AALEME

Légionnaire toujours...

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2013




ALBERT ERLANDE

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Il y a beaucoup d’écrivains en vers, mais il y a peu de poètes. Pour ma part, je n’en vois presque pas aujourd’hui parmi les jeunes. Non pas que je les dénigre, étant moi-même de leur génération et n’ayant jamais commis, autrefois, que quelques mauvais vers, à la manière des magistrats dans leur adolescence. Mais simplement parce que j’assiste, depuis la fin du symbolisme, à une singulière stérilité poétique. Notre génération littéraire a beaucoup de dons mais elle ne brille ni par l’enthousiasme, ni par l’abondance des idées et des sentiments. Elle est fort adroite et connaît merveilleusement les ressources de la rhétorique. En revanche, en dehors du roman, où elle excelle, et de la critique, où elle sévit, je ne vois pas qu’elle ait grand’chose à dire.

Après tout, c’est bien naturel. Le reflux succède au flux. Après le mouvement qui nous a donné Verhaeren, Régnier, Merrill, Jammes. Mauclair, Elskamp, Vielé-Griffin, Jean Dominique, Klingsor, etc., il y eut une réaction qui, menée par des gens sans verve poétique ni intuition musicale, est systématiquement retournée, en prosodie, aux vieilles formes fixes dont l’harmonie mathématique et monotone tient lieu de tout lyrisme, et, en inspiration, aux sujets, aux anecdotes, aux idées développables par des artifices logiques. La poésie actuelle est redevenue de la littérature ordinaire, écrite en vers classiques.

Car sauf des exceptions comme M. Milosz (dont les lieds sont étonnants), les poètes en vers libres sont peut-être plus pauvres encore que leurs confrères néo parnassiens : rien n’est plus lamentable qu’une idée prosaïque développée selon des rythmes qui veulent être libres mais qui ne parviennent qu’à être irréguliers, amorphes et faux.

Cet état de choses n’est triste que pour ceux qui considèrent la littérature comme une propriété rurale devant rapporter, bon an, mal an, un certain nombre de produits. Cette conception est naïve. Pour qui fréquente les classiques et qui sait par quelle sévère sélection aux sacrifices innombrables ils sont devenus tels, la stérilité relative d’une époque, durât-elle cinquante ans, n’offre aucune espèce d’importance.

Cependant au milieu de cette pénurie de poètes, il se présente d’heureuses surprises. M. Albert Erlande en est une.

Savez-vous que ce jeune homme, dont on a relativement peu parlé parce que, quoique connaissant admirablement les dessous de la vie de Paris et peut-être même à cause de cela, il n’a point voulu faire les démarches et consentir aux concessions que l’on y demande à tout esprit libre et fier, savez-vous qu’avant de publier le Défaut de l'armure (1), ce livre généreux, cruel et violent sur les déboires qui attendent à Paris un écrivain ingénu et de talent, il avait déjà écrit trois romans fort curieux, méprisants des formules consacrées jusqu’à la maladresse, mais à tout instant traversés d’intuitions rares, de belles images, de tragiques péripéties : Le Paradis des Vierges sages (2), la Tendresse (3), et surtout Jolie personne (4), livre bizarre entre tous? Savez-vous qu’avant cela, et en même temps, il écrivait, avec une abondance que d’aucuns trouvaient excessive mais au milieu de laquelle se présentaient toujours des choses intéressantes et belles, des poèmes qui furent réunis en volume sous ces titres : Les Échos et les Fleurs, Hélène (5), Odes et Poèmes (6), le Coeur errant (7), les Hommages divins (8). etc. Et je ne parle pas de la trilogie que depuis longtemps il prépare : Le Chant, la Détresse, la Flamme, drames dont je ne sais rien expressément mais qui doivent être remarquables s’ils, se contentent seulement de continuer l’évolution vers le pathétique et la grandeur que présageaient les pièces que  j ’ai lues autrefois de lui, mais qu’il n’a jamais voulu publier, les jugeant insuffisantes.

C’est dans ses poèmes surtout que se manifestait son tempérament. Et ce tempérament était absolument à part.

Malgré qu’il n’ait jamais innové en matière technique (ce qui est curieux de la part d’un poète aux inspirations aussi neuves et ce que, pour ma part, je regrette, car je ne sais pas jusqu’où aurait atteint la magnétique beauté de son talent s’il avait donné à la brûlante matière de ses odes une forme adéquate et nouvelle), malgré qu’il se soit restreint à l’emploi des expressions habituelles : alexandrin et octosyllabique, Albert Erlande a néanmoins montré à ceux, très rares, qui ont su le lire, qu’il était dans la plus pure et la plus essentielle tradition de la poésie.

Si, comme le prétend avec une justesse indiscutable M. Camille Mauclair, qui est le meilleur et à peu près le seul esthéticien de notre temps, « la poésie est cette chose mystérieuse qui naît lorsque l’érudition, la logique, la composition, l'idéologie ont fini de parler et ne semblent plus laisser de place qu’au " silence , Albert Erlande est un vrai poète, car il n’a précisément élevé la voix que pour chanter des états d’âme que l’érudition, la logique et l’idéologie ne peuvent même pas deviner et devant lesquels ses contemporains sont restés silencieux. Ce sont des rêveries élyséennes et hors la vie ; vous y rencontrerez si peu d’anecdote, de réalisme et, pour tout dire, de prose, que si vous n’êtes pas attentif vous trouverez cela vague, indistinct et presque incompréhensible. Mais, si, réagissant contre la médiocrité de la versification actuelle à sujets fixes et à formes banales, vous avez envie de comprendre et d’aimer, de trouver quelque chose de nouveau, alors vous serez infiniment et subtilement séduit par ce lyrisme à la Shelley, purement spirituel, aux images grandioses et indéterminées. C’est une poésie d’âme, chaste et blanche, légère, envolée, mystérieuse. Tout y est amorti : passion, colère, amour, mélancolie, comme les bruits et les formes dans la neige, et tout y prend un sens nouveau, à peiné tracé, aérien, étrange. Ici le mot « comprendre » perd sa densité et sa valeur puisqu’il s’agit de tout autre chose que d'intelligence et d’idéologie et de développement rhétorique. C’est s e n tir qu’il faut, et si vous ne sentez pas, vous êtes perdu, égaré dans un paysage imprévu. Lorsque vous tenez une image, ne cherchez pas à la suivre jusqu’au bout de sa logique mais laissez-vous conduire, avec une volonté moins âpre, moins prosaïque d’arriver à une conclusion matérielle. Alors cette' image, se défaisant graduellement, vous mènera par des chemins pareils à ceux où vous errez dans les rêves à une autre image, et ainsi de suite. Et lorsque vous aurez fini, il ne vous restera pas dans l’esprit cette satisfaction glacée d’avoir compris les idées générales du poème, analogue au morceau de charbon qui est non seulement la preuve et le déchet du feu, mais le souvenir ébloui et vague d’une flamme qui a passé, sans traces mais indubitable.

