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Champs d’Honneur à Camerone avec la Légion Étrangère

Ligne Claire

6 janvier 2017

C’est l’un des noms de bataille les plus connus de l’Histoire de France et des Français. Peut-être surtout parce que à Camerone, au Mexique, s’est forgé l’image définitive d’un corps d’exception, la Légion Étrangère française créé en 1831. Le 30 avril 1863, une poignée de légionnaires résiste jusqu’à la mort à l’armée régulière mexicaine. Il n’y aura que trois survivants. Le Capitaine Danjou qui commandait à Camerone portait une prothèse de main côté gauche. Elle deviendra une relique que chaque année, le 30 avril, la Légion honore. Thierry Gloris et Joël Mouclier au dessin ont suivi les traces de ces légionnaires mais en devançant leur résistance héroïque de Camerone et en replaçant intelligemment la Légion Étrangère dans le contexte de l’époque, ses débuts en Algérie au milieu du XIXe siècle et sa participation déjà à toutes les batailles du second empire. Cela permet d’anticiper puis de dépasser le simple cadre de cette bataille mythique.

Dès l’enfance Jean Danjou avait choisi le métier des armes. Devenu officier il choisit la jeune Légion Étrangère. Wenceslas Muller quittera l’Allemagne pour des raisons politiques en 1849. Leur destin va se croiser sur le bateau qui les emmène en Algérie. Muller a changé de nom et s’est engagé comme simple soldat. L’entrainement des Légionnaires est sans pitié, comme les punitions. Danjou est blessé et perd la main gauche. Il portera une prothèse en bois. Après l’Algérie, c’est la campagne de Crimée. Napoléon III a des ambitions territoriales et politiques. L’Italie ensuite et Magenta en 1859. Et puis il y aura le Mexique et Maximilien qu’impose la France. Ce qui provoque une guerre sans merci faite de guérillas et d’embuscades. Il faut que la route de Puebla reste ouverte pour acheminer artillerie et ravitaillement. La Légion est là en protection jusqu’à ce mois d’avril 1863 où la 3e compagnie du 1er Étranger tombe sur des milliers de Mexicains et se réfugie dans l’hacienda de Camerone fixant l’armée ennemie, empêchant que le convoi français vers Puebla soit anéanti. La suite on la sait le plus souvent. la Légion ne se rendra pas.

Ils sont devenus Français non par le sang reçu mais le sang versé. On peut toujours dire que tout ceci est bien loin, sans grande importance aujourd’hui. Ce serait une erreur. Ils venaient de tous les pays d’Europe comme plus tard en 1914 avec le Régiment de Marche de la Légion Étrangère, en 1940 à Narvik, puis à Bir Hakeim. L’Indochine jusqu’à Dien Bien Phu où la Légion refera Camerone, à Kolwezi où le 2er Régiment Étranger de parachutistes libérera les otages. En Afrique aujourd’hui, il y a des Légionnaires. Venus de tous les pays, de toutes les religions, ils croient à la Légion, à leur pays d’adoption qu’ils ont choisi de défendre jusqu’à la mort. Une vision quoiqu’il en soit honorable qu’il est bon de souligner car la France a toujours su, quelque soit les époques, faire appel à ses légionnaires. Thierry Gloris a eu raison de choisir Camerone, un sujet que la BD a déjà traité avec par exemple un Mc Coy de Gourmelen et Palacios. Il est toujours utile de se souvenir et de ne pas occulter son Histoire pour cause de politiquement correct.

Champs d’Honneur, Camerone avril 1863, Delcourt, 15,50 €

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Voeux 4e RE

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La Légion étrangère.

Jeudi, 05 Janvier 2017 07:19

Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche 10/01/1914

 

Pour que le caractère du légionnaire soit utilisé, pour que la « Règle légionnaire » (et je la dis telle comme je la dirais d'une communauté cloîtrée), soit adaptée à chaque type de caractères, et pour que cette adaptation donne les meilleurs résultats, il y faut un corps d'officiers singulièrement doué, et unique en son genre. Je voudrais dire ici, très vite, mais avec assez de clarté pour être compris de tout le monde, ce qu'est l'officier des légionnaires.

