l'attaque, le 1er bataillon s'empare de l'ouvrage en moins d'une heure. Puis le 2e fait la conquête du reste de la "côte de l'oie".

Le lendemain, le 21 août c'est au tour du 3e bataillon de monter à l'assaut. Le village de Régnéville est rapidement conquis, puis le ruisseau de Forges est franchit et enfin les légionnaires prennent le village de Forges. Le RMLE a progressé de 3 kilomètres au prix de pertes minimes : 53 tués dont un officiers et 271 blessés et disparus dont 20 officiers. Bien que blessé d'un éclat d'obus au bras gauche, le lieutenant-colonel Rollet a conservé son commandement. Au total, 680 Allemands, dont 20 officiers, sont capturés. Les légionnaires s'emparent d'une masse considérable de matériel dont 10 canons de 77, 4 de 105, et 1 de 380.

Après cette offensive victorieuse, la division Marocaine est mise au repos dans la région de Vaucouleurs et de Bois l'Evêque. le 27 septembre, elle est passée en revue par le général Pétain. A cette occasion, il décore de la Légion d'honneur le drapeau du RMLE. En épinglant à la cravate du drapeau la croix de la Légion d'honneur, il annonce aux légionnaires la création prochaine d'une fourragère rouge, aux couleurs de la Légion d'honneur. Le 3 novembre, le RMLE est le premier régiment à la recevoir.

 

Dernière année de guerre

La crise des effectifs
Du 20 octobre 1917 au 17 janvier 1918, la Légion se trouve dans la région de Flirey. Seul un coup de main d'envergure, mené avec succès le 8 janvier, trouble la quiétude de ce secteur.

En ce début d'année 1918, le RMLE n'est pas épargné par une crise des effectifs qui touche d'ailleurs l'ensemble de l'armée française. Il récupère bien quelques éléments de qualité en provenance du bataillon d'Orient, récemment dissous, mais l'évolution reste préoccupante. Avec l'accroissement du nombre de pays belligérants, la Légion se trouve coupée de ses sources de recrutement traditionnelles.

La Suisse, l'Espagne et dans une moindre mesure les Etats-Unis continuent à fournir des contingents non négligeables mais insuffisants pour combler les pertes ou les départs pour les armées nationales, polonaise ou tchèque par exemple.

La défaite russe apporte une nouvelle vague de volontaires d'une qualité variable. La RMLE intègre ainsi trois bataillons qui se sont mutinés à la Courtine, en septembre 1917. Beaucoup de Russes désertent ou refusent de combattre, mais ils seront néanmoins nombreux à bien se comporter lors des premiers combats de l'année 1918. Pour autant, la fiabilité des Russes restent douteuse et conduit à préférer une intégration limitée après une sélection des meilleurs éléments lors de l'instruction.

Par ailleurs, Lyautey n'accède aux demandes de renforts qu'au compte-gouttes car les 5 bataillons de Légion sous ses ordres lui apparaissent indispensable pour conserver le Maroc. Cette situation inquiète le lieutenant-colonel Rollet qui craint la dissolution de son régiment en cas de nouvelles pertes importantes. Il propose alors de chercher des volontaires dans les régiments français voire de prélever sur les autres régiments les effectifs nécessaires pour conserver opérationnel un régiment aussi exceptionnel.

L'Allemagne reprend l'initiative
Après l'échec de l'offensive de Nivelle, seule l'armée britannique avait continué à mener des opérations de grande envergure à Messine, Ypres, Passchendaele et Cambrai. Cette dernière opération avait vu un engagement massif de chars sans préparation d'artillerie. Après un succès initial, des divisions allemandes transférées de Russie avaient lancé une contre-attaque victorieuse et repris le terrain perdu. Désormais les Anglais étaient également exsangues. A la fin du mois d'octobre, le désastre de Caporetto oblige même les Français et les Anglais à déployer 11 divisions dans la péninsule italienne pour soutenir une armé italienne en grande difficulté.

A l'automne 1917, le transfert en grand nombre des divisions allemandes du front de l'est redonne l'avantage numérique aux Allemands. Ludendorff décide alors de frapper un coup décisif avant le déploiement des troupes américaines. Un grand nombre de ses troupes emploient désormais une tactique particulièrement efficace : un tir d'obus à gaz et fumigènes puis un bref et violent bombardement suivi au plus près par des groupes d'assaut qui s'infiltrent en profondeur dans les lignes ennemies en contournant les points de résistance laissés à la deuxième vague d'assaut. Abondamment pourvus en grenades, pistolets, mitrailleuses légères et même quelques nouveaux pistolets-mitrailleurs, ces Stosstruppens ont déjà démontré toute leur efficacité en Russie (Riga), en Italie (Caporetto) et en France (contre-offensive de Cambrai).

Devant cette menace, Pétain préconise une défense en profondeur avec une position principale bien en arrière de la ligne de front. Les points de résistance situés en avant doivent ralentir et désorganiser les assaillants en attendant la contre-attaque des divisions placées en réserve comme la division marocaine et ses légionnaires.

Hangard-en-Santerre
Le 21 mars, les Allemands engagent les IIe, XVIe et XVIIIe armées dans le secteur de Saint-Quentin. Les 3e et 5e armées britanniques sont incapables de résister aux 66 divisions allemandes soutenues par 6.000 pièces d'artillerie. Une brèche de 50 kilomètres s'ouvre dans leurs lignes. Les 1ère et 3e armées françaises forment alors le groupe d'armées de réserve qui doit maintenir la liaison avec l'armée britannique.

La division marocaine débarque à Villers-Bretonneux le 2 avril, en provenance de Vaucouleurs. Une contre-attaque sur Avre est prévue le 12 mais la menace qui pèse désormais sur Amiens fait abandonner cette opération. Le 25, le RMLE est engagé à l'aile droite de la division marocaine. Il doit reprendre le bois de Hangard, situé au nord de la route entre Amiens et Noyon.

Pour la première fois les légionnaires vont bénéficier de l'appui des chars, britanniques en l'occurrence. Les Allemands s'avèrent néanmoins mieux préparés à un combat aussi mobile. Des groupes de mitrailleurs profitent du brouillard pour s'infiltrer entre les avant-postes français. Les chars s'avèrent incapables de les museler et leurs tirs fauchent les légionnaires dont la progression n'excède pas 500 mètres. A la fin de la journée il ne restera qu'un officier et 187 hommes valides au 1er bataillon. Le 3e bataillon le soutient mais perd son chef, le commandant Colin, et de nombreux autres en atteignant la lisière du bois. L'avance meurtrière se poursuit entre les arbres. Une brutale contre-attaque repousse temporairement les légionnaires mais ils produisent un nouvel effort et restent maître du terrain au prix de 120 tués, 497 blessés et 205 disparus.

Cette coûteuse action d'éclat vaut au régiment sa septième citation. Il tient sa position jusqu'à sa relève, le 6 mai, puis gagne la région de Versigny et d'Ermenonville pour prendre du repos. L'offensive allemande est stoppée mais la gravité de la situation oblige les Alliés à mettre enfin en place un commandement unifié : le 26 mars, le général Foch est nommé commandant en chef de l'ensemble des forces de l'Entente. Du 9 au 29 avril, Ludendorff lance une nouvelle offensive contre l'armée britannique dans les Flandres. Avec le soutien des Français, celle-ci est également contenue. Dans les deux cas les réserves d'artillerie française jouent un grand rôle en soutenant les contre-attaques.