Une telle poésie, très semblable, je le répète, à celle des lyriques anglais, de Shelley à Browning, ne pouvait avoir de succès en France, où l’on n ’aime que l'éloquence, où Hugo, — c’est tout dire, — passe pour être notre plus grand poète.

Elle n ’en eut pas, en effet, et c’est pour nous que je le regrette, car Albert Erlande a reçu sa meilleure récompense du seul fait d’avoir pu rêver et écrire ses beaux vers. Mais je vois que je ne vous ai pas parlé de son dernier roman, L e Défaut de l'Armure . Eh bien, voici :
Imaginez qu’un poète, un vrai, vienne à Paris et essaie d’y imposer son nom, mais plus encore son idéal. Il se heurtera à la sottise payée de la critique, à la lâcheté de ses rivaux, à l’ignorance du public. Sa maîtresse le trompera, ses amis le trahiront, la vie du boulevard rongera ses énergies. Il ne verra partout que le triomphe de la médiocrité et de la vilenie. Les hommes de génie qu’il admire, la misère les tuera, tandis que la tourbe des gens de lettres, vaniteux, bêtes, voleurs d’idées, sans style, ni générosité, ni grandeur, réussiront, c’est-à-dire obtiendront l’argent, les places, les décorations, le succès et la célébrité.

Écœuré, il partira. Mais cette quotidienne confrontation au vice et à la bassesse parisienne l’aura à ce point déprimé qu’il ne sera plus capable d’effort ni pour le travail de l’esprit, ni pour son propre bonheur) personnel, et que, pauvre cœur tendre et enthousiaste, blessé au défaut de l’armure, il deviendra la proie d’une idée, celle du suicide, bientôt triomphante.

La mentalité du héros de ce livre s’éclaire soudain, lorsqu’on a lu les poèmes d’Albert Erlande, d’une lueur inattendue, car l’insuccès des vrais poètes n’est pas un fait matériel, mais bien purement spirituel, et la vraie poésie, toujours, partout, — qu’elle soit de forme fixe ou libérée, qu’elle soit tendre, confidentielle ou abstraite, — si elle est pure, si elle est vivante, si elle est sincère, si elle vient du mystère de l’âme, si elle est la p o é s ie , est destinée à l’incompréhension éternelle des peuples à qui elle s’efforce de parler.
 Francis de Miomandre
(1) A lbert Erlande. Le Défaut de l'Armure. Paris, Sansot.
(2) Id. Le Paradis des Vierges sages. Paris, Mercure de France.
(3) Id. La Tendresse. Paris, Ollendorff.
(4) Id. Jolie Personne. Paris, Mercure de France.
(5) Id. Hélène, poèmes. Paris, Mercure de France.
(6) Id. Odes et Poèmes. Paris, Mercure de France.
(7) Id. Le Coeur errant, poèmes. Paris, Mercure de France.
(8) Id. Les Hommages divins, poèmes. Paris, Sansot.

Allocution du ministre de la Défense au 4e régiment étranger de Castelnaudary - 25 octobre 2013

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M. Jean-Yves Le Drian,

Ministre de la défense

 

 

 

Allocution au 4e Régiment Étranger

 

 

 

A Castelnaudary, vendredi 25 octobre 2013

Seul le prononcé fait foi

Officiers, sous-officiers,caporaux-chefs, caporaux et légionnaires du 4e Régiment Étranger,

 

Je suis très heureux de passer cette journée avec vous. J’ai découvert ce matin la ferme de Bel Air, où j’ai déjà pu rencontrer certains d’entre vous. J’ai beaucoup apprécié le repas de corps au cours duquel nous avons pu échanger Je voudrais maintenant vous adresser quelques mots.

J’avais plusieurs raisons de venir ici, à Castelnaudary.

Je souhaitais vous rencontrer,d’abord, pour vous dire la fierté que m’inspirent nos armées, et la Légion étrangère en particulier. De mes différentes visites aux forces, en France mais aussi sur les théâtres, que ce soit en Afghanistan, au Liban et encore tout récemment au Mali, je retiens l’excellence de nos forces et l’immense valeur de nos soldats. J’ai rencontré au Mali les légionnaires du 2e régiment Étranger de Parachutistes, du 2e Régiment Étranger d’Infanterie et ceux du 1er Régiment Étranger de Cavalerie. Le rang de la France dans le monde, c’est son siège au Conseil de sécurité, mais c’est à l’évidence aussi votre excellence, votre valeur. C’est toute l’énergie que vous déployez au quotidien, vous qui, en portant haut le fanion vert et rouge de la Légion, portez haut les couleurs de la France. Aujourd’hui, je viens donc d’abord avec un message de satisfaction et de confiance, pour vous dire très simplement la fierté que j’ai d’être votre ministre.

*

Je souhaitais aussi vous rencontrer,pour vous dire quelques mots, à vous et au-delà de vous à l’ensemble de la communauté militaire, à propos du renouvellement de notre défense, qui est l’un des grands enjeux nationaux de cette année 2013. J’ai choisi de le faire ici,face à vous.

Dans un contexte particulièrement complexe, avec des contraintes budgétaires très fortes mais aussi des menaces qui sont loin d’avoir faibli, le Président de la République a pris une série de décisions majeures.

D’un côté, il fallait redresser nos finances publiques, parce que c’est une question de souveraineté pour la France. Nous devons garder le contrôle de notre dette. De l’autre côté, il fallait consolider et moderniser notre appareil de défense, et je crois que nous serons d’accord pour dire que c’est une autre question de souveraineté majeure. C’est le sens du projet de loi de programmation militaire. Le Président de la République a d’abord pris la décision de sanctuariser notre effort de défense, en maintenant notre budget à son niveau actuel, puis en envisageant une légère hausse.