Les spécialités d'esprit et de cœur, de maintien et de paroles, qu'on réclame du chef, à la Légion, quel que soit son grade, ne sont cataloguées et analysées nulle part.

Mais l’État et le haut commandement les connaissent et y tiennent. Car jamais on ne fait servir directement à la Légion un officier qui sort à l'instant de Saint Cyr on attend, et on fait bien, qu'il soit éprouvé par la vie. Celui-là, qui a été blessé lui-même, sera le meilleur infirmier des blessures d'autrui.

Le règlement et la discipline comme les théories et les services paraissent être, et officiellement sont, les mêmes pour la Légion que pour l'armée française. Dans la réalité, il en va autrement. C'est ainsi que, très souvent, les officiers tutoient les soldats (ceux-ci le tiennent à honneur), et que, assez fréquemment, les soldats (parmi lesquels il y a pas mal de Belges), tutoient leurs officiers. Mais il faut bien démêler dans quel sentiment.

Le légionnaire, homme fait, rompu à la vie, parfois rompu par elle, n'a pas besoin, comme le jeune soldat de France, d'un homme qui lui explique le règlement. Son âge lui a donné assez de réflexion, de sang froid, d'esprit militaire, pour qu'il ne sente pas l'urgence, devant lui, d'un tableau de service, en uniforme, et qui marche. Enfin, le légionnaire, qui est essentiellement débrouillard, ne demande pas à ses chefs de précisions sur les marches, des indications sur les vivres, le couvert et le reste. Il trouve tout cela à lui tout seul, et mieux que quiconque.

Sous ce rapport, le talent du légionnaire est incroyable, et touche à la prestidigitation les autres corps de troupe le savent, et n'aiment pas du tout être cantonnés à côté d'un détachement de légionnaires, qui, en quelques instants, s'appropriera tout ce qui peut être utilisé ou pris, et ne laissera rien aux camarades. J'ai, personnellement, fait cette expérience et je ne suis pas le seul à l'avoir faite après la marche matinale, nous passions, aux environs de midi, dans un village du delta tonkinois, et l'heure de la « soupe » approchait, et la faim, mauvaise conseillère; talonnait nos gaillards: Le chef de compagnie, à l'entrée du village, fit former « par quatre », et on traversa la rue centrale au pas gymnastique on fit la halte, au dehors, à un kilomètre de la dernière maison or, quand on fit ouvrir .les sacs et les musettes, on y trouva du riz, des poulets fraîchement empoignés et le cou tordu, des fioles d'eau-de-vie annamite, et jusqu'à une marmite à cuire le paddy Et pourtant, personne n'avait paru avoir quitté. les rangs. Il n'y a rien à faire contre de telles passions, servies par de tels artistes

Bien qu'il n'ait fait à son chef aucune confidence d'aucune sorte, le légionnaire sait bien qu'il n'est pas, au regard de son officier, un soldat comme un autre il est à la fois plus et moins. Il n'est pas un enfant de la même terre, et de la même race, capable des mêmes passions et des mêmes amours il n'est pas fils du sol national, avec des intérêts et des parents sur ce sol il n'est rien qu'un numéro matricule. Mais il est une intelligence et une expérience. Celles-ci méritent toujours d'être appréciées, et parfois il leur est fait appel, et on est heureux qu'elles soient là. Le chef se sent, à chaque instant, observé et jugé par ses soldats, de cette sorte de jugement qui a des motifs profonds, et qui compte. Et l'officier veut, dans chaque circonstance, que ce jugement lui soit favorable. Il y tient. Et il montre pratiquement et publiquement qu'il y tient. Il y a là une réciprocité de contrôle et d'estime intellectuelle, qui n'existe dans aucune autre armée, dans aucun autre pays.