Montagne de Paris
Le 27 avril, les Allemands lancent une troisième offensive au Chemin des Dames. Un violent bombardement à l'ypérite neutralise l'artillerie française. Contrairement aux consignes de Pétain, l'essentiel des défenseurs occupent les premières lignes et subissent de lourdes pertes.

L'Aisne est franchie dans la soirée. Le 1er juin, les Allemands atteignent la Marne à Château-Thierry. Le 29 mai, la division marocaine et le RMLE sont acheminés par camions à l'ouest de Soissons qui vient de tomber aux mains de l'ennemi. Il s'agit de bloquer son avance vers Villers-Cotterêts en prenant position sur la "Montagne de Paris".

L'attaque se déclenche au petit matin après un bref mais violent barrage d'artillerie. Nettement supérieur en nombre, l'ennemi réussit à prendre pied dans les positions de la Légion. Obligés d'économiser leurs munitions, les légionnaires perdent 47 tués, 219 blessés et 70 disparus en deux jours de combat. Ces pertes viennent s'ajouter à celles du mois précédent qui n'ont pas été compensées (1.250 hommes). Néanmoins, le RMLE réussit à maintenir ses positions et à bloquer l'avance allemande dans son secteur.

Saint-Bandry
Le RMLE reste engagé dans les environs de Soissons. Le 5 juin, il s'installe dans le ravin d'Ambleny à Courtanson, en avant de Saint-Bandry avec le 4e régiment de tirailleurs algériens. Le 12 juin, il perd 36 tués, 94 blessés et 5 disparus en subissant sa dernière attaque allemande sérieuse. Manquant d'effectifs, le régiment est menacé d'être tourné sur son flanc droit, à la Fosse-en-Haut. Deux compagnies d'infanterie et une compagnie de mitrailleuses du 7e tirailleurs algériens, placées sous les ordres du lieutenant-colonel Rollet, sont nécessaires pour rétablir la situation.

Les canons de 75 portés sur camions et la réserve d'artillerie lourde pilonnent les axes de pénétration allemands. Puis l'intervention près de Villers-Cotterêts de 5 divisions américaines, soutenues par les chars légers Renault FT-17, porte un coup fatal à l'offensive ennemie.

Ludendorff attaque de nouveau le 9 juin sur le saillant de Matz, entre les poche de Montdidier et de la Marne. Après un maigre succès initial les assaillants sont violemment contre-attaqués par 4 division françaises.

La contre-offensive de Foch
Bien que durement éprouvée, la division marocaine est désignée pour être le fer de lance de l'offensive préparée par Foch sur le saillant ennemi de Soissons. Ludendorff le prend de vitesse en attaquant une dernière fois le 15 juillet, près de Reims. Là où la tactique de défense en profondeur de Pétain est employée, les Allemands sont contenus. Ils réussissent néanmoins à percer à l'ouest de Reims et franchissent la Marne dans la région de Dormans. Epernay est menacée alors que les dernières réserves françaises sont épuisées.

Foch refuse d'effectuer des prélèvements sur la 10e armée de Mangin réservée pour la contre-offensive. L'artillerie et l'aviation française pilonnent les passages sur la Marne pour ralentir l'avance ennemi.

Dans la nuit du 17 au 18 juillet les 18 divisions de la 10e armée et les 9 divisions de la 6e armée occupent leurs positions de départ entre Soissons et Château-Thierry. L'attaque doit se développer sur une largeur de front de 40 kilomètres. Une puissante artillerie, 68 escadrilles et 545 chars sont engagés en soutien.

Le RMLE est chargé de prendre le plateau des Dommiers avec l'appui de chars légers Renault FT-17. L'attaque commence à 4 heures 45 du matin sans préparation d'artillerie mais derrière un barrage roulant. Le 2e bataillon en tête, le régiment s'enfonce profondément dans le dispositif allemand et prend le plateau de Dommiers. Le 20 juillet, les légionnaires atteignent la route de Château-Thierry à Soissons après avoir franchit le ravin de Chazelles-Léchelles et pris les positions ennemies de La Foulerie et d'Aconin. Les Allemands lancent alors trois contre-attaques à partir de Buzancy. Soutenus par de puissants tirs d'artillerie, ils reprennent la ferme de l'Aconin mais s'épuisent contre les défenses de la Légion. Les pertes atteignent 780 hommes et le RMLE doit être relevé dans la nuit. Ces deux mois de combats lui valent une huitième citation.
Avec 17.000 hommes et 300 canons capturés la contre-offensive de Foch est un succès. Leurs lignes de ravitaillement menacées, les troupes allemandes doivent évacuer le sud de la Marne puis se replier encore plus au nord derrières la Vesle. Le 6 août, Foch est fait maréchal de France.

La percée de la ligne Hindenburg
Le 8 août les Français et les Anglais portent un coup terrible à l'ennemi dans la région d'Amiens. Après ce "jour noir", l'armé allemande perd toute velléité offensive. Le 22 août, elle se retrouve repoussé sur ses positions du printemps. Le Kaiser et Ludendorff décident d'engager des négociations tout en tentant de se maintenir sur le sol français en tenant la ligne Hindenburg. Conscient de la faiblesse allemande, Foch s'apprête maintenant à porter une série de coups décisifs pour gagner la guerre en 1918.

Bien que réduit à 48 officiers et 2.515 hommes, le RMLE va contribuer de manière exemplaire à cette offensive finale. Dès le 1er septembre, il gagne le secteur du plateau de Laffaux pour relever des troupes américaines. Du 29 au 31 août, celles-ci ont tenté sans succès de prendre les villages de Terny et de Sorny. Le 2e septembre, la Légion s'empare de la position en quelques heures. Le 2e bataillon perd son chef dans l'affaire, le capitaine de Lannurien. Le 5, le 3e bataillon reprend la progression et occupe de vive force Neuville-sur-Margival et le tunnel de Vauxaillon. Dans les jours suivants, l'attaque s'enlise. Les compagnies du régiment ne compte plus en moyenne qu'une cinquantaine de combattants valides. Les autres unités de la division marocaine sont également éprouvées mais toutes s'avèrent encore capables d'un dernier effort pour percer la ligne Hindenburg.

Le 14 septembre, le bataillon Maire s'élance, soutenu par le bataillon malgache et un bataillon composé de Russes. Devant l'impétuosité de l'assaut, les Allemands cèdent : le château de la Motte et le village d'Allemant changent de mains. Le bataillon Maire capture un nombre de prisonniers double de son propre effectif.

Ces treize jours de combats ininterrompus valent au RMLE sa neuvième citation. Ils lui coûtent aussi la moitié de ses hommes avec 10 officiers et 265 légionnaires tués ainsi que 15 officiers et 1.143 légionnaires blessés.
La ligne Hindenburg est maintenant percée. Le 26 septembre, le maréchal Foch lance une offensive générale. Le 5 octobre, les Allemands abandonnent définitivement la ligne Hindenburg. Après un moment de panique, Ludendorff tente de replier en bon ordre ses troupes sur la Meuse mais la chute du moral sur le front comme en Allemagne rend la situation sans espoirs.

Les honneurs
Terriblement éprouvé, le RMLE reconstitue ses forces dans la région de Rosière-aux-Salines puis de Saulxures-les-Nancy. Le 26 octobre, il se met en route pour prendre part à la grande offensive qui doit libérer Metz mais la fin de la guerre survient avant son déclenchement. Le 11 novembre, l'armistice est signé dans le wagon de Foch à Versailles.