Avec ce niveau de ressources, nous allons maintenir la France au premier rang sur le plan stratégique. Grâce au nouveau modèle d’armées défini par le Livre blanc, nous resterons l’un des rares pays dans le monde à pouvoir assurer simultanément les trois missions fondamentales que sont la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire, et l’intervention sur des théâtres extérieurs, pour des missions de gestion de crise ou de guerre. Pour y parvenir, la préparation opérationnelle mais aussi les équipements sont au cœur de ce projet de loi de programmation militaire.

*

C’est la troisième raison pour laquelle je tenais à être avec vous aujourd’hui. Je voulais vous entendre.

Le contexte actuel est difficile pour tous. Nos armées bénéficient d’une priorité forte, qui est aussi la reconnaissance de ce qu’elles valent et de ce qu’elles font pour la Nation. Il n’en reste pas moins que la Défense contribue aussi, comme les autres ministères, à l’effort national de redressement des comptes publics.

Les décisions de restructuration pour l’année 2014 sont maintenant connues. Je voudrais vous dire pourquoi je n’ai pas souhaité annoncer d’un coup cinq années de restructurations. Nous n’avons pas encore décidé, tout simplement parce que nous voulons nous donner du temps, pour ajuster au mieux, lieu par lieu, les efforts que nous devrons faire. Lorsque j’étais élu local, j’ai connu des restructurations, avec des méthodes qui ont pu être brutales. Ce ne sont pas les miennes. Pour ma part, je serai dans le dialogue, avec les élus comme avec les personnels, car ce sont eux qui font vivre au quotidien les liens fondamentaux qui unissent les territoires et les armées. Ces liens, je veux les préserver au maximum. Cela demande donc de prendre le temps, pour ajuster au mieux les décisions que nous prendrons. Dans tous les cas, vous le savez, le 4e Régiment Étranger, qui est au cœur de la Légion étrangère, n’a pas de raisons de s’inquiéter…

Cet effort de la Défense prend d’autres formes, et je sais ici que cela peut être dur pour vous. Je m’en rends compte régulièrement, lorsque je vais dans les régiments de l’Armée de Terre, et le chef d’état-major de l’Armée de Terre me tient au courant de vos difficultés. Je pense en particulier aux économies de fonctionnement. Le Président de la République lui-même en a conscience. C’est le sens de la priorité qu’il a marquée pour les armées. En outre, la mission qu’il m’a confiée, c’est aussi de sensibiliser l’ensemble du Gouvernement à la singularité du métier de soldat et aux contraintes particulières que cela peut générer. C’est ce que je fais au quotidien. C’est ce que j’ai fait en particulier lorsque j’ai porté la voix des militaires dans le débat sur les retraites, pour réparer une iniquité née de la loi de 2010 et faire respecter vos spécificités.

Vos difficultés, je les mesure, et en même temps je souhaite vous entendre à leur sujet, pour réfléchir ensemble, concrètement, aux moyens d’y remédier au mieux. Aujourd’hui, j’ai tenu deux tables rondes. J’ai noté un certain nombre de choses, auxquelles je vais réfléchir pour voir ce que l’on peut faire. D’ores et déjà, je voudrais vous dire que ce que j’ai vu et entendu aujourd’hui renforce ma motivation pour trouver une solution aux insupportables problèmes du logiciel de solde Louvois. Cela me renforce dans la conviction que nous avons eu raison en faisant du maintien de l’activité opérationnelle une priorité de la loi de programmation militaire. Cela renforce la détermination que j’ai pour élaborer calmement une politique de ressources humaines, qui permettra à chacun de s’épanouir pleinement dans son métier.

*

Voilà autant de sujets dont je veux me saisir. Mais il y en a un qui me tient particulièrement à cœur, et que je veux évoquer avec vous aujourd’hui : notre système de soutien, fondé depuis 2011 sur les bases de défense. Et ce que vous m’avez dit aujourd’hui me confirme, une fois de plus, ce que je viens vous annoncer aujourd’hui.

Depuis que j’ai pris mes fonctions, je me suis déplacé à de nombreuses reprises dans les forces et dans les bases de défense, pour être en contact direct avec celles et ceux qui travaillent au quotidien dans le cadre de cette réforme du soutien. A chaque fois, lors de ces échanges, je me rends compte des premiers résultats positifs de la mutualisation des soutiens, mais je mesure aussi toutes les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de cette transformation.

Je n’ai pas peur des mots : dégradation de la qualité de l’administration et du soutien de proximité (et ici Louvois est un exemple monstrueux), complexité de l’organisation des soutiens, retard dans le déploiement des systèmes d’information, périmètre budgétaire des bases de défense qui est mal défini…

Le 1er juillet dernier, j’ai pris plusieurs décisions concernant l’organisation et le fonctionnement des bases de défense. Je les ai prises, au terme d’une longue réflexion avec l’ensemble des armées, directions et services. Je les ai prises, en ayant le souci premier de préserver l’environnement et les repères des personnels concernés.

Aujourd’hui, nous allons donc instaurer un comité ministériel des soutiens que je présiderai ; nous allons mettre en place une autorité hiérarchique du service du commissariat des armées sur les groupements de soutien en bases de défense ; dans le même temps, nous allons renforcer les capacités d’arbitrage et de coordination des commandants de base de défense… Pour mettre en œuvre ces décisions, j’ai fait le choix d’en passer par une expérimentation préalable, avant toute généralisation, parce que ma méthode c’est celle de l’écoute, du dialogue et de l’action dans la durée.

Au-delà de ces évolutions structurelles, je tiens à dire qu’à chaque fois que je me rends dans une unité, on me fait part des difficultés de tous les jours. Ces difficultés vous «gâchent la vie», je m’en rends compte. C’est inacceptable. A chacune de mes visites, j’ai pu constater des difficultés très concrètes, auxquelles je veux qu’on apporte des réponses très concrètes, immédiates et visibles. Je veux répondre avec l’engagement qui s’impose. Je pense par exemple à la dégradation de l’entretien des bâtiments, ou aux difficultés persistantes rencontrées par les personnels pour accomplir leurs missions. Cette situation s’explique par les contraintes budgétaires, mais aussi, parfois, par le maintien de procédures lourdes, complexes. Ces procédures surchargent le personnel affecté dans les formations assurant le soutien, et désespèrent ceux qui sont dans les unités opérationnelles, comme les régiments. Tous ces exemples, c’est vous qui me les avez donnés, et c’est sur la base de vos attentes que je veux travailler. Je vous le dis, il y a une urgence, parce que nous ne pouvons pas continuer ainsi.

