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Pour une révolution humaine dans les affaires militaires

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vendredi 5 décembre 2014

« L’homme au cœur de tout » est un figure imposée de tout discours militaire, surtout ceux qui décrivent la mise en place d’équipements très sophistiqués et suffisamment coûteux pour justifier justement la suppression des hommes afin de les financer. L’homme est effectivement au cœur des préoccupations comptables de ceux qui raisonnent la productivité du ministère de la défense en termes de rapport budget/personnel au lieu de raisonner en termes d’effets à obtenir. Il est temps qu’il le soit également pour ceux qui réfléchissent à limiter les dégâts de l’implosion rampante qui accable l’armée de terre. 

En temps de pénurie, le réflexe est bien souvent de centraliser les moyens afin de mieux « gérer la misère ». Ce n’est bien souvent qu’un court répit. On aboutit ainsi à une macrocéphalie, avec des états-majors énormes pour diriger de manière de plus en plus rigide un pool de forces de plus en amaigries et déstructurées. Le résultat est un paralysie croissante de l’armée de terre d’ « en bas » empêtrée dans le feu croisé de commandements « transverses », de réglementations de plus en plus étouffantes et de moyens autonomes d’entraînement, et même de combat, de plus en plus réduits. On fait ainsi des économies de court terme au prix de l’appauvrissement des conditions de travail de nos unités élémentaires, ces réunions de volontaires sur qui in fine tout repose. Que ces hommes et ces femmes se lassent, viennent en moins grand nombre ou quittent l’armée de terre plus tôt et c’est la dégradation de notre capital humain qui s’accélérera jusqu’à l’impuissance finale.


Comme John Maynard Keynes inversant les signes des équations économiques « classiques » ou Dick Fosbury sautant à l’envers, il suffit parfois d’inverser le regard pour, peut-être, trouver des solutions. Notre préoccupation première doit être le soldat, qui n’est pas un problème de coût mais au contraire une solution. Celui-ci doit être heureux dans son unité, ce qui passe bien sûr par une « condition de vie » correcte mais aussi par la camaraderie, la fierté d’appartenir à une unité de combat forte et le sentiment que l’on reconnaît justement ses efforts.

Le premier moyen de maintenir les savoir-faire tactiques collectifs, voire de les augmenter, est de maintenir la stabilité des unités. A la fin des années 1970, le général américain Don Starry assistait à une démonstration de tir d’une unité israélienne (de réserve) de chars. Etonné par l’efficacité du tir d’un des équipages, il leur demanda combien ils pouvaient tirer d’obus chaque année pour être aussi bons. Les tankistes répondirent que six à huit suffisaient car ils étaient ensemble dans le même char depuis quinze ans. Des hommes maintenus ensemble dans des unités stables pendant des années finissent par créer des obligations mutuelles et des compétences liées. Pour ma part, en onze ans de vie en compagnie d’infanterie, j’ai eu le sentiment d’un éternel recommencement du fait du sous-effectif chronique et de l’instabilité des sections. En trois ans à la tête d’une section au 21e régiment d’infanterie de marine, j’ai commandé soixante-trois hommes différents pour un effectif moyen sur les rangs de trente. Efforçons nous d’avoir des unités élémentaires à effectifs complets et constants, ralentissons le système de mutations des cadres, hérité de l’époque du service national, pour maintenir les cadres et les soldats ensemble plus longtemps, arrêtons d’avoir une structure différente pour chaque mission et nous verrons d’un seul coup augmenter les compétences sans dépense supplémentaire.

Dans le même esprit, les groupements tactiques interarmes organiques et non constitués pour la mission, s’ils posent des problèmes de maintenance sont également de très forts économiseurs d’entraînement. J’ai vécu dans deux unités de ce type (un régiment mécanisé ancienne formule et un régiment interarmes d’outre-mer). On y apprend la coopération interarmes sans avoir à bouger; par simple imprégnation. Cela suppose aussi de déstructurer la déstructuration et ramener les équipements, notamment les véhicules, à leurs servants. D’autres voies existent, à la fois culturelle (développer une obsession de l’entraînement permanent jusqu’au plus bas échelon, en tous temps et tous lieux) et organisationnelle, par exemple en desserrant l’étau des procédures administratives ou en supprimant certaines missions peu utiles. D’une manière générale tout ce qui peut contribuer à la stabilité des unités, à la facilitation de la vie courante, au gain de temps au profit de l’entrainement de proximité contribue indirectement à l’élévation du niveau opérationnel. On peut économiser ensuite sur les « coûts de transaction » nécessaires pour réunir et rendre cohérentes toutes les composantes matérielles et humaines d’une formation dans un grand camp.

Ces GTIA permanents, bien équipés, complets et cohérents sont destinés à être projetés. Ils n’ont pas forcément besoin d’être très volumineux pour peu que l’on ait fait effort sur la « productivité tactique » de chacune de ses cellules. Ils constituent le cadre de travail normal des hommes et des femmes pendant plusieurs années. 

On peut concevoir de les intégrer dans un cadre plus large de tradition et de gestion, du niveau régiment, corps à l’identité bien marquée et au sein duquel on ferait carrière. Ce corps aurait une double vocation organique (en particulier dans la gestion des ressources humaines) et opérationnelle, en intégrant un centre opérationnel de niveau brigade. Il coifferait les GTIA mais aussi un bataillon d’instruction qui, organisé en équipes d’assistance militaire opérationnelle, gérerait, outre cette mission d’AMO, la formation initiale des engagés mais aussi celle des réserves voire éventuellement du service civique. Le régiment comprendrait aussi un bataillon de montée en puissance, armé principalement de réservistes mais pas seulement, à vocation de maintien en condition de matériels moins immédiatement nécessaires, et de renforcement des GTIA. Il pourrait aussi être engagé de manière autonome, essentiellement sur le territoire national mais possiblement sur un théâtre d’engagement majeur. Les hommes du régiment auraient vocation à tourner dans ces trois fonctions, opération, instruction et montée en puissance. 

Au dessus de ces régiments-brigades, la structure doit redevenir simple, claire et directe vers le Chef d'état-major. Il paraît nécessaire de reformer un échelon divisionnaire, non plus « en l’air » comme les Etats-majors de force, ce qui est peu compréhensible pour les comptables (et donc vulnérable) mais bien relié à des unités identifiées. Ces divisions auraient, selon l’esprit des réformes qui avaient succédé au désastre de l’armée du Second Empire, à nouveau une double prérogative opérationnelle et organique.

C’est peut-être au-dessus de ces échelons que les économies sont à faire : dans l’allègement de la préparation centralisée des forces, dans la suppression de l’état-major de corps d’armée de 400 personnes que nous maintenons à grand (certes payés en partie par l’OTAN c’est-à-dire aussi avec nos contributions) en attente de l’emploi très hypothétique de la Nato Response force. Par les temps contraints qui courent, n’est-il pas concevable d’employer au moins cet état-major au profit de la France et de revenir en arrière en le fusionnant avec l’actuel Commandement des forces terrestres. On pourrait aussi pour donner plus de visibilité vis-à-vis de l’extérieur dangereux (en France), faire en sorte que le Chef d’état-major de l’armée de terre soit aussi directement et clairement le commandant des forces terrestres engagées en opérations.

Tout cela n’évitera pas la nécessité d’une recapitalisation des forces terrestres et le renforcement des effectifs, ni le démontage des structures interarmées rigidifiantes qui ont été mises en place, tout cela inéluctable à terme, mais, en attendant, l’expérience tend à prouver que lorsqu’on combat ce sont plutôt les combattants qu’il faut privilégier.

Traduction

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