Les honneurs ne sont pourtant pas terminés pour le RMLE. Le 4 novembre, son drapeau reçoit la fourragère double aux couleurs de la Médaille Militaire et de la Légion d'honneur, pécialement créée pour l'occasion. Le Régiment d'Infanterie Coloniale du Maroc (RICM) sera la seule autre unité à arborer cette distinction, c'est aussi le régiment le plus décoré de France devant le RMLE avec 10 citations.

Le 17 novembre, les légionnaires se retrouvent en Lorraine sur des territoires épargnés par la guerre. La population fait un accueil chaleureux à la division marocaine du général Daugan qui défile dans les rues de Château-Salins. Le colonel Rollet marche à la tête de son régiment, son flanc couvert de médaille. Le général Daugan fait alors former le carré pour rendre un hommage particulièrement émouvant au drapeau du RMLE.

Le 1er décembre, les légionnaires pénètrent en Allemagne, à Hornbach. Le régiment fait ensuite partie des unités qui ont l'honneur de monter la garde au Rhin.

Ultime honneur accordé à seulement cinq régiments, le drapeau du RMLE est décoré de la Médaille militaire le 30 août 1919.

Sur les autres fronts

Les Dardanelles
Sur l'insistance de Winston Churchill, alors Premier Lord de l'Amirauté, la France et l'Angleterre mènent une opération conjointe pour forcer les détroits turcs. Après une première phase navale de plusieurs mois qui pousse pourtant l'excellente défense turque presque à bout, il est décidé d'opérer le débarquement d'un corps expéditionnaire dans la péninsule de Gallipoli.

Mal conduite l'opération tourne rapidement au désastre. Les troupes débarquées sont décimées ou restent au bord des plages. Les Turcs renforcent leurs défense mais s'avèrent incapables de rejeter les assaillants à la mer malgré plusieurs contre-attaques particulièrement violentes.

Le 1er étranger et le 2e étranger fournissent chacun deux compagnies pour former un bataillon de marche intégré au 1er régiment de marche d'Afrique. Le 28 avril, les légionnaires débarquent à Seboul-Bahr et s'emparent des objectifs qui leurs sont assignés malgré de lourdes pertes. Cette action vaut au bataillon une citation mais en juin il doit être retiré car il ne compte plus qu'une centaine d'hommes commandés par l'adjudant-chef Léon. Tous ses officiers sont hors de combat. En décembre 1915, l'ensemble du corps expéditionnaire est rembarqué, longtemps après les légionnaires.

En Serbie
Reconstitué en partie grâce aux meilleurs éléments du bataillon grec, dissous après son mauvais comportement au feu en France, les légionnaires sont en engagés dans les Balkans. La France à décidé de soutenir son allié à partie du port de Salonique, au grand mécontentement du gouvernement grec. Avec l'entrée en guerre de la Bulgarie aux côtés des puissances centrales, la position serbe devient intenable. Belgrade tombe aux mains des forces allemandes et autrichiennes après seulement deux jours de combat, le 9 octobre. Deux jours plus tard, les Bulgares passent à leur tour à l'offensive, coupant la route de Salonique à l'armée serbe en pleine retraite. Celle-ci entame alors une longue retraite vers l'Albanie.

Le 16 novembre, le bataillon de marche obtient sa deuxième citation lors de l'attaque de la "Dent de scie". Puis il participe à la retraite à travers les montagnes par un froid rigoureux.

De septembre à novembre 1916, le bataillon de marche participe à l'offensive des forces serbes et françaises à l'ouest du Vardar. Il entre à Monastir en même temps que la cavalerie serbe et gagne dans ces combats sa troisième citation et la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre.

Trois mois plus tard le bataillon participe à l'attaque de la Trana Stena et s'empare des objectifs qui lui sont assignés. Les contre-attaques bulgares sont repoussées mais ne laissent que deux cents légionnaires valides. Les bataillons est alors dissous et l'essentiel de son effectif rejoint le RMLE en France à la fin de 1917.

Russie du nord
L'armistice ne signifie cependant pas la fin des combats pour la Légion étrangère. Elle doit former un bataillon de marche pour renforcer le Corps d'occupation française en Russie du Nord. Sa 1ère compagnie gagne Oboserskaïa dans les premiers jours de décembre 1918. La 2e compagnie arrive en mars 1919 et se trouve engagée dans de violents affrontements. La température très basse rend la campagne particulièrement éprouvante

La 3e compagnie et la compagnie de mitrailleuse ne rejoignent qu'au mois de juillet. Le bataillon reçoit alors l'ordre de barrer la route d'Arkhangelsk à l'Armée rouge. Quelques mois plus tard, il est dissous et rattaché au 1er étranger. Quelques légionnaires libérés vont combattre devant Petrograd avec l'Armée russe blanche de Boudenitch.

Après le conflit

Le remarquable comportement de la Légion étrangère en France mais aussi au Maroc se traduit pour le corps par un prestige encore jamais atteint.

En juin 1919, un ancien de la Légion étrangère, le général Mordacq, devient chef de cabinet de Clemenceau. Il entreprend de réorganiser le corps et souhaite créer des divisions de Légion étrangère dotées de cavalerie et d'artillerie. En novembre, Lyautey évalue à 30.000 européens les effectifs nécessaires pour contrôler le Maroc. Il réclame le développement de la Légion étrangère pour satisfaire ces besoins. Les régiments de cavalerie et d'artillerie sont crées par décrets en 1920.

Le 1er étranger reste à Sidi-Bel-Abbès qui devient un centre administratif et un centre de formation. Le 2e étranger quitte Saïda pour Meknès. Le Régiment de Marche de la Légion Etrangère (RMLE) devient le 3e étranger et prend garnison à Fès, en janvier 1921. Le 4e étranger est formé à Meknès en décembre 1920, puis transféré à Marrakech. Le régiment étranger de cavalerie est formé à Sousse en Tunisie en 1922.

 

Le général Rollet s'aperçoit très vite que la "nouvelle Légion" se trouve face à un problème de recrutement encore plus grave qu'avant la Grande Guerre. Sur le plan quantitatif, il faudra attendre la grande crise économique de 1929 pour disposer de suffisamment d'engagés.

L'organisation officielle du 10 janvier 1921 est de 4 régiments. Chacun d'eux comporte 5 bataillons de 500 hommes et deux compagnies montées de 250 hommes chacune. Cet organigramme implique un effectif total de 18.000 légionnaires difficile à réaliser. En 1923, la Légion ne dispose au total que de 13.469 hommes.

La Légion étrangère compte alors 18 bataillons d'infanterie, 6 escadrons de cavalerie, 5 compagnies montées et 4 compagnies de sapeurs. Le développement du corps ne s'arrête cependant pas là. En 1930, les 3 bataillons du Tonkin cessent d'être rattachés administrativement au 1er étranger pour former le 5e étranger. En 1939, 3 bataillons du 1er étranger et un du 2e stationnés en Syrie forment le 6e étranger. La même année, un 2e régiment étranger de cavalerie est constitué. Les régiments d'artillerie prévus ne seront cependant jamais formé, mais quelques batteries sont mises sur pied pendant les années trente. En 1933, la Légion étrangère compte 33.000 hommes.


II°/3° REI

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Fin août 1947, le 2e Bataillon du 3e Régiment Etranger d’Infanterie (IIe/3e REI) basé à Bentré en Chinchine fait mouvement sur le Tonkin. Je quitte la ville avec le détachement précurseur de ma compagnie. Je n’arriverai au Tonkin que bien longtemps après mes camarades. En effet, à quelques kilomètres de Bentré, mon véhicule saute sur une mine. Mes camarades sont morts ou blessés ; ayant pris place au fusil-mitrailleur juché sur le toit du camion, j’effectue un splendide vol plané, la rizière n’étant pas pour moi, je chute sur le sol où je me fracture la jambe droite.