Aujourd’hui, je déclenche donc un plan d’amélioration des conditions de vie et de travail en bases de défense, à mise en œuvre immédiate, pour répondre pleinement et concrètement aux attentes qui se sont exprimées sur le terrain et dont j’ai pris toute la mesure. Je débloque immédiatement 30 M€ pour financer des mesures très concrètes, attendues par tous, pour l’amélioration des conditions de vie et de travail de tous les personnels, et renforcer les moyens d’exécution des missions, dans chaque BDD.

Bien sûr, je vais entrer dans le détail. Trois catégories de dépenses seront privilégiées à travers ces 30 M€, qui seront utilisés par les bases de défense jusqu’au dernier euro au profit exclusif des personnels dans les unités, j’y veillerai personnellement. D’abord, améliorer et entretenir le cadre de vie et de travail. C’est-à-dire réaliser les réparations urgentes (sanitaires), rénover les bâtiments (bureaux et hébergement),  couvrir les marchés d’entretien (nettoyage des locaux). Ensuite, faciliter les achats de proximité touchant à la vie quotidienne sur le site et qui sont pour la plupart réglées par carte achat : fournitures, produits d’entretien, fontaines d’eau potable, achats de petites pièces détachées levée du moratoire sur l’ameublement de bureau. Enfin, renforcer les moyens d’exécution des missions, en desserrant les contraintes d’utilisation des cartes d’autoroute, en couvrant les achats de fournitures courantes.

Cette allocation de 30M€ sera répartie dès le début du mois de novembre, en fonction de besoins précis, concrets et ciblés sur chaque base de défense. Le commandement est mobilisé sur le recueil précis des besoins. Elle sera complétée par des actions visant à simplifier les processus et procédures en bases de défense, l’administration de proximité, mais aussi à mettre en cohérence certaines fonctions sensibles comme la prévention et la maîtrise des risques, le dialogue social…

Sur ces différents axes d’effort, un premier bilan sera fait avant la fin de l’année. Évidemment, à travers ce plan, j’appelle à la mobilisation de tous, en particulier des cadres des armées, des directions et des services, pour la réussite du dispositif des bases de défense et l’amélioration des conditions de vie et de travail des personnels qui y sont affectés.

Partir en mission, organiser un exercice ou une séance de tir, commander un véhicule… sont autant d’actes quine doivent plus constituer une difficulté au quotidien, pour celles et ceux qui ont fait le choix de servir notre pays de la plus belle manière qui soit. Le plan que j’annonce aujourd’hui, c’est un engagement personnel que je prends, et j’entends qu’il soit mis en œuvre avec détermination et sans faiblesse. Je serai donc particulièrement vigilant à sa bonne mise en œuvre. Je sais pouvoir compter sur l'EMA et le SCA pour mener à bien ce plan d'amélioration des conditions de vie et de travail du personnel. Les commandants de base de Défense et chefs de groupement de soutien ont un rôle crucial.

*

Cette visite, enfin, est bien sûr pour moi l’occasion de saluer la Légion étrangère, et tout particulièrement le 4e régiment étranger qui m’accueille aujourd’hui.

Ce régiment occupe une place spécifique dans la vie de la Légion, puisque c’est ici que sont intégrées et formées les nouvelles recrues. Des hommes venus de tous horizons, ayant connu des situations humaines extrêmement diverses, se retrouvent ici pour apprendre ensemble. Apprendre une langue, bien sûr, le français, que certains connaissent déjà un peu, que d’autres ignorent totalement. Apprendre une culture, surtout,celle d’un pays qu’ils ont choisi de servir. Cela demande des efforts. Mais, envoyant la détermination de ces jeunes légionnaires, en voyant la qualité de leurs instructeurs, je ne doute pas un seul instant qu'ils sauront s’intégrer à la Légion, à nos armées, au service de la France.

Cette visite m’en apporte une nouvelle preuve : la Légion étrangère, au-delà de sa valeur militaire, qui est déjà bien connue de tous, est un formidable creuset d’intégration nationale et républicaine. Sa vocation historique est celle de notre pays, c’est une tradition d’accueil qui est en même temps plein d’avenir.

Au-delà des différences particulières, c’est la volonté de service la France qui vous rassemble. Ce service demande des sacrifices, qui vont parfois jusqu’au don total de soi. La Nation le reconnaît : c’est tout le sens des décrets de naturalisation que je vais maintenant remettre. Ces certificats de nationalité française permettent de mesurer tout le chemin parcouru par des hommes qui ont choisi de se mettre au service de la France et qui maintenant souhaitent en devenir citoyens. Ces certificats sont l’aboutissement d’un long et beau processus d’intégration, propre à la Légion étrangère et qui commence ici, à Castelnaudary. C’est peut-être la plus grande force de la Légion, celle de faire partager les valeurs universelles de notre République avec ceux qui veulent la rejoindre. En devenant légionnaires, vous vous êtes engagés dans un destin collectif, celui de notre pays, qui est désormais aussi le vôtre, au service de la justice et de la paix.

Soyez fiers d’appartenir à la grande famille des légionnaires. C'est tellement important que le projet de loi de programmation militaire, actuellement examiné au Parlement, donne pour la première fois, à l’initiative du Sénat, une place particulière à la Légion. Il donne au foyer d'entraide de la Légion un statut juridique clair pour lui permettre de remplir ses missions de solidarité. C'est un signe fort de la reconnaissance de la Nation envers les légionnaires. En retour, soyez dignes de vos aînés qui, depuis Camerone, portent haut les couleurs de la France. La Nation compte plus que jamais sur vous. Vous avez toute ma confiance.

Seul le prononcé fait foi


L’Étranger

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Lundi 28 octobre 2013

...

Oui, nous les étrangers, soldats qu’on dit perdus

Dont le sang anonyme est troisième couleur

Du drapeau de la France, linceul de nos douleurs

Restons des orgueilleux sur les chemins ardus.