Ce que le légionnaire donne à son chef en confiance, en orgueil sain, en pleine possession de soi, en assurance logique, il en recherche la juste compensation. Car il faut se le rappeler le légionnaire est un être qui ne croit plus en soi-même, ni en sa volonté, ni en sa force, et qui est venu chercher à la Légion l'armature militaire qui le tiendra debout et suppléera à sa vertu défaillante.

Comment supportera-t-il cette épreuve ? Les règlements lui disent bien s'il s'est trompé, et il s'aperçoit de son plus ou moins de valeur technique au nombre de ses punitions.

Mais la conduite morale, mais la pensée, cette vagabonde enfermée dans l'âme secrète du légionnaire comme dans le plus verrouillé des in pace, qui lui dira si son effacement volontaire, si son suicide social lui ont fait du bien ou du mal ? C'est son officier seul qui est son critérium. L'officier, je le disais tout à l'heure, n'est pas le tableau de service du légionnaire, mais il est sa conscience, vivante et vibrante, et sans appel. Et les jugements de cette conscience-là sont d'autant plus respectés et redoutés qu'ils ne sont pas suivis d'une sanction réglementaire et que c'est l'homme lui-même qui a choisi son juge.

C'est par un coup d’œil, souvent furtif, que le soldat sollicitera, avec une secrète angoisse, l'approbation de son chef, et c'est par un coup d’œil que le chef l'accordera ou la refusera.

Et la punition de l'homme qui s'est diminué moralement est imperceptible aux autres l'officier ne parlera plus au soldat, ou il ne le tutoiera plus, ou il ne le désignera pas à la première occasion qu'il y aura d'aller se faire tuer, et il le mettra, peine atroce, à la garde des mulets et du convoi. Et cette condamnation volontairement acceptée est pire que tous les châtiments disciplinaires.

j'ai connu un légionnaire qui ne pouvait pas ne pas s'enivrer le dimanche, et de qui le souci unique était, quand il était ivre, d'être ramené vite au cachot, afin que son lieutenant ne le rencontrât pas dans les rues de Saïda en cet état. Le respect du chef accepté et des insignes honorables ou glorieux que soi même l'on porte est poussé ici à l'extrême, et on connaît a Bel-Abbès ces trois Allemands; tous trois décorés pour faits de guerre de la médaille militaire, qui exigeaient, avec une hautaine insistance, les marques de respect dues à cette médaille et qui, le jour où ils avaient résolu de « faire la fête », laissaient leur médaille sur leur lit au quartier !

Ainsi, l'officier de légionnaires est le directeur, l'arbitre muet et incontesté de ces consciences fermées et de ces âmes tortueuses, et pourtant il n'a fait comme les autres officiers, que des études militaires.

Pour monter et se tenir à la hauteur d'un rôle si difficile et passionnant, l'officier de légionnaires travaille sans cesse. Mais sur quels conseils et sur quels livres travaille t-il ? Il n'a pas d'autre document que l'homme même, d'autre livre que la conscience d'autrui, d'autres conseils que ceux de sa propre expérience. Il n'a comme critérium et de quel empirisme que ses soldats, le regard de ses soldats,et, en colonne et en campagne, leur manière de servir. Car la seule marque de gratitude de l'homme, à qui le chef à chaque instant rend l'honneur, c'est de servir impeccablement la patrie et l’étendard de ce chef.

Peut-être on comprendra le lien invisible, mais étroit et formidable, qui joint ces silencieux par désespoir à ces silencieux par devoir, et comment une vie, en apparence âpre et rebutante, éveille en eux tous les enthousiasmes et, à l'occasion, suscite tous lés héroïsmes.

Il n'y a là ni contrainte ni discipline il y a l'effort coordonné de volontés viriles, souples et bandées comme des lames d'acier bien trempées, et à qui, évidemment, rien n'est impossible.

Albert de Pouvourville.