L’infirmerie-hôpital de Thu Dau Mot puis l’hôpital de Bien Hoa m’accueilleront. Pendant que je traîne ma « flemme » en apprenant, à cloche pied, à jouer au ping pong,l’opération « LEA » est lancée contre le réduit Viet-Minh du Haut Tonkin avec l’espoir de capturer Hô Chi Minh. Elle débute le 7 octobre par le largage de deux bataillons parachutistes sur Cao-Bang et Bac Kan. Simultanément, deux colonnes convergent vers Cao-Bang ; l’une commandée par le colonel Beaufre progresse sur la RC 4, le IIe/3e REI est de la partie, l’autre via Bac Kan par la RC 3. Une troisième colonne, fluviale celle là, remonte le fleuve Rouge puis la rivière Claire pour tenter d’atteindre la ville de Tuyen Quanc. C’est dans cette ville que fut composé vers 1885 l’hymne de la Légion »Tiens voila du bon vin » qui devint par une lecture erronée « Tiens voilà du boudin », erreur imputable aux lettres gothiques. Le groupement « B » progresse sur la RC 4. Fort de 8000 hommes et de 800 véhicules ; du 7 au 14 octobre, il avance dans un paysage de terre brûlée sans rencontrer de résistance et après avoir atteint Cao-Bang il redescend à la rencontre du groupement »A » sur Bac Kan. A partir du 16 novembre, la RC 4 peut être utilisée de Tien Yen sur le golfe du Tonkin à Cao-Bang, soit sur 230 kilomètres. Cette route, dont la largeur n’excède jamais cinq mètres, serpente à flanc de colline, entre des pitons calcaires, sorte de Baie d’Along terrestre, dans une jungle inextricable que les Viets transformeront rapidement en une sorte d’abcès sanglant et que l’on baptisera très vite la « Route de la mort ». Quelques rares plaines en cuvette dans lesquels sont installés les villages, jalonnent ce cordon ombilical que le commandement, avec juste raison, on s’en rendra compte dans quelques années, considère comme vital. La RC 4 verrouille la frontière entre la Chine et le Tonkin empêchant ainsi l’arrivée d’hommes et de matériels dont le Viet-Minh a grand besoin. La RC 4 de That Khe à Dong Khe : Le commandement va y implanter des postes. Cette piste, plutôt que route, va devenir le tombeau d’un nombre incalculable de véhicules qui tombant en panne et abandonnés sont « zabralisés » par les chauffeurs suivants qui prendront quelques risques en s’arrêtant pour récupérer pièces, matériel et ravitaillement. C’est au IIe/3e REI qu’échoit la difficile mission d’assurer la protection de la route allant au sud du poste de Deo Kat, au nord au débouché du col de Luong Phai sur la plaine de Dong Khe. Une demi-douzaine de postes sont construits : Environ 800 légionnaires tiennent ces postes répartis sur une distance de 25 km à vol d’oiseau. That Khe comme tous les gros villages frontaliers possède une citadelle établie sur un petit promontoire que le Viet-Minh a détruite ; elle sera reconstruite en un temps record par les légionnaires ainsi que le marché face à la pagode. La route devient très vite dangereuse. En effet, dès le 1er janvier 1948, les Viets attaquent un convoi, du groupe 516, qui descend sur Lang Son, à 34 km au sud de Cao-Bang.Le combat va durer trois heures et nos pertes seront importantes : 22 morts, 1 disparu et 40 blessés. Le 28 février la Cie de commandement régimentaire accomplissant une ouverture de route est attaquée pratiquement au corps à corps. Bilan : 22 morts et 33 blesses. Dans la nuit du 16 au 17 mars, simultanément, tous les postes du sous secteur de That Khe sont attaqués à minuit. Les postes de Deo Kat et du Song Ky Cung tenu par la 8e compagnie commandée par le lieutenant Le Gouaille (2), sont enlevés en moins d’une heure. La compagnie n’existe plus. Le lendemain 17 mars, le sergent major de la compagnie qui avait été fait prisonnier est libéré et apporte un message du commandement Viet-Minh demandant que l’on récupère morts et blessés. Environ 1500 Viets et 3000 Chinois auraient pris part à cette affaire. Pour la première fois je pressens, moi qui ne suis qu’un modeste caporal de la Légion, devant la tranquillité du commandement Viet-Minh, ce qui va nous arriver. Le 7 avril, au nord de Dong Khe, un convoi tombe dans un nouveau piège. Les Viets installés et dissimulés dans les calcaires et l’épaisse végétation tropicale s’en donnent à coeur joie en mitraillant la route. L’aviation appelée en renfort sera inefficace. Le combat durera plus de 4 heures et se soldera dans nos rangs par deux morts et une vingtaine de blessés. Le 16 avril le IIIe/3e REI s’installe à Dong Khe en remplacement d’une unité de tirailleurs. Ce renfort améliore sensiblement la sécurité, pour quelques temps du moins, mais Bac Kan a été abandonnée. Il faudra attendre le 10 décembre pour qu’une patrouille d’ouverture de route venant de Cao-Bang soit attaquée au km12. On compte douze morts et huit blessés tandis que deux véhicules sont détruits ; Noël sera calme malgré quelques coups de feu. L’année 1949 s’annonce difficile. Les Viets reprennent leurs actions et font sauter la plupart des ponts. La plus grosse attaque se produira au col de Luong Phai le 3 septembre. Ici, à ce point de mon récit, il est bon que je signale un événement resté inconnu de la plupart des auteurs, ayant relaté la guerre d’Indochine. Cette péripétie peut apparaître mineure et localisée, mais révélatrice de l’esprit de cette guerre : A 3 km au sud de That Khe, au poste du pont radier intermédiaire, long d’une trentaine de mètres,tout est calme en cette nuit du 28 au 29 août, chaude et très noire à cette époque de l’année en Haute-Région. Il y a là le sergent Gris (3) chargé de tenir la position avec un groupe d’une dizaine de légionnaires. Gris ayant fait établir par son caporal les tours de garde et ayant lui-même mis en place les premières sentinelles, trouvant que la chaleur à l’intérieur du blockhaus nord est insoutenable, décide de se réfugier dans la fraîcheur relative de l’extérieur, sur le toit du blockhaus. Vers 3 heures du matin, une sorte de pressentiment le réveille, le fait se lever et aller inspecter les emplacements de garde. Il se dirige vers le blockhaus sud. Arrivé au milieu du pont il croise un légionnaire qui vient vers lui, auquel il demande si tout va bien, l’autre lui répond affirmativement. Gris continue sa route, arrive près du poste de garde, il constate qu’il n’y a pas de sentinelle. Intrigué il descend dans la chambre du blockhaus. Elle est vide ! Il se précipite vers le blockhaus nord, d’où il vient : personne ! Il n’y a plus le légionnaire qu’il avait croisé tantôt. Tout son poste a déserté ! Il bondit sur la radio ; de permanence je réceptionne son message qui m’informe de la dramatique situation dans laquelle il se trouve. Aussitôt je réveille mon capitaine et lui rend compte. Le bataillon est mis en état d’alerte. Il est environ 3 heures 30 et il fera nuit jusqu’à 6 heures 30. Ordre est donné au sergent Gris de ne pas bouger et de se barricader dans le blockhaus nord. Il n’est armé que d’un pistolet-mitrailleur, de 4 chargeurs d’une grenade. L’attente est angoissante de ce qui devrait immanquablement se produire. Mais rien ne survient. A 6 heures une colonne de secours part pour le poste intermédiaire ou elle trouve le sergent Gris qui n’en mène pas large : une dizaine de déserteurs d’un seul coup,cela fait beaucoup. On peut aisément concevoir que le légionnaire rencontré par le sergent avait pour mission de l’assassiner et de détruire la radio ; se trouvant inopinément devant lui il n’avait pas osé. Le sergent avait eu ainsi beaucoup de chance, les déserteurs ayant certainement décidé de mettre, rapidement, de la distance entre eux et la colonne qui devait sûrement arriver, ils n’avaient pas cherché à attenter à la vie de Gris. Le 3 septembre, le convoi de ravitaillement se rendant à Cao-Bang, composé de 90 véhicules dont beaucoup sont des cars « chinois » quitte That Khe vers 13 heures 30. Une heure plus tard, le col de Luong Phai est transformé en enfer. La tête du convoi, soit les vingt premiers véhicules, bascule sur Dong Khe en haut du col. Derrière, c’est le trou. Avant de basculer sur Dong Khe, à quelques dizaines de mètres du haut du col, dans un passage en déblai, le 21e véhicule saute sur une mine. Impossible de le dégager dans le ravin d’autant plus qu’un déluge de feu se déchaîne et balaye toute la route tandis qu’après quelques coups de clairon, les Viets abordent la route et sautent sur tous les véhicules. A l’arrière, « topo » identique, les vingt derniers véhicule sont été bloqués. Les Viets peuvent tranquillement organiser le carnage suivi du pillage: 51 véhicules et un Morane d’observation disparaissent dans cet enfer. C’est l’abordage dans le feu et la fumée âcre des véhicules et des corps qui brûlent. Au début de l’attaque je suis en milieu de convoi dans la jeep de mon commandant de compagnie, le capitaine Di Meglio (5), un pied-noir de Bougie, qui commande l’ouverture de route. Il conduit à son habitude torse nu et sans arme. Les Viets abordent la route à une vingtaine de mètres de notre position lorsqu’il saute de la jeep suivi de son ordonnance portant sa carabine et qui lui crie de s’arrêter. Blabla, mon ordonnance,et moi-même sautons à notre tour tandis que la jeep flambe et nous déboulons dans le thalweg. Les Viets ne nous suivent pas, se contentant de faire prisonnier le capitaine Di Meglio et son ordonnance. Celui-ci nous sera rendu deux jours plus tard, je n’ai jamais plus rien su du capitaine Di Meglio. Mon polonais de Blabla et moi, après avoir suivi le fond du thalweg et échappé à la poursuite et aux recherches des bodoïs fouineurs arrivons dans la nuit au poste du pont Bascou ou nous nous faisons reconnaître. Le 2e Bataillon sous les ordres du Cdt Raberin qui assurait la protection du convoi en pitonnant sur les hauteurs sur sa gauche a été cloué au sol et n’a jamais pu intervenir.A That Khe cela a été l’attente inquiète. L’artillerie composée d’un seul canon ayant perdu son avion d’observation n’a pu intervenir que par des tirs désordonnés et sans réelle efficacité. That Khe tout l’après midi et toute la nuit du 3 au 4 est restée vide de troupes à l’exception d’une légère couverture de bureaucrates.Si les Viets avaient voulu… Mais il étaient trop occupés à se battre et ensuite à récupérer tout ce qui était récupérable. Le lendemain, les ouvertures renforcées reprendront pied sur le col sans rencontrer de résistance et fouilleront la jungle à la recherche des morts et des blessés ainsi que de quelques rescapés. Des corps achèvent de se consumer. Tous les véhicules ont été systématiquement vidés et les Viets friands de caoutchouc pour leurs sandales, ont récupérés les pneus. Toutes les boites de conserves qui n’ont pu être transportées par les coolies des Viets ont été percées à l’aide de coupe-coupe ou de pioche. De retour sur les lieux le 21 septembre avec trois camarades, mon inséparable Blabla, le caporal Baste mon adjoint, et le maréchal des logis chef commandant l’artillerie de That Khe, nous patrouillerons les 10 km du col sans rencontrer âme qui vive pendant que le bataillon s’efforce de récupérer au fond du ravin, un « wrecker » de dépannage de 10 tonnes. Nous ne trouverons qu’une boite de quenelles, une boîte de confiture de fraise et une bouteille de bière intactes. Maigre repas… Le « wrecker » ne sera pas récupéré. A la suite de cette embuscade la décision est prise de modifier les conditions d’exécution des convois. Ils seront désormais scindés en rames de dix à douze véhicules quittant toutes les dix minutes la gare de départ. Au lieu d’avoir une ouverture de route pitonnant et une escorte rapprochée, ils seront protégés par une véritable opération chargée d’assurer la sécurité. Courant novembre 1949, le IIe/3e REI qui est sur la brèche depuis plus de deux ans quitte That Khe pour prendre quelque repos à Dong Dang où, dès décembre, il s’emploiera à recueillir et à contrôler les milliers de chinois du Kuomintang qui refluent sur le Tonkin talonnés par les communistes de Mao Tse Tung. Après 37 mois passés en Indochine dont 29 mois sur la « Route de la mort », je quitterai Dong Dang le 25 avril 1950 pour prendre en France un repos réparateur. Je reviendrai comme volontaire pour un deuxième séjour en octobre, juste après la deuxième défaite de la RC 4 ou les colonnes Charton et Lepage furent anéanties.