Joseph Lafort

(Nous Légionnaires 1978, in Légion notre mère 2000)

 

Récemment d’aucuns  ont pu s’émouvoir du fait que l’on puisse critiquer, voire contester, la liberté prise par certains cadres d’instrumentaliser, grâce à l’esprit de discipline pure  et d’obéissance formelle, des hommes placés sous leur commandement,  pour servir leur cause individuelle qui  s’inscrivait dans un combat plus vaste, plus collectif, et ce dans un engagement moralement, intellectuellement, humainement juste, mais fondamentalement illégal et au dénouement  plus qu’incertain.  Ces blessures  appartiennent à un passé   lointain déjà,   mais dont   les plaies profondes sont toujours  béantes d’actualité, dans les cœurs et dans les esprits accablés de tourments.  Il y a peu encore, lorsqu’une femme politique  des plus vipérines a pu comparer nos « pieds-noirs » aux populations ROM !

Je conçois que ces possibles critiques puissent mettre en émoi d’honnêtes gens, proches de celui-ci ou de celui-là ayant pu être impliqué  dans l’action, et susciter en eux un sentiment de révolte contre son ou ses auteurs. Je comprends cette émotion. Néanmoins, la critique  porte  moins sur l’homme ou les hommes faits de chair et de sang, ayant entrainé leurs subordonnés dans des luttes sans lendemain, que sur le projet, le concept de l’action elle-même.

« On ne peut demander à un soldat de se parjurer ». Certes non ! Encore moins  à un subordonné!

On m’opposera que le général de Gaulle a procédé de même. C’est vrai. Mais la France en danger était alors occupée par un ennemi en armes et gouvernée – quoiqu’on en pense et à tort ou à raison – en collusion avec l’envahisseur. Ce cas de désobéissance est  immédiatement  exclu du champ  dans lequel se place la critique incriminée.

Imaginons, comme hypothèse, que l’aventure algérienne se soit poursuivie…

Nous retrouverions alors des étrangers qui s’étaient   donnés à la France et auxquels elle a accordé du crédit au point de leur confier ses armes, pouvant être opposés  dans une lutte fratricide, à d’autres soldats français,  engagés, ou pire, des conscrits !

Le peuple français aurait-il accepté une telle horreur ?  La Légion aurait-elle survécu à une telle calamité ? A l’évidence la réponse est non.

En mai 68 au plus fort des événements qui ont marqué toute une génération qui hélas sévit encore ici ou là, les légionnaires d’Aubagne participaient à l’action de l’Etat : discrètement à l’œuvre  sous les bâches des camions, ils vidaient les poubelles que les appelés du contingent, à terre, leur tendaient. Il était hors de question que les légionnaires mettent pied à terre et que la population puisse prétendre que l’on utilisait des légionnaires contre elle, fut-ce pour dégager les ordures qui encombraient la ville par centaines de tonnes pour cause de grève.

Dernièrement  une sénatrice de circonscription de la ville de Marseille a demandé que l’Etat fasse intervenir l’armée dans la lutte contre le crime qui plonge la ville dans un terrible marasme. De bonnes âmes crédules ont cru que le transfert du 1er REC à Carpiagne se faisait à cette fin !

Il faut admettre comme un axiome, que jamais un légionnaire ne sera, ne pourra être engagé contre la population du pays qui l’a généreusement accueilli et pour lequel il est prêt, le cas échéant, à donner sa vie.

Il y va de son honneur.

Au nom de quel autre honneur « supérieur »   pourrait-on engager ces hommes à mordre la main qui les nourrit ?

On peut comprendre les soldats d’une haute valeur morale qui se sont égarés dans une lutte qui leur était dictée par des circonstances exceptionnelles. D’ailleurs certains ont déclaré accepter pleinement les conséquences de leurs actes... 

Je sais que là nous atteignons au « sacré », et que l’excommunication laïque rôde. Mais ce qui est sacré pour les uns ne doit pas le rester pour tous ? Et au nom de quel nouvel évangile ne peut-on pas, ou au moins essayer, comprendre ceux qui peuvent être amenés à s’interroger sur le bien-fondé  de ces actions ou même à les critiquer, au titre de la défense de leur propre honneur et de leur parole donnée car, ça, nul autre   - quels que soient son grade, sa condition sociale ou sa proximité avec les personnes objet de la critique  - que  l’étranger (ou le supposé tel) et lui seul,  qui a osé franchir la porte du bureau de recrutement ,  sait  en mesurer la portée.

Et j’en suis.

Antoine Marquet

 Antoine-Haute-Savoie.JPG

 *L’auteur nomme par ce vocable tous les engagés à la Légion étrangère

Prenez, mangez. Dormez sans rêve, sous la tente ;

Ce pain dur, ce lit dur, qui font l’âme contente,

Sont ceux de nos soldats. Méritez leur tombeau.

 

Vous êtes en lieu sûr, et de vous je me charge,

Entrez – Et derrière eux, d’un geste simple et large,

Elle fait retomber un pli de son drapeau.

de Borelli

(Les Mercenaires, 1885 in Légion notre mère, 2000)


Audition, ouverte à la presse, de représentants d’associations d’anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2014.

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Le général (2S) Allard se penche sur le rapport de la cour des Comptes

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DE L’EXERCICE DU COMMANDEMENT

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Lundi 14 octobre 2013

« J’obéis d’amitié » devise du général Frère

Les derniers feux s’étaient  éteints  sur la commémoration du 150e anniversaire du combat de Camerone que j’écrivais cet article pour Képi Blanc. Tous ne reçoivent pas, et on peut le regretter, ou ne lisent pas le magazine de la Légion étrangère, alors…

Camerone, ce haut fait d’armes constitue l’événement fondamental, le plus profondément ancré, et sans doute le plus symbolique  de la geste légionnaire, glorifiant  à la fois le respect absolu de la parole donnée et l’adhésion sans limites à la volonté d’un chef.

Le légionnaire est ainsi fait que, comme le précisait de Villebois-Mareuil, l’autorité du chef digne de lui commander revêt à ses yeux quelque chose de mystérieux et de grandiose : il attend tout de cet être supérieur… et il procure, à celui qui l’a conquis, la puissance exaltée du commandement.

La puissance exaltée du commandement… elle trouve son acmé grâce à l’amour du chef et à l’obéissance, vertus cardinales des légionnaires.