LE CAMP DE LA SOIF (12 AU 15 OCTOBRE 1892)

Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche 01/06/1895


Au moment où nos troupes vont se trouver à Madagascar; dont le climat présente de grandes analogies avec le Dahomey, aux prises avec les nombreuses difficultés matérielles, inévitables dans les pays intertropicaux, il nous a paru intéressant de donner à nos lecteurs un extrait de l'ouvrage la France au Dahomey que publie dans quelques jours,chez Hachette, M. d'Albéca, administrateur colonial.

Cet ouvrage est un récit très complet, très vivant des événements survenus pendant les années 1892 et 1893. Ancien officier d'infanterie, ancien résident à Grand-Popo et à Porto-Novo, M. d'Albéca a été appelé par le général Dodds à suivre les opérations militaires en qualité de directeur des affaires politiques et indigènes. Tous les incidents de la campagne, voyages, combats, reconnaissances, prise d'Abomey, démembrement du Dahomey, reddition et déchéance de Béhanzin, sont traités avec clarté par un témoin oculaire, par un acteur qui a eu sa part de responsabilité dans l’œuvre accomplie rapidement et avec le succès que l'on sait.

Pour permettre au lecteur de bien suivre la marche des événements, M. d'Albéca remonte à l'année 1887, date de son débarquement à la Côte des Esclaves, et expose ses excursions à Grand-Popo, au Tado et au Dahomey, à l'époque où les féticheurs et les cabécères gouvernaient le pays et entravaient toute tentative d'exploration sérieuse. Çà et là des descriptions pittoresques, des aperçus sur les mœurs et les institutions, sur les sacrifices humains, sur la vie domestique et sur le rôle de la femme noire. Rien de trop didactique, rien de trop scientifique. Des faits et des impressions.

C'est attrayant comme un roman, et souvent précis comme un rapport militaire.

Cet ouvrage, un des plus complets et des mieux documentés qu'on ait encore écrits sur le Dahomey, est accompagné de nombreuses reproductions de photographies et de dessins dus à dés artistes connus, Riou, Weber, A. Paris, Mme Paula Crampel, Marius Perret, Boudaire, Foucher-Gudin, Brondy, etc.

Le Dahomey est un pays de, surprises et de mystères, dira le général. Dodds à sa rentrée en France. La première et la plus désagréable des surprises fit son apparition à Kossoupa. Pas d'eau. Dans des régions essentiellement marécageuses, cet élément devait être un auxiliaire plutôt qu'un obstacle. Subitement, à l'arrivée à l'étape, l'eau vint à manquer à un contingent de 2,000 hommes de troupe, 3,000 porteurs et 300 animaux marchant et combattant sous un soleil ardent. L'état-major, ne pouvant pas prévoir une pareille impossibilité,n'avait pas d'équipage d'eau, comme en Algérie: Il y avait là une lacune, dont personne n'était responsable, car on manquait de renseignements précis. En pleine saison des pluies, au milieu de marigots, à quelques mètres de Zou et de l'Ouémé il n'y avait ni puits ni sources, il est vrai. Mais une colonne en expédition dans des pays exotiques doit toujours avoir sous la main un équipage d'eau ou bien des récipients suffisants pour en improviser un dès que le besoin s'en fait sentir. Pendant l'insurrection du Sud -Oranais, nos chefs ont attribué à cette organisation la moitié de leur succès.

La nuit vient. Pas d'eau. Après avoir débroussaillé pour établir des abris, les hommes s'endorment péniblement, fiévreusement, pendant que les bêtes attendent impatiemment l'heure de l'abreuvoir, le pied à la corde, arrachant les piquets.

Le 11, départ de Kossoupa, par un temps épouvantable. De grand matin, une tornade vient améliorer la situation parce que l'on peut boire et approvisionner les bidons. Mais la pluie rend la marche très pénible à travers les fondrières, dans un sol argileux, mélangé d'une espèce de tourbe noirâtre faisant glisser les porteurs pieds nus. Les voitures se renversent, les roues des canons s'embourbent.