Georges Cazalot
Ancien sergent-chef au IIe/3e REI

Notes

1) Le général Salan qui refusait de dégarnir la frontière de Chine avait raison contre le général Revers, qui, lui, voulait l’abandonner.

2) Le Gouaille rapatriable le jour même, sera tué dans ce combat.

3) Il en fallait davantage pour faire perdre « le calme des vieilles troupes » au sergent Gris. En effet, ancien de la LVF en Russie « il en avait vu d’autres »

4) Le lendemain de l’attaque on a retrouvé sur la route la plaque d’identité du déserteur qui devait être le meneur, dans l’affaire du sergent Gris. Elle n’a pas été perdue, mais a été certainement déposée bien en vue pour que l’on sache qu’il avait participé a cette attaque.

5) Di Meglio était, lui, un ancien des FFL

LES ARMÉNIENS au service de la France

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A ceux qui n'ont rien compris et qui ne voudraient toujours pas comprendre

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Les événements dramatiques que vient de traverser la France doivent provoquer le réveil de notre peuple qui depuis de trop nombreuses années n'a pas son mot à dire sur l'immigration qu'on lui impose et donc sur son avenir, la classe politique ayant décidé qu'elle était seule à détenir la vérité et donc à pouvoir décider. Cette dernière est pourtant responsable, par son manque de clairvoyance, son absence de courage, son déni des réalités et sa carence en matière de vision à long terme du monde de ce qui vient de nous frapper. Il n'y a, en effet, pas de mot pour qualifier les actes de barbarie que notre pays meurtri vient de subir. Mais au-delà des personnes qui ont été lâchement assassinées, c'est Voltaire qu'on assassine, c'est la France qu'on veut mettre à genoux, c'est nous tous qu'on attaque, c'est toute notre histoire, notre culture, nos valeurs, notre héritage spirituel qu'on veut détruire et c'est donc toute l'Europe et le monde épris de liberté qui est visé et concerné. Alors devant une telle évidence, nos élites politiques et une grande partie de nos médias vont-ils continuer à nier un vrai problème – l'islam – et à qualifier de problème ceux qui sonnent le tocsin ?
 