Pourtant, lorsque l’on parle de commandement à la Légion étrangère, nous pensons rarement aux petits grades (bien lire petits grades et non petits gradés NDLA). Aussi bien dans la troupe que chez les sous-officiers. Dans  l’esprit collectif la notion de commandement  exercé par  ceux-là  n’est  considérée  que dans les fonctions de chef de section ou équivalentes,  dans lesquelles ils se trouvent alors au même plan que nos jeunes camarades officiers.  Et pourtant…  nonobstant les assertions   de quelques-uns, à Phu Tong Hoa c’est bien un caporal-chef qui a assuré  la nuit durant - guidé par les aboiements du chien du capitaine Cardinal tué - les tirs de mortier qui allaient défaire les Viets sur le mur d’enceinte en ruines. Et le « Camerone » du sergent Sanchez que tous connaissent et bien d’autres encore…

Mais c’est   surtout à l’officier que l’on attribue cette responsabilité, cet immense honneur entre tous : commander à des hommes, à des légionnaires  de surcroît, les souder, les mener au combat et le cas échéant mourir avec eux.

Car, nous le savons, tout au long de son histoire, la Légion a vu fleurir,  comme des épitaphes à la gloire de ses hommes, des phrases célèbres et terribles qui scellaient  sous leur grandiloquence marmoréenne le destin de ceux-là mêmes qu’elles glorifiaient :

« Donnez-moi un bataillon de la Légion pour que, le cas échéant, je puisse mourir dignement… »

« Vous êtes soldats pour mourir et je vous envoie  où l’on meurt… »

« Sur la terre imprégnée du sang des légionnaires, le soleil ne se couche jamais… »

Et combien d’autres tout aussi belles et aussi terribles…  Certes, les légionnaires sont ces hommes qui forment encore  au 21e siècle ce paradoxe qui voit la France, jadis championne de la conscription, de la nation armée, confier à des étrangers le sort de ses armes.  Mais peut-on tout leur commander ?

En 1941  après les accords de paix de Saint Jean d’Acre,  les hommes du  6e régiment étranger d’infanterie, le régiment du Levant*,  presque 3 000  malgré de lourdes pertes, rassemblés dans une enceinte, doivent affronter une redoutable  alternative : rejoindre les rangs de la 13e DBLE ou rester dans ceux de leur régiment. Les légionnaires choisissent d’abord, viennent ensuite les sous-officiers et enfin les officiers. Cette hiérarchie est délibérée.  Près de 700 cadres et légionnaires optent pour la 13.  Les autres rejoignent l’Algérie. Un choix,  quoique biaisé, était proposé à ces étrangers!

Vers la  fin de la guerre d’Algérie, considérant leur honneur bafoué par des décisions politiques contestables, et entendant mener une révolte à la fois personnelle et collective, des chefs, convaincus à juste titre  d’être les dindons d’une douloureuse farce de l’Histoire qui semblait se répéter après l’Indochine - un autre abandon -  ont entrainé dans une aventure sans lendemain, dans un engagement politique qui ne les concernait pas, des étrangers placés par la République sous leurs ordres et qui avaient fait le serment, en donnant leur parole,  de servir la France avec honneur et fidélité ! Servir la France. Et elle seule.

Pour légitime que fut leur combat, il était illégal. Convaincus de leur juste et future victoire, ignorant les menaces qu’ils faisaient peser sur l’existence même de la Légion,  ces grands soldats ont utilisé d’autres soldats qui les ont aveuglément suivis par amour du chef et par obéissance, par discipline et esprit de corps, dans une lutte qui  leur était étrangère. Quel choix fut proposé cette fois-ci ? Aucun, l’honneur seul commandait.

Grâce au style de commandement à la française fait de rigueur mais de souci de l’homme, de culte des traditions et d’exemplarité, qui a imaginé la fusion des nationalités, des classes, des croyances, en un creuset qui forge une patrie de substitution « Legio Patria Nostra », la Légion étrangère, vieille de près de deux siècles reste l’un des grands paradoxes qui subsiste, avec bonheur, en ce troisième millénaire au cœur de la nation française.  La France continue de confier, en grande partie, à ces volontaires étrangers le sort de ses armes. Ce n’est pas rien. 

Je reste néanmoins viscéralement convaincu,  qu’on ne peut pas  tout  commander à ces hommes « qui obéissent d’amitié », par respect même pour  leur adhésion totale à la volonté d’un chef,  leur désintéressement, leur abnégation. Ce chef doit être celui qui  veille sur leur honneur et leur orgueil de servir avec fidélité -  comme ils s’y sont engagés -  la France, rien que la France.

*(Syrie et Liban)

Antoine Marquet


NEC PLURIBUS IMPAR

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Vendredi 4 octobre 2013

La fière devise de Louis XIV et celle de la Légion, Honneur et Fidélité, guident l’esprit et l’action des légionnaires cavaliers qui allient la solidité légionnaire à la souplesse de la cavalerie.

Créé à Sousse en Tunisie en 1921, regardé d’un drôle d’air par les autres unités de Légion formées exclusivement de fantassins, le régiment de légionnaires-cavaliers va très vite se distinguer, au Maroc et au Levant où les combats de Messifré et Rachaya le  couvrent déjà  de gloire. Une première fourragère vient orner la cravate de son étendard. Au Maroc il se distingue dans les durs combats qui l’opposent sans cesse pendant plusieurs années aux bandes rebelles, avant  de s’engager plus profondément dans le Sahara pour protéger ses pistes.

Il rejoint la métropole en 1940 où sous l’appellation de GRD 97  (Groupement de reconnaissance divisionnaire) il est engagé dans la Somme. Une nouvelle citation à l’ordre de l’armée est épinglée à son emblème. En 1943 il rejoint à nouveau la Tunisie pour se battre encore contre les Allemands. Les deux dernières années de la guerre le voient participer à la campagne d’Alsace et à la prise de Stuttgart. De nouvelles citations l’amènent à recevoir la fourragère aux couleurs de la croix de guerre 39-45. 

Après la guerre le 1er REC retourne à la guerre. Cette fois-ci en Indochine. Pendant neuf longues années l’étendard du Royal étranger fait claquer ses soies de la Cochinchine au Tonkin. Trois nouvelles citations et une fourragère aux couleurs des TOE viennent alourdir encore la cravate de l’étendard. Ses deux groupements, à eux seuls, obtiennent  six citations.

A partir de 1954 il rejoint de nouveau le nord de l’Afrique et participe pendant huit ans à la guerre d’Algérie.

En 1967 le Royal étranger quitte cette Afrique du nord qui l’a vu naître pour s’implanter à Orange, ville romaine, cité des Princes d’Orange-Nassau. Après les ruines romaines de Carthage il rejoignait celles de cette belle ville provençale.