On arrive à Oumbouémédi sans avoir vu l'ennemi. Les guides parlaient d'un ruisseau. Il est à sec. Pas d'eau, c'est le mot lugubre qui circule vite dans cette agglomération d'êtres humains que la fatigue de la marche et la chaleur du soleil commencent à irriter. Le bivouac est placé à 50 mètres du cours d'eau, de l'Oued Secco disent les légionnaires qui se rappellent leurs courses à travers le Sahara. Un mirador est construit au haut d'un baobab pour observer la plaine, les hautes herbes entravent complètement la surveillance des faces parles sentinelles les plus avancées. On signale à 1 kilomètre une ligne de fumée, et dans le Nord-Ouest, des cases. Un guide moins ignorant ou plus prétentieux que ses camarades affirme que nous sommes en présence de l'armée royale et que le village entrevu est Cotopa ou Cotonou, au bord d'un cours d'eau, le Coto (Co boue, To rivière).

La cavalerie se répand de tous côtés à la recherche de l'eau un tirailleur haoussa découvre une source d'un faible débit dans un coin très fourré près du camp. On peut enfin abreuver les animaux et faire le café. Le convoi qui s'était enlisé arrive péniblement à 10 heures du soir.

Du 12 au 19 octobre, série de combats meurtriers, période de souffrances physiques, incidents de toute nature qu'il est impossible de détailler il faudrait un volume, il faudrait le génie d'Alfred de Vigny, ou le talent de Paul de Molènes.

Départ de Oumbouémédi le 12 à 6 heures du matin,en trois colonnes distinctes, formées d'un groupe avec son train particulier et un tiers du convoi administratif 'les voitures et la cavalerie suivent la route. A huit heures le lieutenant de spahis de Tavernost se trouve subitement aux prises avec une bande de Dahoméens qui ont réussi à s'approcher en rampant et sont trahis par leurs hurlements et leurs cris de guerre. Les cavaliers ne peuvent charger, le peloton Varenne les dégage. Bientôt l'action est générale, le feu ennemi très nourri,très régulier. Les tireurs ne se voient plus; les hautes herbes cachent même la fumée des coups; la formation de combat du corps expéditionnaire est très serrée les groupes se développent sur une ligne de 400 mètres, les fantassins exécutant des feux de
salve sur deux rangs et l'artillerie tirant à mitraille. Les Dahoméens tentent une attaque de flanc à gauche et en arrière.

Ils sont reçus par les feux des spahis qui ont mis pied à terre sur l'ordre du commandant Villiers, pendant que la compagnie Rilba exécute une contre-attaque qui déroute l'ennemi. La colonne se porte en avant.le fanion de la Légion au centre indiquant la direction pendant que les clairons sonnent la marche. On s'avance par bonds, une série de feux, une poussée de 500 mètres. On aborde une ligne de tranchées que l'ennemi vient d'évacuer.

A 11 heures le feu cesse des deux côtés pour reprendre à une-heure. Une reconnaissance de cavalerie ayant été attaquée sur le chemin on reprend la marche en avant par bonds de 200 mètres et à 3 heures seulement le colonel donne l'ordre de bivouaquer derrière une clairière. Pas d'eau. On envoie au camp de la vieille. Nous avons 4 Européens, 3 indigènes tués, 18 Européens, 11 tirailleurs blessés.

13. Combats matin et soir. Arrivée à trois heures à Akpa, 9 tués, 31 blessés.

Mais on est devant le Coto, le Jourdain de ces hommes qui depuis le 9 n'ont presque point d'eau; pas même pour faire le café deux fois par jour.

14. D'après les renseignements recueillis et confirmés par les officiers montés dans les arbres, la position du Coto présentait trois lignes successives de tranchées creusées à cheval sur le chemin qui traverse à gué le cours d'eau.
Ën attaquant directement, on eût éprouvé de grosses pertes. Le colonel Dodds décide que l'on tournera les défenses en se portant à 3 kilomètres vers le Nord, pendant que l'artillerie engagera, du bivouac même, un combat à grande distance qui trompera l'ennemi sur nos intentions.