Il ne suffit pas de décréter un deuil national, de mettre les drapeaux en berne, de rassembler le peuple dans la rue dans une manifestation unitaire pour tout résoudre. Nos gouvernants ne doivent d'ailleurs pas croire que ce rassemblement historique du 11 janvier constitue une marque d'adhésion ; au contraire, elle démontre l'échec du politique et un début de révolte. Mais ne nous berçons pas d'illusions. L'émotion, la compassion, l'indignation ne suffiront pas. Les islamistes s'en moquent car ils savent que le ver est à présent dans le fruit, bien installé, après une quarantaine d'années conduites de façon insensée et suicidaire par nos élites politiques en matière d'immigration, sans qu'à aucun moment elles aient pris la mesure du danger pour la nation. Les Français doivent donc savoir que cela va dorénavant être difficile et douloureux car il faut qu'ils s'attendent malheureusement à verser du sang et des larmes. Un trop grand nombre de nos compatriotes, croyants ou pas, mais imprégnés des valeurs chrétiennes qui sont universelles, pensent encore qu'un tel ennemi peut être raisonné et amené à changer en proclamant l'amour du prochain. Ils sont victimes de leur culture ouverte aux autres mais qui est devenue une faiblesse exploitée par les barbares. Qu'ils méditent cette phrase de bon sens : "Comme tous les pacifistes, vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi. Or, c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez l’ennemi, vous l’êtes " (Julien Freund). Qu'on le veuille ou pas, nous sommes l'ennemi déclaré des islamistes, et ce depuis longtemps déjà mais nos élites politiques ne le savaient pas. Elles viennent seulement de l'apprendre, ignorant qu'elles avaient elles-mêmes, par leur laxisme, créé des bombes à retardement. Dans ces conditions, il faut être réaliste, seules deux solutions se présentent : la soumission ou la révolte, une révolte qui doit impérativement être menée maintenant – il serait temps – par la classe politique qui, il faut le souligner, s'est suffisamment soumise jusqu'à présent aux exigences d'une immigration de plus en plus hostile à nos valeurs, à nos modes de vie et à nos traditions. Mais cette révolte doit conduire à l'adoption de mesures claires qui devront être appliquées fermement et sans états d'âme. Ne pas le faire serait criminel pour l'avenir de notre nation. Ne pas le faire pourrait mener à l'affrontement, à la violence, à la guerre civile. Il faut donc tirer les conséquences de ces événements dramatiques et nommer clairement et rapidement non pas l'adversaire mais l'ennemi. Il ne s'agit pas de terroristes mais d'islamistes radicaux fanatisés; il ne s'agit pas de Daech mais de l'Etat islamique. Que cela plaise ou pas, c'est le mot islam qui est commun à tous ces barbares qui s'en réclament d'ailleurs. C'est pour cela qu'il est difficile de ne pas considérer l'islamisme comme étant l'intégralité de l'islam, car l'islamiste applique le Coran et les hadiths à la lettre. L'islamiste est donc le bon musulman. Et si on "raisonne " en bon musulman, c'est la Charia qui a été appliquée en punissant Charlie hebdo. Il n'y a donc aucune discussion, aucune négociation possible avec ce fascisme vert. Nos gendarmes et nos policiers ont réussi à neutraliser ces trois premiers fous de Dieu. La justice est ainsi passée par les armes et personne ne s'en plaindra.
 
Cela dit, quand on écoute depuis ce drame nos responsables politiques interrogés par les médias, on ne peut être que consterné par tant d'aveuglement, par un tel déni des réalités, une telle constance à n'énoncer que des lieux communs et une telle incapacité à envisager des réponses adaptées à la menace. C'est pourtant notre Patrie et notre Nation qui sont en danger ! Manifestement, ils n'ont toujours rien compris. Il est donc à craindre que passé ce premier choc, incapables de s'unir sur un sujet vital, droite et gauche confondues continuent à se déchirer, à repousser les décisions, à tergiverser alors que l'ennemi, lui, continue à avancer. Il faut cependant qu'ils prennent garde : si rien n'est fait et si d'autres événements dramatiques se produisent, le peuple de France pourrait ne pas leur pardonner et ils risquent d'être balayés en 2017. Le Premier ministre l'a probablement compris mais son beau discours à l'assemblée nationale reste un discours qui n'annonce que des améliorations de mesures qui sont déjà plus ou moins appliquées. En fait, comme d'habitude, on ne cherche à traiter que les symptômes et non pas les causes. Il faut aujourd'hui avoir le courage de nommer la cause – non pas l'islam de France mais l'islam en France et plus largement dans les pays démocratiques et en Europe en particulier – et accepter les conséquences logiques à en tirer.

La cause

Si certains de nos compatriotes d'origine musulmane ont réussi à s'intégrer – et ils sont nombreux – c'est qu'ils ont compris au fond d'eux-mêmes que c'est leur culture qui maintient un milliard et demi de musulmans dans le monde dans la misère et l'obscurantisme. Alors il y a les uns, intégrés, voire assimilés, certains pratiquant leur foi discrètement, d'autres pas du tout, d'autres étant athées, quelques-uns s'étant même convertis au christianisme, ayant décidé d'adhérer à nos valeurs. Et puis, il y a nos frères harkis que notre mère patrie a abandonnés et maltraités alors qu'ils s'étaient battus pour elle. Ils ont également droit à notre respect, à notre reconnaissance et à notre protection. Les uns et les autres qui sont nos frères ont choisi la France et ses valeurs. C'est pour cela qu'ils réussissent.
 
Mais le choix, ou le non-choix, c'est à dire le laisser-faire en matière de flux migratoires extra-européens associé au regroupement familial décidé il y a quarante ans, les régularisations massives (en 1981 et 1997) et régulières (au moins 30 000 chaque année) de clandestins (ce qui implique le regroupement familial dans la foulée), l'acceptation de la double nationalité pour les non-européens, l'acceptation sur notre territoire de la polygamie (50 000 familles concernées, ce qui représente au moins 500 000 personnes), l'acquisition automatique de la nationalité française à 18 ans (85 000 chaque année), l'instauration de prestations sociales comme l'Aide Médicalisée d’État (AME) véritable pompe aspirante, la non-expulsion des clandestins (aucun chiffre disponible mais on peut les estimer sans risque d'erreurs à plus de 500 000 présents sur notre territoire) ou des déboutés de demande d'asile (65000 chaque année), c'est à dire la non-application de la loi républicaine, conduisent notre pays à la catastrophe que ce soit sur le plan économique ou sur le plan identitaire et donc menacent sérieusement son unité.
 