A partir de la métropole il continue de sillonner tout ce que la France compte comme théâtres d’opérations : du Tchad à la République Centrafricaine, de Beyrouth, territoire de ses premières amours,  aux sables d’Al-Salman en Irak, où il ajoute une nouvelle palme à sa couronne de gloire et de sacrifices. En 1992 il intervient au Cambodge retrouvant les terres d’Extrême-Orient de sa palpitante jeunesse, puis, ce furent de nouveau le Tchad, la Guyane, Mayotte, Djibouti, Congo-Brazzaville, Bosnie-Herzégovine et la Macédoine, l’Afghanistan et encore  récemment, le Mali  avec l’opération Serval.

Tout dernièrement une nouvelle palme au titre de l’opération Tacaud (Tchad 1978) a été attribuée à l’étendard régimentaire.

La République, en retard de plusieurs guerres puisque remettant en 2013 une décoration méritée en 1978, et illustrant on ne peut mieux,  le proverbe qui dit qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, semble tout de même peu reconnaissante envers ceux qui l’ont tant servie, en les déménageant sans ménagement…

Unique en son genre à la Légion étrangère, tout comme le 2e REP dans le sien, restant toujours discret   malgré la quantité de ses titres de gloire et la qualité de ses personnels, ne voulant  jamais « en imposer », le 1er REC a connu d’autres épreuves bien plus sévères, des situations bien plus ardues. La force de caractère des hommes qui le composent,  la souplesse légendaire  de ce régiment, où j’ai eu l’honneur de servir comme sous-officier supérieur et plus tard durant toutes mes années de lieutenant, feront que ce nouveau départ, douloureux,  sera une réussite car le 1er REC ira "en avant, calme et droit".

Beaucoup se posent la question de la dévolution des structures régimentaires. L’état y aura déjà pensé sans doute. En tout cas je pense que le Maire actuel qui a déjà tant fait pour sa ville, aidé de ses administrés, saura trouver une juste destination au quartier Labouche que les légionnaires ont si bien entretenu et valorisé pendant cinquante ans.

Le cimetière de la Légion étrangère, de toute la Légion étrangère, situé au Coudoulet, pourra sans doute continuer d’être administré par le régiment légionnaire de proximité, c’est-à-dire le 1er REG qui est à quelques encablures de là.

Pour la ville la perte est grande. D’un seul coup d’un seul elle perdra 900 habitants… et des habitants dont la cité s’enorgueillit. De durs moments de préparent…

In fine restera l’épineux problème  des très nombreuses familles fortement implantées, enracinées au gré du temps depuis un demi-siècle dans cette riante cité. Les temps sont peu  propices aux ventes de maisons…

Que Saint Georges et Saint Antoine les aident.

Je ne peux terminer ce billet sans dire mon amertume, teintée d’optimisme certes, et sans évoquer le mot célèbre d’un ancien chef de corps, le colonel, puis général Caillard d’Aillières aujourd’hui disparu, « grande gueule » bien aimé qui, lorsque son régiment a été désigné pour intervenir sur l’A7 pour secourir les « naufragés de la neige » en décembre 1970 (60 cm de neige à Montélimar), avait fait apposer une pancarte au-dessus de sa tente PC, sur laquelle on pouvait lire : « Nous sommes commandés par des cons. Patience notre tour viendra ! ».

Pourrions-nous dire la même chose du gouvernement actuel ?

Antoine Marquet


DIX ANS

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Lundi 30 septembre 2013


Oui, j’évalue à une dizaine d’années la durée de mon insistance épisodique auprès de différentes autorités, pour obtenir la réhabilitation de la tombe du colonel Marie Louis Henry de Granet-Lacroix de Chabrières né le 1er mars 1807 à Bollène (Vaucluse) et mort à la tête du 2e régiment étranger le 4 juin 1859 à Magenta.

Chacun sait que le quartier du 2e REI porte son nom. Ce que l'on ne sait pas ou moins, c'est que sa  tombe se trouve à un jet de pierre de ma maison, dans un minuscule cimetière qui jouxte la petite chapelle de Saint Ferréol, dans le quartier éponyme, perdu au milieu des vignes à Bollène.    

Pendant une période, le service général d’un de nos régiments de proximité se chargeait, de temps en temps, d’assurer l’entretien du lieu qui avait fait l’objet d’une donation – par la famille du colonel -  à l’hôpital de la ville, maintenant transformé en maison de retraite, qui n’a pas voulu le vendre aux propriétaires du domaine viticole sis dans l’ancienne propriété des de la Croix-Chabrière, auquel l’ensemble est presque accolé.

Je suppose que la donation était une manière de « s’en laver » les mains…

Enfin, je ne pouvais, pas plus qu’un ancien sous-officier qui habite à quelques encablures de là, me charger de l’entretien des locaux. C’est la raison pour laquelle j’alertais les uns et les autres, y compris les chefs de corps et les services du COM.LE.

La SAMLE alertée aussi, a dépêché une mission pour constater l’existence de la tombe et l’état des lieux. Je crois même que notre persévérant général breton, déjà évoqué dans ce blog, s’y est rendu aussi.

Notre regretté camarade et ami Hans Eberlé avait, à la demande de Gilbert TISSOT, obtenu un effort de son dernier régiment.

Quelques travaux furent entrepris, les murs repeints, les végétaux envahissants coupés, l’ensemble nettoyé… bref, des améliorations certaines et bienvenues malgré la disparition de la pierre à l’insigne du 2e REI… 

Les 12 et 18 septembre j’eus des entretiens avec Madame le Maire de ma ville, maire devenu célèbre non pour son appartenance à un parti bien à droite qui n’est pas le FN, mais par son refus de marier deux femmes, ne respectant pas par-là les dispositions de la loi Taubira, ce pourquoi je l’ai félicitée. Nos rencontres destinées à traiter de problèmes d’urbanisme, m’ont donné l’occasion de lui parler de la tombe du colonel de Chabrières dont un pont de la ville porte aussi le nom. Et c’est elle, au courant du problème, qui m’a informé que le « Souvenir Français » avait restauré le cimetière et fait apposer une pierre tombale en marbre noir, gravée en lettres d’or, en remplacement de l’ancienne dalle dont j’ignore la destination.