Départ du bivouac d'Akpa en trois colonnes pour prendre le Cotb en amont.

L'ennemi s'aperçoit à 10 heures qu'il est tourné. Il se précipite vers le passage et commence le feu. L'artillerie laissée au bivouac est obligée de cesser le sien; le tir est impossible à régler le terrain est tellement fourré qu'on n'aperçoit même pas le point d'éclatement des projectiles.

A 10 heures 30 nous sommes à 800 mètres du lieu que nous voulons atteindre..

Quelques spahis avec Greppo, adjudant de cavalerie, partent en avant. Ils sont reçus par des coups de fusil que leur envoie des nègres dissimulés derrière des termitières brutes de cinq à six mètres.

Les canons dahoméens tirent de Cotopa : Un obus éclate en plein camp et tue trois Toffanis. Les misérables porteurs se tenaient constamment couchés par terre la peur paralysait tous leurs mouvements la mort achevait leurs souffrances ceux qui étaient chargés de transporter les munitions sur-la ligne de feu regrettaient presque le sort de leurs camarades affectés au convoi, quoique ces derniers fussent particulièrement atteints par les projectiles. Le capitaine d'état-major Roget, méridional joyeux, à là mine toujours épanouie au milieu des plus tristes circonstances, dit le mot juste sur les Toffanis. « Ces gens-là regrettent bien vivement d'avoir embrassé cette profession. »

Journée du 15 octobre. Pas d'eau. On envoie une corvée au Coto sous le commandement du capitaine Sauvage; elle est repoussée.

Les brancardiers se couchent et refusent de marcher, les infirmiers à coups de bâton les obligent à se relever.

En présence de la force d'inertie opposée par les auxiliaires indigènes, la trique va désormais devenir l'arme de commandement, l'argument qui forcera l'obéissance,

Les Dahoméens à l'affût comprennent nos difficultés et deviennent plus audacieux. Un peloton de Légion arrivé au bord du cours d'eau est obligé d'engager un véritable combat à la baïonnette. Le mouvement offensif de l'ennemi est arrêté. Au centre du bivouac, le capitaine Marmet, officier d'ordonnance du commandant supérieur, tombe mortellement frappé. Déjà, dans la matinée, ce brillant officier que tous aimaient, avait paru triste et fatigué. A dix heures, il s'était retiré dans sa tente et couché près de son lit. A 11 heures une balle l'atteignit au ventre. « A moi, je suis perdu, que l'on vienne prendre mes dernières volontés pour ma femme. » On le porte à l'ambulance ses dernières pensées furent pour sa fillette et sa femme.

L'abbé Vathelet hii donna l'extrême onction pendant qu'à son chevet pleurait son ordonnance européenne. De 2 à 5 heures, il resta immobile,les mains croisées sur la poitrine. On l'enterra sur les bord du Coto qu'on ne pouvait passer.

Pour pouvoir le reconnaitre plus tard, on laissa à son doigt son alliance en or.

Cette mort impressionna particulièrement le corps expéditionnaire.

La journée du 15 coûte cher. Outre Marmet, le commandant Stéfani, le lieutenant d'Urbal sont blessés; il y a 8 tués. Le soir on change de bivouac, on se porte à 2,500 mètres en arrière du Coto, qui coule au milieu d'un taillis de verdure caché par des lianes, des dracoenas, des orchidées,des euphorbes au dessus desquelles s'entrelacent des palmiers sveltes et des fromagers ombreux, des tamariniers géants.

Manque absolu d'eau. Le nom de Camp de la soif est donné par les troupiers à cette étape inoubliable. Les sondages ne produisent rien. La souffrance est intense, les officiers eux-mêmes sont plus ne soutenus que par leur esprit militaire, par leur amour-propre. Les
Toffanis s'éparpillent dans les brousses et meurent les uns après les autres, moins durs à la fatigue et à la soif que les soldats européens.