Alors, pourquoi le ver est-il dans le fruit ? Tout expert sérieux ne peut que constater que, compte tenu de ce qui précède, c'est l'équivalent de 8 à 9 millions de musulmans (français ou étrangers) qui sont présents sur notre territoire qui n'en comptait que 400 000 en 1962 (!). Mais, diront certains, les trois-quarts des musulmans sont pacifiques. On voudrait bien le croire. Mais cela fait tout de même un quart soit au moins 2 millions qui ne le sont pas. On le constate d'ailleurs tous les jours et la meilleure preuve en est, alors que notre pays vient d'être frappé par les fanatiques, la réaction des jeunes, de tous âges, issus de l'immigration qui ont refusé de s'associer à la minute de silence en hommage aux victimes. Comment expliquer que des jeunes de 9 ou 10 ans (!) aient une telle attitude ? Comment peut-on faire l'apologie de ces actes barbares ? C'est bien que leur "éducation", celle qu'ils " reçoivent " de leurs parents les maintient dans la haine et les forment au rejet de nos valeurs et de nos principes de vie. Mais c'est aussi la faute de l’Éducation nationale, et donc de l’État, qui par la politique insensée suivie a fabriqué des freins puissants à leur intégration. Cette politique suicidaire pour la cohésion nationale a pourtant été dénoncée par deux rapports du Haut Conseil à l'Intégration (en 1990 et 2010) sans que cela n'émeuve aucun de nos ministres de l’Éducation nationale pendant toutes ces années. De plus, on ne peut que condamner le rôle critiquable de nos élites politiques déterminant avec les lois mémorielles sélectives et l'instrumentalisation de l'histoire avec des conséquences extrêmement néfastes. Ils n'ont fait qu'injecter le poison de la haine à cette jeunesse issue de l'immigration appelée à devenir automatiquement française. Comment expliquer que 25 % des 18 à 35 ans dans notre pays aient une opinion favorable à l’État islamique ? Comment expliquer la présence dans nos cités de milliers de djihadistes dangereux qui ont fait allégeance à l’État islamique ? En fait, tout cela est cohérent car 25 % des naissances sont d'origine immigrée et confirme bien que le ver est dans le fruit. Mais cela n'a surtout pu se produire qu'en raison des principes mortifères que véhicule l'islam. Car, non Monsieur Lang, l'islam n'est pas une religion de paix et de lumière. Si c'était le cas, cela se saurait. Lisez donc le verset 29/sourate 9, par exemple. Non Monsieur le Président de la République l'islam n'est pas compatible avec la démocratie. La Cour Européenne des Droits de l'Homme n'a-t-elle pas jugé en 2003 que la Charia était incompatible avec les principes démocratiques ? Écoutez donc le maréchal Abdel Fattah al Sissi, actuel président de l’Égypte, qui vient, lui, contrairement à vous, de mettre en cause le dogme islamique, tout le dogme islamique et pas seulement l’islam radical. Il vient de le faire dans l’un des lieux les plus importants de formation d’imams. Il dénonce l’islam pour la situation consternante de naufrage dans laquelle se trouve le monde musulman, et il ne blâme personne d’autre. Il affirme que la peur et le rejet de l’islam qui existent dans le reste du monde viennent de l’islam lui-même et sont une peur et un rejet qui sont fondés. Et il en appelle non pas à une réforme, mais à une révolution (!).
 
" Ce corpus de textes et d’idées que nous avons sacralisé depuis de nombreuses années, au point que s’en éloigner est devenu presque impossible, suscite l’hostilité à notre égard du monde entier (...) Il est impossible que la pensée que nous tenons pour la plus sacrée puisse faire de l’entière communauté des croyants une source d’anxiété, de danger, de meurtre et de destruction pour le reste du monde (…) Est-il concevable que 1,6 milliards de personnes puissent penser qu’elles doivent tuer les autres membres de l’humanité, qui compte sept milliards de personnes aux fins de pouvoir vivre?… Je dis ces mots ici à Al Azhar, devant cette assemblée d’ulémas (…) Tout ce que je vous dis, vous ne pouvez pas le comprendre si vous restez coincés dans cet état d’esprit. Vous devez sortir de ce que vous êtes pour être en mesure d’observer et de réfléchir dans une perspective plus éclairée. Je dis et répète que nous sommes face au besoin d’une révolution religieuse. Vous, les imams, êtes responsable devant Dieu. Le monde entier, je le répète, le monde entier attend votre prochain mouvement (…) car la communauté des croyants est ravagée, détruite ; elle est perdue, et elle l’est à cause de nous" . Nos médias se sont bien gardés de rapporter ces propos pourtant éclairants. Ils constituent un camouflet cinglant pour nos responsables politiques qui courtisent l'islam.

Les conséquences à en tirer

Les événements dramatiques que nous venons de vivre devraient donc logiquement réveiller l'ensemble de la classe politique et conduire nos dirigeants à prendre conscience de la gravité de la situation et à admettre enfin le problème que pose l'islam qui constitue une menace sérieuse pour nos sociétés démocratiques. La réflexion doit donc être engagée, rapidement et sans tabou, sur des mesures adaptées à cette menace qui ne doit pas être considérée comme un simple problème de terrorisme. Car il ne s'agit pas de terrorisme. Non, Monsieur le Président de la République, il ne s'agit pas de terrorisme. " Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde " écrivait Albert Camus . La menace est d'une tout autre nature. Il s'agit d'une guerre déclarée par l'islam radical à la démocratie, et en particulier à la France. Le Premier ministre l'a lui-même reconnu. Il faut donc en tirer les conséquences. Il appartient, bien évidemment, à la classe politique, majorité et opposition, de s'entendre pour déterminer les mesures les plus appropriées et les plus efficaces. Mais cette classe politique qui ne s'est pas illustrée jusqu'à présent par sa clairvoyance et son sens de l'anticipation permettra à un citoyen fidèle à son héritage historique, spirituel et culturel et attaché aux principes et aux valeurs qui en sont issus de formuler quelques suggestions, non exhaustives, qui peuvent faire l'objet de réflexions et de critiques car, bien évidemment, personne ne détient la vérité. Elles visent à lutter contre la barbarie et à essayer de rompre ce processus criminel engagé à marche forcée qui conduit à la fracture de notre identité, car non, nous ne voulons pas de cette " identité heureuse " forcée que certains préconisent par lâcheté. Tirons les enseignements de l'histoire et prenons l'exemple du Kosovo, cœur historique de la Serbie, qui est récemment devenu indépendant par la volonté d'une population devenue majoritairement musulmane du fait de l'immigration albanaise dont le taux de natalité était supérieur à celui des Serbes. Que nos responsables politiques prennent conscience du fait que la démographie peut constituer une arme redoutable.
 
Il convient donc de distinguer deux volets ou deux types d'actions: les premières constituent un arsenal de mesures qu'on pourrait qualifier de classiques, ciblées et aménagées, qui doivent répondre au principe de prévention/répression. Ce sont celles qui s'appliquent aux symptômes. Les secondes, d'une autre nature, doivent répondre au principe de précaution et permettre d'engager dans le temps un processus indispensable qu'on pourrait qualifier de "désislamisation " à l'inverse de ce qui s'est produit au cours de ces quarante dernières années. Ce sont celles qui s'appliquent aux causes et qui doivent faciliter, voire inciter ceux qui ont des difficultés à s'intégrer ou qui refusent nos principes, nos valeurs et nos traditions à quitter la France.