Je pense que la SAMLE n'est pas étrangère à cette entreprise. Je me suis rendu peu après sur les lieux et j’ai eu le plaisir de constater que la persévérance et l’opiniâtreté des uns et la bonne volonté d’autres, ont permis cette belle réalisation. J’en ai profité, avec l’ancien sous-officier qui m’accompagnait, pour arracher quelques mauvaises herbes qui m’ont rappelé mes jeunes années où l’on désherbait à la pelle US. Pourvu que cette restauration ne tombe pas de nouveau dans l’oubli…

 

Du coup, sans plus penser à Ischeriden ou Magenta je suis allé acheter quelques bonnes bouteilles de La Croix-Chabrières à ce bon vigneron féru, de surcroît, de la chose militaire.

Antoine Marquet


METIER DES ARMES : une porte qui se ferme

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Dimanche, 15 Septembre 2013

Par le général Bentegeat, ancien Chef d’Etat-Major des Armées.

 

Afghanistan, Libye, Mali, Syrie peut-être demain, nos armées volent d’un engagement à un autre, heureuses et fières de servir, oubliant, dans l’ardeur des opérations, les perspectives moroses de la loi de programmation militaire ; ignorant surtout la révolution silencieuse qui bouleverse l’organisation du ministère de la défense et pourrait, si l’on n’y prend garde, ébranler les fondements de l’institution militaire.

 

La place et le rôle des chefs militaires au sein de ce qui fut longtemps le ministère des armées ont été parfois contestés au cours des dernières décennies. La haute fonction publique, soutenue par les cabinets et le contrôle général des armées, a toujours lorgné vers les postes de responsabilité de ce ministère atypique.
Le général Lagarde, il y a 30 ans déjà, disait aux stagiaires de l’Ecole de Guerre : «  on aurait tort de n’y voir qu’un conflit d’intérêts corporatistes. Ce sont deux visions qui s’affrontent : d’un coté, le notre, la subordination de toutes les activités à la préparation opérationnelle, de l’autre, celui des civils, le primat de la gestion budgétaire. Cette dernière approche peut séduire, car elle est plus perméable aux pressions politiques… ». Nous n’en crûmes pas un mot. Nous avions tort. 

 

La relève des généraux par des hauts-fonctionnaires à la tête d’institutions, comme le SGDN ou la DGSE, aurait pu nous alerter, mais le caractère interministériel de ces postes pouvait expliquer le changement de portage.

Surtout, en parallèle, le développement de l’interarmisation recentrait les armées et le ministère sur leur raison d’être, la préparation et la conduite des opérations. La guerre du Golfe avait montré l’urgente nécessité de dépasser les intérêts particuliers de chaque armée (Terre, Marine et Air) en les subordonnant aux impératifs des opérations interarmées. Et, depuis vingt ans, nos engagements incessants dans les Balkans, en Afrique, au Moyen-Orient et en Afghanistan avaient progressivement donné une place centrale, au sein du ministère, au chef d’état-major des armées.

Consacrée par les décrets de 2005 et 2009, cette évolution stabilisait et consolidait la charnière politico-militaire en donnant au CEMA les moyens d’exercer son rôle de conseiller militaire du gouvernement.

 

Certains s’en étaient inquiétés, craignant que le ministre de la défense peine à imposer son autorité à un « proconsul » trop puissant. C’était ignorer le poids incontournable, au sein du ministère, du Délégué général pour l’armement, assis sur son socle industriel et social, et du Secrétaire général pour l’administration, détenteur des leviers de la finance et de la gestion.   

 

La défiance de principe à l’égard du loyalisme des officiers est non seulement infondée mais surtout incompréhensible pour des générations de militaires élevées dans le culte de l’obéissance républicaine. A une époque tristement marquée par l’affaire Dreyfus et l’affaire des fiches, Jaurès avait fait litière de ces accusations en démontrant la constance de la soumission des chefs militaires aux responsables politiques.

 

Aussi les vraies raisons qui conduisent aujourd’hui à retirer au chef d’état-major des armées une part importante de ses responsabilités pour les confier à des fonctionnaires civils se résument-elles dans une formule lapidaire : « il faut recentrer les militaires sur leur cœur de métier ». En clair, les généraux ou amiraux seraient des techniciens du combat, peu aptes à gérer des hommes, des finances, des relations internationales, voire des services logistiques.

 

Cette vision de la fonction militaire va à l’encontre de traditions millénaires qui exaltaient les rôles de stratège, d’administrateur ou de réductrice de llogisticien comme autant de facettes indispensables au bon exercice du métier des armes.                                                                                                                  

Elle est surtout antinomique des exigences des conflits modernes où l’intelligence de situation, à tous les échelons, requiert une vision large, bien au-delà de la maitrise technique des armes, où le dialogue international est la règle, où l’administration d’un secteur, le contact avec la population et la manœuvre logistique sont des facteurs essentiels du succès.

 

L’évolution sémantique est révélatrice des changements de mentalité. Venues d’Europe du nord où le refus de la guerre et la foi absolue dans le « soft-power » ont marginalisé les armées, certaines expressions, ignorées dans le monde anglo-saxon, se sont imposées progressivement en France. « L’outil militaire » ou « l’expert militaire » renvoient à une vision technicienne du métier des armes. La tentation d’y recourir est d’autant plus grande que la haute technologie est présente partout sur les théâtres d’opérations.

On en vient à oublier que ce sont des hommes et des femmes qui conçoivent et conduisent ces opérations, qui endurent et qui souffrent et qui risquent leur vie ou leur intégrité physique pour protéger leurs concitoyens.

 

La prudence et la réversibilité s’imposent donc dans la mise en œuvre de réformes qui peuvent affecter profondément l’exercice futur du métier des armes. Dans un système où les chefs militaires n’auraient plus la capacité d’influer sur les choix majeurs des responsables politiques, on prendrait le risque d’une triple évolution, souvent constatée dans les pays européens où les militaires sont tenus en suspicion : syndicalisation, politisation des élites et découragement des meilleurs.

 

Dans l’univers aseptisé des officiers « recentrés sur leur cœur de métier », on ne rencontre, bien sûr, ni Napoléon, ni De Gaulle, mais c’est aussi Foch, Lyautey, Leclerc ou De Lattre à qui on ferme la porte.

 

Henri BENTEGEAT
Ancien chef d'état-major des armées

Hélie Denoix de Saint Marc

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