A neuf heures du soir, le capitaine de spahis de Fitz-James, qui vient de rentrer d'Adégon, où il était allé chercher un convoi 4e vivres, propose au colonel d'aller faire de l'eau a Oumbouémédi. Il part emportant 1,100 petits bidons. Il rentre au camp à quatre heures du matin. Une heure après, une violente tornade éclate sur le bivouac. Le même cri de joie et de soulagement s'élève de tous côtés. Les. tentes sont abattues et transformées en baquets, en rigoles tous les récipients sont exposés à la pluie; on creuse des trous pour les bêtes. Les Toffanis tout nus, la bouche grande ouverte, boivent à même l'eau du ciel.

Un vieil adjudant de la Légion, le nez rougi par des libations copieuses, ne cherche pas à dissimuler son bonheur « On ne croira jamais, dit-il, à Bel-Abès où il y a tant d'absinthe, que l'eau fut si bonne au Dahomey. » La pluie tombe pendant une heure et la colonne peut s'approvisionner largement.

La situation cependant est critique.La résistance trouvée sur les rives du Coto indique que l'ennemi n'est pas à bout de force. Il défend la route directe vers Abomey, et le seul point d'eau de ce plateau ferrugineux, qui s'élève jusqu'à 80 mètres à partir de Cotopa.

Le corps expéditionnaire était réduit par le feu et la maladie. Il ne compte plus, le 16 octobre, que 63 officiers et 1,700 hommes de troupe, 2,000 porteurs, 160 chevaux et 47 mulets. Les ravitaillements devenaient de plus en plus difficiles, la ligne d'étape s'allongeait, les porteurs fondaient à vue d’œil- Il était nécessaire de reconstituer la colonne, fatiguée par les marches et combats, et de l'alléger en dirigeant sur l'arrière les malades et les blessés très nombreux.

Le colonel Dodds n'hésite pas. Le rapport du 16 est succinct « Aujourd'hui à huit heures, enterrement des morts. A midi, la colonne se reportera sur Akpa, pour procéder à l'évacuation des blessés et malades, se réapprovisionner et se reposer.

Elle reprendra le plus tôt possible la marche en avant. »

A 11 h. 30, le premier groupe s'ébranle.

Il y a 164 blessés et malades; les porteurs, éreintés, surchargés, les abandonnent.

Les tirailleurs sénégalais reçoivent l'ordre de prendre les civières. Ils s'écroulent sous le poids de leurs camarades mourants, qui sont de nouveau jetés par terre. A ce moment difficile, les légionnaires, sans attendre des ordres, se mettent quatre par brancard et chargent les blessés sous un soleil de feu d'abord, sous une tornade épouvantable ensuite.

Dans ce mouvement, les soldats européens transportaient non seulement les blancs, mais aussi les tirailleurs sénégalais et des paquets de Toffanis. Les chemins glissaient, les hommes tombaient dans des trous, les blessés criaient. Mais la légion 'étrangère, ce régiment d'élite, dernier vestige de nos vieilles armées, montrait une fois de plus ses qualités, endurance, courage et confiance dans le chef. Ces hommes, des mercenaires,venus de tous les points du monde, sans foyer et sans patrie, s'engageant soit pour un morceau de pain, soit par mépris de la vie, subissant fréquemment des souffrances peu connues, accomplissant sans arrière-pensée, 'sans espoir de récompense, des actes d'héroïsme, donnaient aux indigènes ignorants et veules, à une race inférieure d'esclaves, l'exemple de l'abnégation et de la servitude volontaire, supportées avec dignité.


Alexandre d'Albéca.

L'Expédition du Dahomey (août-décembre 1892), notes éparses d'un volontaire.... 1893.

Jeudi, 05 Janvier 2017 12:45


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