Parmi les premières,

- il serait urgent de déclencher des opérations " coup de poing " dans les cités répertoriées dans la liste des zones de non-droit connues en décrétant localement et temporairement l'état d'urgence pour permettre leur bouclage avec l'aide de l'armée, le temps que les forces de sécurité et de police y effectuent la fouille systématique de tous les véhicules qui s'y trouvent, de tous les garages, de toutes les caves, de tous les appartements de chacun des immeubles concernés. La récupération d'armes de guerre de toutes sortes ainsi que de drogues serait miraculeuse et permettrait l'arrestation et la neutralisation de centaines d'ennemis de  la République ; par ailleurs, les familles concernées doivent être expulsées dans leur pays d'origine ;
- nos candidats djihadistes au départ ne doivent pas être empêchés de partir. Il faut simplement bloquer les mineurs en rétablissant l'autorisation parentale pour quitter le territoire. En revanche, on doit empêcher les djihadistes de rentrer, par exemple en prononçant des condamnations lourdes par contumace et en les privant de la nationalité française lorsqu'ils ont une double-nationalité;
- la justice doit se montrer plus sévère et implacable à l'égard de tous ceux qui prêchent la haine ou qui participent à des actions violentes, y compris les incendies " festifs " de voitures. Et il est essentiel de responsabiliser les parents en frappant là où cela fait mal, c'est à dire au porte-feuille en supprimant les allocations familiales ou autres prestations et en leur imposant des amendes lourdes. En outre, les peines doivent être exécutées en totalité sans possibilité de réduction. Cela permettra d'éviter de donner à des Coulibaly l'occasion de tuer alors que, condamné à 5 ans de prison en 2013, il aurait dû se trouver en cellule ; nous avons là l'exemple d'une faute majeure commise par notre Justice ;
- l'isolement des islamistes radicaux en prison doit être étudié pour éviter la contagion et la radicalisation des autres détenus ; il faut envisager la mise en place de systèmes empêchant l'introduction ou l'utilisation de téléphones portables ou d'ordinateurs dans les établissements pénitentiaires ;
- il faut instituer un contrôle renforcé de l'internet et des réseaux sociaux qui sont de plus en plus utilisés pour endoctriner, recruter, propager des discours de haine des juifs et des chrétiens avec des passages à l'acte ;
- à l'école, il devient urgent et il est impératif d'appliquer les préconisations du Haut Conseil à l'Intégration ignorées jusqu'ici en supprimant notamment les Enseignements de la Langue et de la Culture d'Origine (ELCO) véritables freins à l'intégration, en rétablissant l'autorité des maîtres, en refusant tout compromis en matière d'enseignement et de mixité. Et il faut rendre les parents – tenus de suivre des cours spécifiques de langue française et de civisme – responsables de tout manquement à ces prescriptions en supprimant, si nécessaire, les allocations familiales, voire en expulsant ces familles vers leur pays d'origine ;
- envisager, sinon un retour du service militaire, un système comparable dans l'esprit visant à inculquer les valeurs de la République, le goût de l'effort, l'esprit de corps, le sentiment d'appartenir à une nation ;
- renforcer nos services de renseignement en moyens humains et matériels et faciliter leur travail ;
- créer une agence européenne de renseignement (car l'ensemble de l'Europe est concernée) qui centraliserait les données sur les islamistes, en s'appuyant peut-être sur des structures européennes déjà existantes comme Interpol et Europol ; réétudier le fonctionnement de Schengen.

Parmi les secondes,

- envisager rapidement la refonte complète de notre politique d'immigration en restreignant dorénavant l'entrée de ressortissants de pays hostiles à nos valeurs et notamment à la laïcité ;
- stopper immédiatement le regroupement familial ;
- entreprendre la refonte de notre code de la nationalité avec notamment la suppression de la double nationalité pour les non-européens, la suppression de l'automaticité de l'acquisition de la nationalité française à 18 ans pour les enfants d'immigrés nés sur notre sol, le durcissement des critères pour l'acquisition de la nationalité française par naturalisation ;
- renvoi dans leur pays d'origine des familles polygames ;
- expulsion des clandestins (la scolarisation des enfants ne doit pas constituer une entrave, ils sont clandestins et doivent donc être expulsés) ;
- expulsions des déboutés des demandes d'asile ;
- suppression de l'Aide Médicale d’État (AME) qui est inutile si on applique simplement la loi car un clandestin doit être expulsé ;
- arrêt du cofinancement de la construction des lieux de culte, notamment des mosquées, par les mairies et associations qui ne respectent pas la loi ;
- suppression du subventionnement du culte musulman par la taxe versée aux imams dans les abattoirs halal et interdiction du subventionnement du culte musulman par des pays étrangers (Maghreb, Pays du Golfe) ; ne plus admettre les imams étrangers sur notre sol ;
- application stricte de la loi sur l'interdiction de la burqa, y compris par la force (tolérance zéro) ;
- soumission de l'islam de France aux principes de la République. Ceux qui le refusent peuvent toujours aller pratiquer leur foi dans un pays musulman comme, par exemple, l'Arabie saoudite, le Yémen ou l'Afghanistan. On ne retient personne ;
- au niveau européen, rejeter définitivement la candidature de la Turquie à l'Union européenne ;
 
La question fondamentale qui est donc posée est celle-ci: devant l'islamisation rapide (en quatre décennies seulement) de nos sociétés européennes et en particulier de la société française due au manque de clairvoyance et de courage politique qui conduisent irrémédiablement à la fracture et à la violence, que comptent faire nos gouvernants et la classe politique dans son ensemble ? N'est-il pas temps d'arrêter ce processus mortel pour notre démocratie et d'en engager un autre pour inverser le cours des choses ? Car notre héritage chrétien, en prônant l'amour du prochain, nous a rendus vulnérables face à d'autres qui n'ont pas une vision aussi angélique du monde. Les réactions violentes dans le monde musulman ces derniers jours doivent nous le rappeler. Mais le rôle du politique n'est-il pas d'avoir une vision à long terme avec suffisamment de recul pour ne penser qu'à l'unité, à la sécurité et aux intérêts de son peuple ?
 
Nous sommes, certes, dans un État de droit mais dans certaines situations il est nécessaire de prendre des mesures exceptionnelles. Car on ne fait pas de politique avec de bons sentiments. Que nos gouvernants aient le courage, dans un premier temps de faire simplement appliquer la loi qui existe, toute la loi, rien que la loi dans toute sa rigueur. Cela répondra déjà à l'objet d'un certain nombre de propositions évoquées plus haut. On le constate, ce qu'on attend maintenant de nos gouvernants et de la classe politique c'est le courage d'appliquer des mesures visant à rétablir partout les lois de la République et à refuser les compromis et les dérogations acceptés jusqu'ici par clientélisme. Ceux qui refusent de s'y soumettre sont donc invités et doivent être incités fortement à quitter la France. Ce serait une grossière erreur de renoncer à défendre et à imposer nos valeurs sur notre propre sol.
Le 17 janvier 2015 Général (2s) Antoine MARTINEZ

Devoir d'expression d'un citoyen (pas) ordinaire

SOMMAIRE
Introduction
Le politique
Le politiquement correct
La mondialisation
Vers le désastre programmé
L’immigration extra-européenne
Des mesures insensées qui aggravent la situation
L’école et son environnement : état d’urgence
Des mesures conservatoires urgentes
Le débat sur l’identité nationale
Un constat dramatique qui interpelle le citoyen
Les ambiguïtés de la gauche française
L’islam, une menace pour la Nation et pour la démocratie
Notre engagement en Afghanistan
Le problème de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne
Conclusion

L’unité de la nation française est mise en sérieux danger en raison de la fracture identitaire qui ronge insidieusement le peuple français. Trois facteurs interagissent depuis plusieurs décennies : le manque de clairvoyance, de lucidité et de courage des responsables politiques ; le règne du politiquement correct qui terrorise notre liberté d’expression ; la mondialisation qui a mis à mal le sens du collectif. C’est pourquoi l’avenir de notre société est menacé.
Cette situation désastreuse, amplifiée par une immigration extra-européenne massive dont la culture et la religion invalident tout espoir d’intégration, est aggravée par des mesures sociales insensées adoptées ces dernières années, par la politique contestable de l’Éducation nationale depuis plusieurs décennies et par la suspension du service militaire non remplacé.
Les citoyens attachés à leurs racines, aux valeurs qui ont fait de la France une grande nation, héritiers d’une Histoire et d’une culture, ne peuvent plus rester silencieux face à l’imprévoyance et au laxisme de leurs responsables politiques : Antoine Martinez se fait leur porte-parole.
Editions Amalthée - 238 pages - n° ISBN 978 2 310 01314 7 - 19,80 € site internet : www.editions-amalthee.com


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